1916 Mourir pour Verdun

samedi 24 février 2024.
 

- A) Les raisons de l’offensive allemande sur Verdun
- 21 février Offensive allemande. 12 juillet elle arrive à 3 kilomètres de Verdun
- 24 octobre reprise de Douaumont
- 3 novembre 1916 La reprise du fort de Vaux par l’armée française marque la fin de la meurtrière bataille de Verdun.

Le conflit qui ensanglanta l’Europe de 1914 à 1918 fut terrible.

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Verdun, "l’abattoir", « la mère des batailles », représente un symbole de l’inhumanité de la guerre.

- par la puissance de feu de l’artillerie (60 millions d’obus tirés en 10 mois) qui modifie le relief (la cote 304, par exemple, diminuera de 7 mètres)

- par son carnage inédit (306000 morts) et la souffrance des soldats engagés

- par ses paysages devenus lunaires, ses villages disparus,

- par ses tunnels dans lesquels soldats français et allemands s’entretuent à la grenade, à la baïonnette, à la pelle de tranchée avec la hantise permanente du pilonnage d’artillerie et du lance-flammes.

- par ses fusillés pour l’exemple

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A) Les raisons de l’offensive allemande sur Verdun

Fin 1915, le général Falkenhayn, chef d’état-major de l’armée allemande, est rassuré par le front Est face aux Russes que ses armées ont affaibli. Il peut à présent tenter une bataille décisive à l’Ouest sur le front français. Il reprend donc l’idée de la percée décisive (plan Schlieffen) par une attaque surprise mais sur un autre axe : prendre Verdun peu et mal défendu, couper l’armée française en deux imposant alors la victoire du Kaiser.

Les historiens ont mis à jour suffisamment de documents et témoignages pour que cette cause de la bataille de Verdun ne fasse pas de doute

- depuis le premier projet du général Knobelsdorf (chef d’état-major de la 5ème armée allemande disposée face à Verdun) jusqu’aux témoignages des officiers allemands après guerre et aux mémoires du Kronprinz (chef de la 5ème armée et fils de l’empereur Guillaume II).

- en passant par les nombreuses lettres de militaires allemands saisies (« Nous avons reçu l’ordre de prendre d’assaut Verdun » ; « Je ne doute pas un seul instant de la chute de Verdun... ») et la déclaration limpide du Kaiser en date du 14 février 1916 : « C’est à Verdun, coeur de la France, que vous cueillerez le fruit de vos peines. »

Pétain, chef de la 2ème armée française dont le front intégrait Verdun en 1916, développe la même analyse : « En choisissant Verdun, Falkenhayn - contrairement à ce qu’il a prétendu- préparait réellement un grand coup, une sorte de nouveau Sedan pour ouvrir une immense brèche et l’exploitation d’un tel succès devant une armée française coupée en deux tronçons donnerait aux armées impériales les plus belles perspectives de victoire. »

Pourquoi l’état-major allemand a-t-il choisi de prendre Verdun plutôt que Soissons (beaucoup plus près de Paris) ou Reims ou... ?

- parce que cette ville jouit d’un écho important dans la population allemande (traité de Verdun en 853, évêché du Saint Empire romain germanique ; ville déjà prise en 1792 et 1870...)

- parce que le saillant de Verdun s’enfonce dans le dispositif adverse mais se trouve ainsi entouré de trois côtés par des forces allemandes bénéficiant d’un réseau logistique de voies ferrées performantes alors que les défenseurs de la ville ne disposent que d’une mauvaise route et d’une voie ferrée étroite ne permettant pas le transport de matériel lourd. De plus, la proximité de Metz, allemande depuis 1871, apporte un confort logistique évident.

- parce que la prise de cette ville ouvre la porte de la zone sidérurgique de Lorraine si importante militairement avec par exemple les usines d’obus de Briey Thionville

- parce que les forts du complexe défensif de Verdun sont vétustes, peu pourvus d’artillerie, défendus par des unités à faible valeur combattante. Quant aux tranchées, elles ne présentent absolument pas la même cohérence qu’en Picardie ou en Champagne, généralement sans boyaux de communication vers l’arrière.

- parce que le fils de l’empereur (le Kronprinz) commande la puissante 5ème armée qui prend en charge tout le front autour de Verdun

B) L’offensive allemande à partir du 21 février 1916

Avant de lancer ses divisions à l’assaut du front français, Falkenhayn a essayé de tirer un bilan des années 1914 et 1915. Pourquoi la guerre s’éternise-t-elle sans succès décisif de Berlin ? en raison des réseaux fortifiés de tranchées, de l’efficacité des mitrailleuses et mortiers qui y sont intégrés, de l’artillerie de campagne qui utilise chaque éminence pour appuyer la première ligne.

Pour réduire cet obstacle des réseaux de tranchées, Falkenhayn veut :

- écraser, dévaster complètement les lignes françaises sous les obus. Ainsi, il concentre sur le secteur d’attaque (seulement 12 kilomètres) : 1000 canons lourds et 2 millions d’obus. Pour des raisons météorologiques, le jour J est reporté d’une semaine.

- limiter les pertes lors de l’assaut d’infanterie par cette préparation d’artillerie mais aussi par des tunnels en béton débouchant le plus près possible de la première ligne française, par des abris creusés également au plus près. L’ensemble peut accueillir 72 bataillons d’assaut.

- utiliser pour l’assaut et le nettoyage des tranchées, une arme nouvelle : le lance-flammes.

- disposer de moyens aériens pour guider le tir de l’artillerie et conserver la maîtrise du ciel

Le 21 février 1916, à 7 h 15 les énormes canons de 220, 305, 380 et même 13 pièces de 420 vomissent leur charge de feu et de fer au Nord-Est de Verdun entre la Meuse et le bourg d’Ornes. Durant neuf heures, un million d’obus (dont une partie lacrymogènes et au gaz) transforment les sept kilomètres décisifs de front en paysage lunaire.

Le duel d’artillerie oppose les 1000 canons allemands à seulement 270 français. Aussi, les 221 batteries du Kaiser ripostent peu à leurs adversaires (65 batteries, surtout de 75 et 90) mais concentrent leurs efforts sur leur feu roulant terrible avançant mètre par mètre pour écraser toute résistance hypothétique. Ensuite, les grosses pièces allongent encore le tir (ponts sur la Meuse...) pour bloquer l’arrivée de renforts. Les massifs de Haumont, de Herbebois et des Caures sont déchiquetés, hachés, nivelés. Derrière le feu roulant, le 7e corps rhénan, le 18e hessois et le 3e brandebourgeois avancent lentement.

Les grands bois abritant les premières lignes françaises connaissent des bouleversements hallucinants "les arbres sont abattus, la terre remuée à de grandes profondeurs par les entonnoirs des trous d’obus" (La Grande guerre, Pierre Miquel). Les 51ème et 72ème divisions françaises (12000h) qui doivent faire face aux huit divisions d’élite allemandes sont essentiellement composées de réservistes et même d’environ 40% de territoriaux. Les 56ème et 59ème bataillons de chasseurs du colonel Driant tiennent le bois des Caures ; que voit le capitaine Seguin ? « La violence du feu avait été telle qu’en sortant de nos abris, nous ne reconnaissions plus le paysage auquel nous étions habitués depuis quatre mois ; il n’y avait presque plus d’arbre debout. »

Dans de telles conditions, nous sommes encore surpris un siècle plus tard, de constater que l’avancée de l’armée du Kronprinz se heurte encore à de petits groupes de survivants, parfois même à des soldats isolés qui profitent du terrain accidenté et bouleversé pour résister. A partir du 22, la lutte de ses soldats perdus souvent coupés durant quatre jours de tout ravitaillement devient encore plus difficile en raison du froid et de la neige.

Au Bois des Caures, les deux bataillon de chasseurs du lieutenant-colonel Driant se font tuer sur place. En quatre jours, le 362ème régiment d’infanterie perd environ 1900 hommes sur son effectif de 2 000.

C) La résistance de l’armée française

Comme durant l’été 1914, le général Joffre :

- a commis des erreurs sur Verdun. Depuis le début de la guerre, l’artillerie lourde des forts (43 fois quatre canons lourds) a été enlevée ; plusieurs positions fortifiées décisives (Douaumont, Tavannes, Vaux, Marre, Vacherauville) ont été désarmées. Pire, il ne croit guère durant les premières heures à une attaque décisive dans ce secteur.

- rattrape rapidement ces erreurs par des décisions rapides et efficaces du point de vue du commandement, par des mouvements de troupes (20ème corps transporté immédiatement, par de gros renforts en matériel).

Quand tombe cette dure journée du 21 février 1916 les Français se sont repris, les mitrailleuses crépitent ; « les hommes abrités par petites grappes dans les trous d’obus, tirent ou se défendent à la baïonnette. Une mêlée confuse et sauvage se prolonge pendant la nuit et la neige tombe sur les cadavres déjà innombrables... Il n’y a plus de liaisons par téléphone, les canons ne peuvent pas tirer sur les lignes enchevêtrées. Les généraux n’ont nul besoin d’expédier d’ordres pour que les soldats tiennent ; ils n’ont aucune possibilité de reculer. Bouger, c’est être mort. Ils n’ont plus d’officiers ni d’encadrement, bientôt plus de munitions. Ils n’ont plus que leur courage et se battent jusqu’à la fin. »

Deux divisions françaises entrent en ligne le 24 février et tissent une nouvelle ligne de front aux côtés de survivants préalablement engagés.

Cependant, le 25 février, quelques dizaines de Brandebourgeois prennent par surprise le fort de Douaumont (et ses 57 soldats territoriaux) dont la porte est ouverte et le pont levis baissé. Cependant, l’attaque allemande s’épuise.

Ce même jour, le général Philippe Pétain est investi par Joffre du commandement sur Verdun. Nous devons reconnaître que le combat change d’âme.

- Le front français (11 divisions plus une réserve significative) est réparti en quatre secteurs géographiques commandés par des généraux de qualité ( Bazelaire, Balfourier, Guillaumat, Duchêne). De plus, 115 grandes unités françaises vont tourner sur ce secteur de Verdun où chacune ne peut guère rester en ligne plus de trois jours.

- Des canons de 75 montés sur des plateformes de camions constituent une DCA mobile efficace.

- De nombreux avions de chasse permettent de conquérir la maîtrise du ciel et ainsi rendre aveugle l’artillerie adverse.

- la fameuse "voie sacrée" est élargie à 7 mètres permettant l’arrivée de 190000 hommes et 22500 tonnes de matériel.

Se voyant bloqué, en partie du fait de l’artillerie lourde française groupée sur la rive gauche de la Meuse, les généraux allemands lancent en mars l’offensive vers celle-ci (célèbre côte du Mort-Homme) tout en reprenant l’assaut sur la rive droite ( fort de Vaux, de la Côte du Poivre et d’Avocourt). Le village de Fleury-devant-Douaumont se voit pris et repris seize fois ; aujourd’hui, il fait partie des villages fantômes du secteur.

D) Deuxième offensive allemande (à partir du 18 juin 1916) puis contrattaque française

Contrairement à l’armée française, les divisions allemandes ne sont pas régulièrement remplacées sur ce secteur de Verdun. Aussi, l’ampleur du nombre de tués, de blessés, d’épuisés nerveusement, de même que la faiblesse des gains obtenus, provoquent une démoralisation évidente, même parmi les meilleures unités : 6ème division (Berlin), 28ème (Badois), 1ère (Koenigsberg), 101ème (Silésie)...

Cependant, le Kronprinz et Falkenhayn décident d’une nouvelle offensive engageant vingt divisions. Il s’agit évidemment d’une lourde erreur politico-militaire. Face à la deuxième armée française (à présent commandée par Nivelle placé sous les ordres de Pétain, chef du groupe d’armées), l’objectif de prendre Verdun est à présent au dessus de leurs moyens. Que cherchent-ils alors ? saigner l’armée française, répondra plus tard Falkenhayn. En fait, comme le remarque justement Renouvin "Plus la lutte se prolonge, plus les pertes s’équilibrent. Le plan de Falkenhayn a fait faillite"

Dès avril , les effectifs français sur Verdun atteignent 525000 hommes et 1800 canons (contre 2200).

Le 18 juin, le Kronprinz fait bombarder le secteur d’attaque sur la rive droite avec des obus au phosgène. Mais les 70 000 Allemands chargés de l’assaut doivent attendre, l’arme à la bretelle, que le gaz se dissipe pour attaquer. « Ce temps précieux est mis à profit par les forces françaises pour renforcer la position. Lorsque l’assaut recommence, le 23 juin, il réussit à occuper la crête de Fleury. Puis les Allemands repartent à l’assaut le 11 juillet après une préparation d’artillerie de trois jours visant le fort de Souville. Ce dernier est écrasé par les obus de très gros calibre car il est le dernier arrêt avant la descente sur la ville de Verdun. Néanmoins, l’artillerie de 75 lointaine ainsi que des mitrailleurs sortis des niveaux inférieurs du fort de Souville portent un coup d’arrêt définitif aux vagues d’assaut allemandes. Une cinquantaine de fantassins allemands parviennent quand même au sommet du fort mais ils sont faits prisonniers ou regagnent leurs lignes : le fort de Souville était définitivement dégagé le 12 juillet dans l’après-midi. Souville marque donc l’échec définitif de la dernière offensive allemande sur Verdun en 1916. » (Wikipedia, bataille de Verdun)

D’octobre à décembre 1916, les troupes du général Mangin (nouveau chef de la 2ème armée) reprennent tout le terrain gagné au printemps par les soldats du kaiser (Douaumont le 23 octobre, Vaux le 2 novembre).

Conclusion

Verdun symbolise l’horreur de cette Première guerre mondiale et l’horreur de la guerre elle-même.

La bataille aura coûté 378 000 hommes aux Français (62 000 tués, plus de 101 000 disparus, et plus de 215 000 blessés, souvent invalides), 337 000 aux Allemands.

Environ 60 millions d’obus ont été tirés soit six au mètre carré pour l’ensemble du secteur concerné. Quatre soldats sur cinq ont été tués ainsi.

Jacques Serieys

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