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La prétendue réussite économique de Joe Biden
Source : Élucid – média https://elucid.media/analyse-graphi...
publié le 08/01/2025 Par Alexandra Buste, Xavier Lalbin
La prétendue « réussite économique » de Joe Biden : les plus pauvres toujours sacrifiés
Pour les soutiens de Biden qui se rengorgeaient d’indicateurs économiques à faire pâlir de jalousie les « élites politiques » du monde entier, la victoire de Trump est une douche froide. Pourtant, un marché boursier en plein essor, une croissance annuelle du PIB à 2,5 % et un taux de chômage proche de 4 % semblaient indiquer une bonne santé économique et dessiner un chemin tout tracé à Kamala Harris vers la Maison-Blanche. Mais une majorité d’Américains affichent un ressenti différent des indicateurs. Les deux tiers d’entre eux jugent l’état de l’économie « pas très bon » ou « mauvais » et plus de la moitié pensent que les États-Unis sont en récession. En réalité, si Harris n’a pas capitalisé sur ces supposés bons résultats économiques, c’est parce qu’ils masquent de profondes inégalités qui n’ont cessé de se creuser aux États-Unis…
Aux États-Unis, les inégalités sont profondes et toujours plus importantes. La bourse ne profite qu’à une poignée de riches, la croissance est tirée par des dépenses de santé au plus haut et s’accompagne de création d’emplois précaires. Avec la forte inflation, neuf Américains sur dix n’ont pas vu leurs revenus augmenter sous Biden. Pire, les seuls gagnants sont dans le top 10 %, notamment grâce à l’envolée boursière qui a suivi la période Covid.
Finalement, les résultats de la politique de Biden ont transformé le chemin tout tracé pour Harris vers la Maison-Blanche en boulevard populiste pour Donald Trump. Joe Biden, censé être un bouclier anti-Trump, en est devenu le marchepied...
« Si vous voulez que vos 401k (plan épargne retraite, ndlr) et vos actions se désintègrent et disparaissent, votez pour les démocrates de la gauche radicale qui ne font rien et pour le corrompu Joe Biden. »
Voilà ce que Donald Trump écrivait sur X en juillet 2020. Pourtant, au match de la performance boursière, les deux présidents font jeu égal sur les principaux indices boursiers que sont le SP500 et le Dow Jones industriel. L’indice des nouvelles technologies, le Nasdaq, a quant à lui fait deux fois mieux sous Trump que sous Biden – peut-être faut-il y voir l’origine du soutien de certains entrepreneurs de la Tech à sa réélection. Pour faire bonne mesure, les deux mandats ont été chamboulés par la crise Covid sous Trump et par la guerre Ukraine-Russie sous Biden. Toutefois, les gains sous Biden sont pénalisés par une forte inflation, avec une augmentation des prix de plus de 20 % durant son mandat contre seulement 7 % pendant le mandat de Trump.
Mais ces performances boursières profitent surtout aux plus riches. Le 1 % des Américains les plus fortunés détient la moitié des actions et des parts des fonds de placement. Par opposition, la moitié la plus pauvre en détient… 1 %. Entre 1990 et aujourd’hui, le dixième le plus riche a encore grignoté des parts de patrimoine boursier en passant de 80 % du total à 87 % aujourd’hui.
Un chiffre à retenir et à méditer pour nos fervents défenseurs des bienfaits de la retraite par capitalisation : 90 % de la population américaine ne détient que 13 % d’actions et de parts des fonds de placement.
« Les Américains tous boursicoteurs » : voilà un mythe (pratique) qui a la peau dure. Pourtant, en 2022, seulement six Américains sur dix détiennent des placements liés à la bourse avec de fortes disparités selon les revenus. Parmi la moitié la plus pauvre des Américains, un sur trois détient des actions de près ou de loin, c’est presque huit sur dix chez les 40 % suivant (50-90 % de l’échelle des revenus), pendant que 95 % du dixième le plus riche détient une forme de patrimoine boursier.
Et parmi les détenteurs d’actions, les valorisations des portefeuilles sont très hétérogènes et les moyennes sont trompeuses. Si la moyenne des valorisations pour la moitié la plus pauvre des ménages est d’un peu plus de 80 000 $, un sur deux dispose de moins de 12 500 $. Dans les foyers mieux lotis, les 50 % à 90 % les plus riches, un sur deux a moins de 50 000 $ en bourse (moins d’un an de salaire moyen), alors que la moyenne de l’ensemble de leurs placements boursiers ressort à presque 220 000 $ par foyer. Quant au top 10 %, la moyenne de leurs avoirs en bourse est de plus de deux millions de dollars, avec la moitié qui dispose de plus de 600 000 $.
Les écarts de valorisation entre la moyenne et la médiane traduisent la présence dans chaque catégorie d’une minorité détentrice de très forte capitalisation qui tire les moyennes vers le haut. Résultat, parmi la moitié la plus modeste de la population, huit personnes sur dix n’ont soit aucun placement boursier soit au mieux un peu plus d’une dizaine de milliers de dollars investis en bourse. Autant dire que même 60 % de croissance de la bourse sous Biden ne vont pas transformer leur situation financière.
De plus, avec 20 % d’inflation pendant les quatre années de présidence Biden, la « taxe inflationniste » ampute sérieusement le pouvoir d’achat des placements financiers. Le gain de pouvoir d’achat grâce aux performances d’un placement boursier sous Trump était ainsi presque du double de celui de Biden, essentiellement du fait d’une inflation trois fois plus faible (1).
Dès lors, plus de la moitié des Américains ne sont que peu, voire très peu, concernés par les performances boursières. Un paradoxe pour un pays pris en exemple par les tenants de la retraite par capitalisation et des bi ouvrières de enfaits des placements boursiers pour la population. Et alors que les pourfendeurs du système de retraite par répartition français fantasment un ruissellement des richesses boursières vers les retraités, le système en place aux États-Unis montre l’inverse, et Biden n’y a pas changé grand-chose.
Malgré une retraite par capitalisation et les performances boursières, le taux de pauvreté (2) des plus de 65 ans est de plus de 30 % aux États-Unis, selon l’OCDE, à comparer au moins de 13 % de la France. Rien de bien surprenant vu les statistiques de détention des placements financiers et une situation qui n’est pas prête de s’arranger. Parmi les futurs retraités américains de 35 à 64 ans, ceux qui ont fini leurs études et ne sont pas encore à la retraite, 6 sur 10 de la moitié la plus pauvre n’ont pas de plan d’épargne retraite. En contraste, chez la moitié la plus riche, ils sont plus de 8 sur 10 à alimenter un plan d’épargne retraite.
Il est censé être un indicateur de bonne santé économique : l’augmentation du produit intérieur brut (PIB) sous Joe Biden a été de +2,5 % par an sur les deux dernières années, hors rebond Covid et une fois défalquée l’inflation. Mais là encore, ce résultat agrégé de « bonne santé » de l’économie est trompeur, car la croissance est tirée par les dépenses publiques d’armements, les inventaires (stocks de production non vendue) et les services de santé. Or, pour une majorité d’Américains, les dépenses d’armement et les stocks des entreprises ne présentent qu’un intérêt limité. Quant à la croissance des dépenses de santé, c’est surtout l’augmentation du coût de la santé et non l’amélioration des soins de santé qu’elle mesure. Un coût qui a explosé ces trois dernières années et que les plus défavorisés ont subi de plein fouet...
À cela, il faut ajouter un secteur manufacturier moribond depuis la fin 2022. Une préoccupation pour les salariés américains, et notamment la classe ouvrière, car c’est traditionnellement un secteur où les rémunérations moyennes moyennes sont élevées. Selon l’indice de conjoncture PMI ISM des industries manufacturières, l’activité économique s’est contractée pendant vingt-trois des vingt-quatre derniers mois de la présidence Biden, dont les sept mois précédant l’élection. Depuis deux ans, l’indice est sur les plus bas niveaux des vingt dernières années si l’on excepte la récession de 2008 et le cœur de la crise covid entre mai et juillet 2020. Verdict, la plupart des Américains n’ont tiré que peu d’avantages de cette croissance économique.
Quant au taux de chômage très bas de 4,1 % (un taux à faire pâlir d’envie la France…), il reste supérieur de 0,6 point au niveau de la présidence Trump avant la crise Covid, et la qualité des emplois n’est pas forcément au rendez-vous.
Après la récupération postcovid, le nombre d’emplois à temps plein sous Biden est en baisse de près de 800 000 postes depuis début 2023, avec seulement un million d’emplois supplémentaires par rapport au niveau pré covid. Sous la présidence Trump, la croissance a été continue jusqu’à la crise covid avec sept millions d’emplois créés. Des résultats à rapprocher de l’évolution de la population en âge de travailler, qui a augmenté de trois millions d’individus sous Biden et de seulement un demi-million sous Trump.
La faiblesse relative du nombre de nouveaux postes de travail sous Biden par rapport à Trump s’accompagne de la croissance des emplois à temps partiel. On en dénombre un million de plus qu’avant le début de la c historique de 00 le président existence de ciel aux États-Unis pour la majorité de favoriser la grande majorité des travailleurs, les revenus de deux jours guidant copie rise du Covid, et le nombre de personnes en emploi à temps partiel tutoie les plus hauts historiques. Et alors que l’emploi à temps plein dans des secteurs productifs mieux rémunérés stagne depuis fin 2022, il est même en baisse depuis le premier trimestre 2024. Sous Biden, un nombre significatif d’emplois a été créé dans les services publics, mais moins bien rémunérés (+800 000).
Pour achever le panorama, le nombre de personnes ayant deux emplois à plein temps, resté stable sous Trump, a augmenté de 25 % sous la présidence Biden et bat des records depuis les trente années d’existence de la mesure.
Nombre de personnes travaillant à temps partiels aux Etats-Unis, 2017-2024 Des hausses de salaire qui compensent à peine inflation pour la majorité de la population Depuis l’entrée en fonction de Joe Biden, le marché de l’emploi et la forte inflation n’ont pas favorisé les revenus de la grande majorité des travailleurs, avec un revenu moyen réel (3) des ménages avant impôts qui est resté quasi stable (+2,8 %). La comparaison avec la période Trump n’est pas avantageuse, les revenus moyens réels avaient eu une impulsion de 8 % à l’aube de la crise Covid, et la chute durant la pandémie était quasiment effacée fin 2020.
Surtout, la majorité des catégories de revenus avaient progressé sous Trump malgré la crise Covid, avec même 20 % de croissance pour les revenus de la moitié de la population la plus pauvre. Sous Biden, 9 travailleurs sur 10 n’ont vu aucune progression de leurs revenus et la moitié la plus pauvre a même perdu quelques pour cent de pouvoir d’achat. Pire, alors que sous Trump les ménages qui affichaient la plus forte progression des revenus réels étaient la moitié la plus défavorisée, sous Biden, la seule catégorie de ménage qui constate des gains de pouvoir d’achat est le dixième aux plus hauts revenus, notamment grâce au boom boursier post Covid.
Gains/pertes de revenus des ménages sous Trump et Biden, 2017-2023 À ces constats s’ajoutent les dépenses comme les assurances et les emprunts immobiliers, qui ont explosé et qui viennent ébranler cette fragile stagnation du pouvoir d’achat des revenus. L’indice des prix des logements a ainsi augmenté de moitié depuis le début du mandat de Biden contre un peu plus de 20 % sous Trump. Les primes d’assurance habitation, qui étaient restées stables à un peu plus de 1 % par an sous Trump et au début du mandat Biden, explosent de presque 20 % depuis la fin 2022. Même constat pour les assurances automobile avec presque un quart d’augmentation sous Biden. Et pour finir, les taux de la banque centrale des États-Unis ont augmenté et, avec eux, ceux des prêts immobiliers qui ont doublé entre fin 2021 (3 %) et fin 2022 (6-7 %). Ils sont aujourd’hui sur les plus hauts alors qu’ils n’avaient augmenté « que » de 50 % sous Trump.
Toutes ces dépenses sont, comme en France, mal prises en compte par les indices d’inflation institutionnels. Des travaux préliminaires du Bureau des statistiques du travail américain (BLS) sur l’évolution de l’inflation suivant les revenus des ménages montrent des écarts de l’ordre de 10 % d’inflation sur la période 2006-2023 entre les vingtiles de revenus les plus aisés et les plus modestes : « Conformément à nos résultats pour les périodes précédentes, nous constatons que les ménages du quintile de revenu le plus bas ont généralement été confrontés à des taux d’inflation plus élevés que les ménages du quintile de revenu le plus élevé ». Pour l’économiste Isabella Weber, professeur à l’université du Massachusetts Amherst et chercheuse au Fairbank Center de l’université de Harvard :
« C’est encore assez grossier (les études avec prise en compte d’une inflation différenciée selon les revenus, ndlr), mais même avec un ajustement grossier, nous constatons que les personnes à faible revenu supportent une charge d’inflation beaucoup plus importante. Si, au-delà de l’ajustement du panier de consommation, nous examinons également les différents changements de prix subis par les différentes personnes, l grossier (lésion différenciée revenue fermement variation des lésions de ces statistiques souligne encore Hortense de saisir les 10 séances de variation a variation des taux d’inflation devient encore plus prononcée. »
Le Bureau des statistiques souligne par ailleurs les lacunes de leurs études, et « plus important encore, nous reconnaissons l’importance de saisir les différences de variation de prix à des niveaux inférieurs d’agrégation des indices, par quintile de revenu ». Nous retrouvons ici les analyses et critiques, notamment exprimées en France par l’économiste de l’OFCE François Geerolf, sur la mauvaise prise en compte par les statistiques officielles de la réalité des inflations que subissent les différentes catégories de population. Le résultat étant l’invisibilisation et le déni par les « élites » politico-économiques des difficultés rencontrées par une grande partie de la population.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il n’est peut-être pas surprenant d’observer en France comme aux États-Unis le même rejet des discours officiels sur la prétendument « bonne santé » de l’économie. Début 2024 aux États-Unis, alors que la croissance annuelle était de +2,5 % pour la deuxième année consécutive et que les chiffres officiels de l’inflation annuelle étaient revenus durablement autour de 3-4 %, 56 % des Américains pensaient que les États-Unis étaient en récession et 72 % pensaient que l’inflation augmentait. Les sympathisants républicains étaient même encore plus nombreux à le penser.
Ce ressenti vis-à-vis de la situation économique explique peut-être pourquoi une part significative des électeurs aux plus bas revenus (moins de 100 000 $/an), qui votaient traditionnellement majoritairement démocrate, se sont reportés sur le vote Trump. Un sondage CNN Politics trouve ainsi que la moitié des Américains déclarant avoir éprouvé des difficultés modérées suite à la hausse des prix et presque les trois quarts de ceux déclarant de grandes difficultés ont voté Donald Trump aux dernières élections. Selon le Financial Times, « pour la première fois depuis des décennies, les démocrates obtiennent de meilleurs résultats auprès des Américains les plus riches qu’auprès des plus pauvres ».
Biden incapable de stopper des inégalités qui s’aggravent depuis 60 ans Ces quatre dernières années n’ont pas été très favorables à une majorité de la population américaine, mais n’ont finalement été que la répétition d’un « jour sans fin » pour nombre d’entre eux. Pour la moitié la plus pauvre, la période Trump 2016-2020, avec presque 20 % d’augmentation de leurs revenus réels, a été non seulement la plus fructueuse depuis 1975, mais aussi celle qui les a fait sortir de quarante ans de marasme et de stagnation des revenus du travail. Les 40 % d’Américains situés entre la moitié la plus pauvre et le dixième le plus riche sont certes un peu mieux lotis avec un gros tiers de croissance de leur revenu réel depuis le début des années 1980, mais leur progression reste inférieure à la moyenne du pays depuis un demi-siècle.
Les principaux bénéficiaires depuis 50 ans sont les membres du dixième les plus riches. Et plus ils sont riches, plus ils ont capté de revenus. Pendant que les membres du 90 %-99 % – le top 10 % sauf le dernier 1 % – ont vu leurs revenus multipliés par deux en un demi-siècle, ceux du 99 %-99,9 % – le top 1 % sauf le dernier 0,1 % – les ont vu multipliés par presque trois.
Et pour les 0,09 % suivants – le top 0,1 % sauf le dernier 0,01 % – les revenus ont été multipliés par plus de quatre... Mais la palme revient sans conteste aux 0,01 % des Américains les plus riches, qui ont fait la culbute en multipliant par plus de sept leurs revenus depuis le milieu des années 1970 !
Cet accaparement des revenus se traduit en concentration des patrimoines vers le haut, avec les 1 % des Américains les plus riches qui détiennent plus d’un tiers du patrimoine des particuliers… En élargissant au top 10 % des Américains, ils en détiennent presque les trois quarts. À l’autre bout du spectre, les 50 % les plus pauvres n’en possèdent que 1,5 %… une situation qui a peu évolué depuis les années 1960, alors que le rêve américain est souvent brandi par les promoteurs de la méritocratie...
Depuis les années 1970, le top 1 % s’est enrichi de +50 %, c’est +10 % pour le top 10 % depuis les années 1980. Verdict, il reste de moins en moins de gâteau à partager entre les 90 % restants. D’ailleurs, la situation de la moitié la plus pauvre n’a pas changé en 60 ans et son filet de sécurité se réduit à peau de chagrin...
Les conséquences de ces très fortes inégalités se voient sur le taux de pauvreté à plus de 24 % depuis le début des années 2010 (pas de mesures disponibles avant). Il était descendu sous les 23 % pendant le Covid avant de repartir à la hausse en 2022. À presque 25 %, il est revenu au niveau du premier mandat de Trump et se situe parmi les plus élevés de l’OCDE, devancé seulement par le Costa Rica et le Brésil.
Dans ce contexte de marasme économique pour les moins aisés, le déni de réalité d’une partie de la classe dirigeante démocrate et des médias mainstream s’est heurté de plein fouet à la campagne populiste des soutiens de Trump.
L’équipe de Trump a même réussi le tour de force d’apparaître comme proche du peuple et contre les élites, alors qu’ils ont pourtant tous des formations élitistes : Trump est diplômé de Penn University, son vice-président JD Vance de Yale, pour Elon Musk c’est Penn University et Stanford. Vivek Ramaswamy, qui épaulera Musk, cumule Harvard et Yale, et Pete Hegseth, futur ministre de la Défense, est sorti de Princeton et Harvard...
À la vue de ces pedigrees, difficile d’imaginer que les outrances verbales – « les migrants mangeant chiens et chats », « les élites et l’État profond sont les "ennemis de l’intérieur" » – ou les injures – Kamala Harris « vice-présidente de merde » – ne soient pas simplement du bruit pour rendre les discours démocrates encore plus inaudibles.
Et la campagne présidentielle de 2024 a été menée avec un soutien inédit des plus riches des plus riches. Une semaine avant l’élection, 150 familles de milliardaires (environ 2 700 milliards de dollars de patrimoine) avaient dépensé presque 2 milliards de dollars en soutien aux candidats à la présidentielle et aux sénatoriales, dont les trois quarts pour les candidats républicains.
En même temps, on les comprend. Selon l’Institute on Taxation and Economic Policy (ITEP), un cabinet d’étude de politique fiscale à but non lucratif et non partisan, le programme fiscal de Trump – impôts et droits de douane – va diminuer les taxes payées pour le top 5 % des revenus et les augmenter pour les 95 % restants. Si toutes les études ne sont pas aussi drastiques dans la répartition des gagnants et des perdants, elles semblent toutes indiquer une taxation qui bénéficiera davantage aux plus hauts revenus qu’au reste de la population.
Elon Musk seul a donné – investi serait surement plus juste – plus de 130 millions de dollars. Sans parler de la loterie de fin de campagne qui faisait gagner un million de dollars par jour aux électeurs des États clés (4). Désormais, Musk veut assécher les budgets fédéraux, alors que Space X a été rendu possible grâce aux investissements de la défense américaine (DARPA), et voit d’un œil gourmand les 25 milliards de dollars du budget de la Nasa.
Il n’a pas hésité à mettre la puissance de frappe du réseau social X au service de la campagne de Trump. Une étude montre ainsi qu’à partir de mi-juillet 2024, après l’annonce de son soutien à Trump, les comptes et publications en faveur des républicains ont été systématiquement favorisés par l’algorithme. Un coup de pouce bienvenu alors que 12 % des adultes américains déclarent s’informer régulièrement sur X.
Au final, Trump n’a pas fait beaucoup plus de voix qu’en 2020 ; ce sont les démocrates qui ont perdu 9 millions d’électeurs. En parallèle, la campagne de Trump sur la promesse de stopper l’inflation a résonné chez la majorité des Américains touchés durement par la hausse des prix ces dernières années. Pour convaincre, il a su jouer la carte du bouc émissaire en pointant l’immigration comme coupable idéal de tous les maux des Américains. Et cela a fonctionné : de nombreux Américains semblent considérer la réduction de l’immigration comme une question politique essentielle. Ils imputent la faible croissance des revenus réels et les emplois mal rémunérés à un trop grand nombre d’immigrants… alors que c’est l’immigration qui soutient la croissance économique selon le Bureau du budget du Congrès américain (Congressional Budget Office - CBO).
Selon l’agence fédérale, c’est en grande partie la forte augmentation de l’immigration, deux fois plus rapide que dans la zone euro, qui tire la croissance américaine. D’ici 2033, l’agence projette un accroissement de la population active américaine de plus de 5 millions de personnes, principalement grâce à l’immigration. Un surplus de travailleurs qui produira plus de biens et de services, qui générera plus de consommation et plus d’impôts pour les recettes publiques. La croissance de l’économie résultante est ainsi estimée à 7 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie. Un résultat qui serait impossible à atteindre sans cet afflux de nouveaux migrants compte tenu des tendances démographiques du pays :
« L’immigration nette est de plus en plus le moteur de la croissance démographique et représente la totalité de la croissance démographique à partir de 2040, en partie parce que les taux de fécondité restent inférieurs au taux qui serait nécessaire pour qu’une génération se renouvelle en l’absence d’immigration. »
Pour maintenir une croissance du PIB de 2,5 % par an sans immigration, il faudrait augmenter une productivité de la main-d’œuvre américaine qui se dégrade depuis plusieurs décennies. Et alors que les immigrants sont déjà des rouages indispensables de l’économie américaine, si le volume de main-d’œuvre cessait d’augmenter, par exemple par un manque d’immigration, la croissance du PIB repasserait sous la barre des 2 % par an.
Pour faire bonne mesure et toujours sous la bannière de redonner du pouvoir d’achat aux travailleurs, Donald Trump distribue les baisses d’impôts, un peu pour les moins riches et beaucoup pour les plus riches. Aux classes moyennes, il promet ainsi la réduction des taux de l’impôt sur le revenu, l’augmentation des crédits d’impôt enfants ou encore l’exemption d’impôts pour les heures supplémentaires, les pourboires et les prestations de sécurité sociale.
Mais le jackpot des réductions d’impôts devrait être réduction d’immigrés des réductions de réduction plutôt pour les plus riches, avec en premier lieu une nouvelle baisse du taux de l’impôt sur les sociétés. Sous son précédent mandat, les taux d’imposition effectifs des entreprises étaient passés de 22,0 % en moyenne à 12,8 % après l’entrée en vigueur de la loi fiscale Trump. Une mesure qui profite principalement au 1 % le plus riche et qui sera complétée par la limitation de l’impôt sur les successions avec une exemption jusqu’à plus de 27 millions de dollars ou la création d’une déduction de 20 % pour les revenus provenant d’entreprises individuelles, sociétés de personnes ou LLC (sociétés à responsabilité en France), des structures qui sont favorisées par les plus aisés pour se rémunérer en dividendes.
Pour conclure, les électeurs de Donald Trump font parfois l’objet de condescendance dans les médias américains. Peu éduqués, ils ne se rendraient pas compte des outrances de leur champion. Cette analyse occulte la situation économique difficile de ces électeurs, première motivation de leur vote. Elle met aussi sous le tapis la responsabilité de certaines élites démocrates qui ont laissé dériver les inégalités en abandonnant les classes populaires.
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Fin de l’article
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Voici quelques éléments d’information complétant cette analyse économique et sociale par Hervé.
1) Aspect économique.
Rappelons qu’aux États-Unis, la part des salaires dans le partage de la valeur ajoutée (PIB) entre salaires et profits décroît depuis 1980, la tendance s’accentuant à partir du début des années 2000 passant ainsi de 63 % pour les salaires à 54 – 56 % en battant un record historique de baisse depuis 1950.
De 2016 à 2020 les salaires représentaient en moyenne 58 % du PIB ; entre 2020 et 2024 : 54 %.
Le taux d’exploitation de la force de travail a donc augmenté sous le gouvernement Biden. Sur cette période, l’augmentation des marges bénéficiaires des entreprises ont été responsable de 50 % de l’augmentation des prix alors que les augmentation de salaire ne représentait que 8 %. L’étude économique factuelle précédente montre que pour les conditions de vie matérielle du plus grand nombre aux États-Unis, celles-ci se sont aggravées avec le gouvernement démocrate Biden ce qui est confirmé par ces informations complémentaires.
2) Des problème des taxes et de l’immigration.
Certes Donald Trump se situe à l’extrême droite conservatrice et réactionnaire mais il ne faut pas se laisser embarquer dans des stigmatisations qui empêchent de penser.
Prenons un exemple : il annonce des taxes tous azimuts pour affirmer ou plutôt renforcer un protectionnisme qui devrait favoriser l’essor économique de son pays. Or n’importe quel économiste libéral ou marxiste sait très bien que ce genre de mesures va engendrer des réactions boomerang provoquant une hausse importante de l’inflation pour la population américaine. Et Trump le sait très bien.
Quant à ses mesures drastiques contre l’immigration, elles vont aussi se retourner contre l’essor économique des États-Unis dont le taux de natalité a considérablement baissé et dont la quantité de main-d’œuvre disponible pour réindustrialiser le pays est très déficitaire.
Il sera obligé d’en rabattre, et il le sait.
Encore une fois, il faut se méfier des effets d’annonce : examinons les expulsions d’immigrés aux États-Unis.
Les chiffres concernant les expulsions d’immigrés aux États-Unis varient selon les sources et les périodes considérées. Selon un article d’El País, durant son premier mandat (2017-2021), Donald Trump a expulsé environ 1,5 million d’immigrés, un chiffre inférieur à celui de ses prédécesseurs. Par exemple, Barack Obama a expulsé environ 5 millions de personnes sur ses deux mandats (2009-2017).
Et qu’en est-il pour Jo Biden ?
Entre 2021 et 2024, il y a eu 824 000 expulsions.
En 2024, les autorités américaines ont expulsé plus de 270 000 personnes, soit le chiffre le plus élevé de la dernière décennie, surpassant même les records établis sous l’administration de Donald Trump.
Ce chiffre dépasse les records annuels établis sous l’administration de Donald Trump.
Le Mexique, le Guatemala et le Honduras ont été les principales destinations des personnes expulsées.
4) Peut-on dire que Trump a été élu grâce a un appui massif des grands médias ?
Globalement, sur les 40 dernières années, la majorité des grands médias aux États-Unis ont eu une orientation plutôt alignée sur les valeurs « progressistes » et libérales, ce qui correspond généralement aux positions du Parti démocrate.
Pourquoi cette perception ?
Proximité culturelle et sociale : Les grands médias comme The New York Times, The Washington Post, CNN, MSNBC, ou encore The Los Angeles Times sont basés dans des zones urbaines où les idées progressistes sont dominantes.
Ligne éditoriale et couverture des sujets : Beaucoup de ces médias adoptent une posture critique envers les politiques conservatrices, en particulier sous les administrations républicaines de George W. Bush et Donald Trump.
L’évolution du paysage médiatique : Avec la montée de la polarisation politique, des médias comme Fox News, The Daily Wire, et Newsmax sont devenus des bastions conservateurs, tandis que les médias traditionnels sont souvent perçus comme plus proches des démocrates.
Quelques exceptions et nuances Fox News, qui domine largement les audiences des médias conservateurs, est un soutien historique du Parti républicain. Certains journaux, comme The Wall Street Journal, ont une ligne éditoriale plus conservatrice, surtout sur les questions économiques. Il existe une distinction entre les articles d’opinion et les reportages factuels, même si la subjectivité peut parfois transparaître.
Évolution récente
Avec l’émergence des médias numériques et des réseaux sociaux, le paysage médiatique est devenu plus fragmenté. Des plateformes comme Substack ou YouTube permettent à des journalistes indépendants d’adopter des approches moins conventionnelles, mais souvent polarisées.
Il serait donc erroné de croire que l’élection de Trump serait due à un appui massif des grands médias comme cela a pu se passer en France avec l’élection de Macron.
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5) Droitisation de la grande bourgeoisie occidentale et notamment des États-Unis ?
Depuis fort longtemps, au sein de la grande bourgeoisie anglo-saxonne il existe deux grands courants : un premier, très libre échangiste héritier du colonialisme maritime et un second plus nationaliste appelé parfois continental se référant à la souveraineté des états.
Le premier est le plus interventionniste au niveau international : il tente d’assurer son hégémonie par la suprématie militaire ainsi que des coups d’état directs ou indirects et par un soft power utilisant une multitude d’O.N.G. censés défendre les droits de l’homme et la démocratie qui ne sont rien d’autre que des agences d’influence.
L’autre courant parfois appelé isolationniste tente d’assurer son hégémonie par sa puissance économique et industrielle d’une manière relativement autonome et en pratiquant un protectionnisme plus marqué. Le premier courant est plutôt défendu par les démocrates et le second par les républicains aux États-Unis.
Mais dans les deux cas, et cela depuis fin 1914, ces deux tendances partagent un même point de vue : les États-Unis doivent être la première puissance économique et financière et aussi culturelle au niveau mondial c’est le rapport Wolfowitz 2992 qui actualise cette stratégie après l’effondrement de l’Union soviétique
Cette géostratégie est poursuivie par Zbigniew Brzezinski décrite dans son livre « Le grand échiquier. L’Amérique et le reste du monde » paru en 1997. . Toute-puissance économique et militaire rivale doit être affaiblie ou neutralisée. C’est la base de la « philosophie » des révolutions de couleur menée par les États-Unis. Il en résulte que les républicains comme les démocrates peuvent avoir recours à des interventions militaires comme l’a montré l’un de nos articles précédents.
Cela est complété par une multitude de politiques de sanction aux quatre coins de la planète et une ingérence économique avec le principe d’un droit d’extra territorialité.
Un nouveau bloc néo conservateur aux États-Unis réunit une partie des démocrates et des républicains les plus déterminés pour appliquer cette doctrine avec l’aide totale ou partielle de la CIA, du FBI, du Pentagone et du complexe militaro-industriel. Il constitue ce que certains appellent le « deep state »
Trump prétend s’attaquer à l’Etat pour le démanteler considérant que la guerre devient trop coûteuse pour les contribuables et empêche le développement d’une industrie manufacturière non militaire surtout si l’on veut ne plus être dépendant de la Chine.
Cette réindustrialisation va être aidée par une migration d’une partie de l’industrie allemande vers les États-Unis en raison d’une explosion du coût de l’énergie provoqué par la guerre en Ukraine.
Mais cela va provoquer une réaction souverainiste de droite en Allemagne et renforcer considérablement l’AFD dont l’animosité contre les États-Unis sera atténuée par l’aide de Musk
La grande bourgeoisie américaine étant pragmatique, constatant son échec pour neutraliser Trump avec ses grands médias et l’ampleur de son appui populaire, elle va donc virer de bord et s’aligner sur la conception plus nationaliste de Trump.
Ce phénomène va évidemment se répercuter sur la grande bourgeoisie européenne qui est fortement liée aux milieux financiers des États-Unis. Ce n’est évidemment pas par hasard que Bernard Arnault était présent au discours d’investiture de Donald.
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6) Des élus fortement dépendant des groupes financiers et industriels aux États-Unis.
Aux États-Unis, le financement des campagnes électorales repose en grande partie sur des dons privés, souvent issus de grandes entreprises, de syndicats ou de groupes d’intérêts. La décision Citizens United v. FEC (2010) de la Cour suprême a renforcé cette dynamique en autorisant les entreprises et autres entités à financer indirectement les campagnes sans limites, via les Super PACs.
Influence des lobbies économiques
Complexe militaro-industriel : Les entreprises de défense, comme Lockheed Martin ou Raytheon, font du lobbying pour influencer les décisions budgétaires et les contrats militaires.
Industrie pharmaceutique : Des firmes comme Pfizer ou Johnson & Johnson financent des élus pour orienter les politiques de régulation et les prix des médicaments et favoriser la publicité pour ces vaccins.
Bernie Saunders n’échappe pas à la règle : il a bénéficié d’un versement de 1,9 millions de dollars du Big Pharma. (Je ne censure pas les données factuelles qui contredisent ma sympathie pour Sanders).
Industrie pétrolière : ExxonMobil ou Chevron financent des campagnes pour peser sur les lois environnementales.
Secteur financier : Wall Street, via des banques comme Goldman Sachs ou des fonds d’investissement, exerce une influence considérable sur la politique économique et fiscale.
Le lobbying pro-israélien
Il existe plusieurs groupes influents, comme l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), qui financent des campagnes électorales et plaident en faveur d’une relation étroite entre les États-Unis et Israël. Cependant, il s’agit d’un lobby parmi d’autres, au même titre que ceux mentionnés plus haut (armement, pharma, finance, etc.).
Un système critiqué, mais légal
La corruption directe (pot-de-vin, détournements) est illégale, mais l’influence des grands donateurs et des lobbies est institutionnalisée et acceptée sous forme de contributions politiques. Cela pose des questions éthiques sur la démocratie représentative et la prise en compte des intérêts des citoyens. Il est possible d’avoir des informations sur le financement des personnalités politiques aux États-Unis en utilisant le site suivant
Open secret https://www.opensecrets.org/
ou encore : Le diplomate médias https://lediplomate.media
L’absence d’une gauche de rupture avec le capitalisme aux États-Unis et dans la plupart des pays d’Europe conduit le mécontentement populaire provoqué par les politiques néolibérales à se réfugier dans les partis de droite souverainiste ou d’extrême droite nationaliste.
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