André Laignel : Il faut un référendum sur le Traité de Lisbonne

mardi 8 janvier 2008.
 

Au Parlement européen, l’ancien ministre de François Mitterrand, actuellement maire d’Issoudun et député européen André Laignel a expliqué au journal le MAGue pourquoi sa prise de position marginale en faveur d’un nouveau référendum ne lui pose pas de problème.

Le MAGue : vous êtes le seul député européen (de la région) à vous prononcer pour l’organisation d’un référendum au sujet du traité européen signé jeudi dernier à Lisbonne, n’est-ce pas une position extrêmement singulière ?

André Laignel : Ce n’est pas singulier de demander à ce que la démocratie soit respectée. On a proposé au peuple de se prononcer en 2005 sur un texte à peu près identique par voie de référendum, et le suffrage universel l’a rejeté. Ce qui a été fait d’une certaine manière doit être défait de la même manière, c’est un principe de notre droit, le parallélisme des formes. C’est d’abord une question de cohérence, j’observe que des parlementaires favorables au projet de constitution européenne ont signé notre appel. Après seulement vient la question de savoir si on est pour ou contre ce traité. Il s’agit là de deux débats différents, et il importe auparavant de répondre à celui de la démocratie, de la légitimité populaire.

Le MAGue : Le traité simplifié pour les institutions de l’Europe est-il un traité honteux ?

André Laignel : Il y a incontestablement une propension des élites à faire valoir leurs idées en se passant de l’avis de la population. En l’occurrence, le traité qui sera soumis à l’approbation de la représentation nationale est un traité maquillé, mais pas simplifié. D’abord, c’est un texte de 250 pages, et c’est le même à quelques exceptions près que celui qu’on a proposé aux Français il y a deux ans. Ce qui posait problème à l’époque a été renvoyé en annexe, dans des protocoles additionnels. Cela relève du maquillage ! Par exemple, la question d’introduire la concurrence libre et non faussée se trouve en annexe et aura la même valeur qu’auparavant... Il y a là tromperie sur la marchandise. Il n’y a pas non plus de directive cadre sur les services publics, rien pour les protéger. C’est complexe mais il y aura des retombées pratiques. Un maire décidant de confier la distribution d’eau à une régie pourrait par exemple se trouver en conflit avec des opérateurs privés qui lui en dénieraient le droit. D’autre part, on y retrouve la soumission de la commune à l’intercommunalité, ce qui réduit encore ses marges de manœuvre et son pouvoir de décision.

Le MAGue : Comment appréciez-vous le retard du Premier ministre britannique à Lisbonne ?

André Laignel : Gordon Brown est dans une situation inconfortable. On prétend construire l’Europe pour les peuples, mais on ne veut pas leur donner la parole. Je le remarque aussi dans ma commune, Issoudun : les gens ont le sentiment qu’on se paie leur tête. On n’ira pas très loin ainsi, et je suis convaincu qu’aux européennes de 2009, il y aura un fort taux d’abstention. Le non français n’était pas un non de circonstance ou de hasard, il était l’expression du sentiment qu’on cherche à leur faire avaler des principes qui vont à l’encontre de leurs propres intérêts.

Le MAGue : Allez-vous vous retrouver dans une tendance marginale au Parti socialiste ?

André Laignel : Je m’en fous, parce que je ne raisonne pas comme ça. Cela fait très longtemps que je suis au Parti socialiste et je l’étais déjà avec François Mitterrand. Pourquoi Ségolène Royal se trouve-t-elle très bien en acceptant la ratification du traité de Lisbonne au Congrès, alors qu’elle s’était prononcée pour un nouveau référendum ? Moi, je me manifeste en fonction de ma conscience politique. Quand on fait de la politique sans mettre en avant ses convictions, je crois qu’il vaut mieux faire du commerce.

Le MAGue : Nicolas Sarkozy n’est-il pas en train de chercher à provoquer une scission au Parti socialiste, juste avant les municipales ?

André Laignel : S’il pouvait l’utiliser dans ce sens, il le ferait volontiers. Il l’a d’ailleurs déjà fait ! Le parti socialiste est en effet dans une mauvaise passe, mais on a le temps : on peut reconstruire un parti en dix-huit mois... Il y a un calendrier, avec d’abord les municipales et les cantonales, puis il y aura un Congrès pour le Parti socialiste. Tout va redémarrer en janvier.


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