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L’agression de Netanyahu contre l’Iran est inadmissible, quelle que soit la distance politique que l’on ait avec le régime de ce pays.
Pour ce qui me concerne déjà, je n’ai jamais soutenu le parti des religieux, même quand l’ayatollah Khomeini était installé à Neauphle-le-Château en 1978. Et cela alors même que je militais en faveur de la révolution populaire contre le Shah d’Iran. Je me sentais alors plus solidaire du parti communiste Tudeh et du souvenir de Mohammad Mossadegh, premier ministre chassé par un coup d’État des pétroliers USA et anglais. Puis, dans la période récente, le mouvement insoumis a directement demandé la libération des détenus français en Iran. Il a intégré toutes les campagnes pour la défense des droits des femmes iraniennes.
Le prétexte avancé par Netanyahu est la préparation par l’Iran d’une bombe atomique. Commençons par rappeler qu’Israël est équipé de cette arme avec l’aide très active des savants français de l’époque… Je voudrais alors rappeler que je me suis déjà souvent exprimé en faveur de la dénucléarisation générale de la zone. Je demande qui aurait l’intention sérieusement d’avoir recours à une telle arme dans une zone où tout se touche et se tient ? Personne ! Sauf à titre posthume. À ce point de mon propos, je veux aussi rappeler que nous avions été nombreux à soutenir la conclusion de l’accord sur le contrôle nucléaire de l’Iran. Ce pays l’a respecté scrupuleusement, avant que Trump ne le dénonce sans motif et unilatéralement. La diplomatie française avait joué un rôle brillant. À cette époque, son statut et ses règles de nomination n’avaient pas encore été totalement réécrites par Emmanuel Macron pour pouvoir nommer ses copains où il voudrait. La position du mouvement insoumis reste le refus de la dissémination nucléaire et le soutien au traité mondial de désarmement nucléaire.
Revenons à l’Iran de ces jours-ci. Le ciblage sur son armement nucléaire aura été sans équivalent pour l’Inde et le Pakistan à leur époque de recherche et d’armement. Notez-le ! La haine et la peur de l’Iran est l’argument directement tiré du catéchisme islamophobe de Samuel Huntington, « Le choc des civilisations ». Avant le génocide organisé par Netanyahu cet argumentaire passait sans mal dans toutes les nations atlantistes. Dorénavant une solide opinion mondiale est construite qui sait à quoi s’en tenir à propos de l’islamophobie et de la prétendue « lutte contre l’antisémitisme » des « suprématistes » qui gouvernent Israël et dirigent les organisations communautaires un peu partout dans le monde, spécialement en France. L’argument de « l’iranien atomique » vient compléter la caricature du « musulman égorgeur » et du « violeur OQTF » des esprits faibles comme celui de Bruno Retailleau.
Voyons à présent les arguments techniques. Ils montrent combien il s’agit d’un prétexte. Dans ce genre de dossier, je consulte des spécialistes. Sur le plan diplomatique comme sur le plan technique. Et ce ne sont pas les mêmes personnes. Pour tout ce qui touche aux argumentations techniques à propos des armes, je m’adresse à Jean-Marie Brom. Il est aussi mon conseil direct à propos de l’énergie en général et du nucléaire civil en particulier. J’assume ici seul ma transcription et compréhension de ce que m’en a dit Jean-Marie.
Je vous ai dit que les Français avaient joué un bon rôle pour l’accord sur le nucléaire avec l’Iran. Et que celui-ci avait été scrupuleusement respecté tant qu’il avait été maintenu. Qu’en est-il à présent ?
Qu’est ce que l’« uranium enrichi » dont il est question dans cette affaire ? Il faut savoir que l’uranium existe sous deux formes : l’U238 (99 % du minerai) et l’U235 (1 % ou moins). Seul l’U235 est fissile. Lui seul peut être utilisé dans les centrales ou bien pour des « bombes A ». Enrichir l’uranium consiste à augmenter la proportion de 235 dans l’uranium. Et cela peut se faire avec des centrifugeuses. L’uranium enrichi à 4 % ou 5 % sert dans les centrales nucléaires. L’uranium enrichi à 90 % permet de faire des bombes.
Depuis les années 2000, l’Iran possède (officiellement) 7 centres d’enrichissement. Mais depuis la rupture par Trump des accords (2018), aucune vérification n’a été possible par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). On sait simplement que l’Iran continue d’enrichir. Quoi qu’il en soit, l’Iran aurait donc, en une vingtaine d’années, réussi à avoir environ 400 kg d’uranium enrichi à 60 %. Ce qui représentera, à terme, 260 kg d’uranium enrichi à 90 %, de quoi fabriquer quatre bombes nucléaires. Mais avant d’arriver à ce taux, il faudrait encore un à deux ans au minimum. Chaque fois qu’une étape demande du temps pour être franchie, il y a une plage plus grande pour le temps de la discussion et pour les vérifications de l’application d’un accord.
Après cela, nous disent nos conseils militaires français, il ne suffit pas de disposer de suffisamment d’uranium 235. Il faut un dispositif de mise à feu. Ce qui est loin d’être facile. Encore un an au moins de délai de production. Et ensuite encore, il faut miniaturiser la bombe. Car cela détermine la taille et la puissance nécessaire pour pouvoir tirer. Celle d’Hiroshima pesait plus de 4 tonnes… Un bombardier la transportait. Pas un missile… Trouver un moyen de l’envoyer n’est pas simple. Un avion ? C’est impossible, en raison des défenses anti-aériennes. Un missile ? L’Iran n’en a pas aujourd’hui d’adéquat.
Conclusion, le danger immédiat n’existe pas. On peut donc dire sans risque de se tromper que l’Iran est encore assez loin d’avoir une bombe opérationnelle. Pas mal d’experts estiment qu’il faudra encore 3 à 5 ans au minimum pour disposer d’une arme nucléaire opérationnelle. Israël annonce avoir bombardé 3 sites d’enrichissement sur les 7 connus. L’un des 3 (Natanz) avait été visité en 2003 par l’AIEA. Enterré à plus de 8 mètres sous terre. On ignore les dégâts. En outre, l’Iran venait d’ouvrir un nouveau site d’enrichissement « plus sécurisé ». Et pourquoi faire taper les centres d’enrichissement ? Les bombes ne sont certainement pas assemblées au lieu d’enrichissement.
Pourquoi Netanyahu a-t-il bombardé aujourd’hui ? Y a-t-il un calendrier nucléaire qui l’explique ? Oui. Le 15 juin, un nouveau round de négociations USA-Iran était prévu sur le dossier nucléaire. Le 12 juin, l’Iran annonçait être parvenu à un enrichissement de son uranium à 60 %, et être capable d’accélérer l’enrichissement. On peut penser que c’était pour faire pression à la reprise des négociations. Et Netanyahu a commencé ses bombardements le 13 juin.
Pourquoi ces attaques, qui au mieux vont retarder un peu la bombe iranienne, pourtant toujours loin d’être prête ? Évidemment pour empêcher les négociations USA-Iran sur le nucléaire. Ensuite, à coup sûr pour détourner le regard sur ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie. Et surtout, peut-être, pour contenir la débandade politique de l’opinion israélienne et la ramener dans le chemin du « soutien sans condition ». L’attaque a eu lieu un jour après le vote de la censure manquée a une voix à la Knesset. Et surtout pour regagner de même la confiance des Européens en mettant en avant des menaces nucléaires plus pressantes. Rappelons-nous les mensonges de Colin Powell à l’ONU sur les pseudo-armes de destruction massive en Irak…
Le fait de tuer des scientifiques du programme nucléaire (dont les directeurs) n’aura qu’une incidence faible sur le programme iranien. Assassiner les chefs d’état-major des « gardiens de la révolution » n’a aucun rapport avec le nucléaire iranien. Ce sont des frappes « anti-régime », pour plaire aux « Occidentaux ». Ceux-là ont besoin de ces assassinats pour capter de la sympathie et de l’adhésion dans les populations chauffées à blanc. Bref, le nucléaire iranien est à cette étape une arme de la guerre… de propagande. Et rien de plus.
Macron enfonce la France dans une ligne d’action qui nous mène à une guerre sans raison ni principe en endossant cette propagande. Avec l’avant-propos « Israël a le droit de se défendre », alors que Netanyahu est l’attaquant contre l’Iran pour la deuxième fois, il a reconnu le concept de « guerre préventive » toujours abominable et irresponsable.
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