Philippines : Où se trouve Jonas Burgos ?

mardi 11 décembre 2007.
 

Depuis 2001 et l’accesion au pouvoir de Gloria Arroyo, les associations de Droits de l’Homme dénombre 800 exécutions extra-judiciaires et près de 200 disparitions forcées.

"Si je suis venue à Genève pour la première fois de ma vie plutôt que de rester tranquillement dans ma ferme, c’est pour rechercher mon fils » Quand Edita Burgos parle, sa voix est calme, empathique, mais résolue, s’exprimant dans un anglais fluide. Aucun ressentiment ou esprit de vengeance dans ses propos, mais plutôt la conviction d’une mère qu’elle doit tout faire pour retrouver les traces de son fils : Jonas Burgos. C’est ce qu’elle essaie de faire cette semaine à Genève en frappant à la porte du Conseil des droits de l’Homme. « J’ai la conviction qu’il est encore vivant » souligne-t-elle alors qu’elle manifeste avec une représentante de l’association des Droits de l’Homme Karapatan (Alliance pour le progrès des droits du peuple) devant les grilles du Palais des Nations. Aux Philippines, la famille Burgos, c’est d’abord un nom, celui du mari d’Edita : José « Jo » Burgos. Journaliste sous la dictature de Marcos, celui-ci a, toute sa vie, combattu l’homme fort de Manille. Son combat lui vaudra le titre de « héros de la liberté de la presse » par l’Institut international de la presse, le seul élu philippin parmi la liste des cinquante journalistes primés. La famille compte cinq enfants. Le dernier s’appelle Jonas. Agé de 36 ans, le jeune homme a étudié les sciences politiques au lycée de San Beda avant de bifurquer vers l’agronomie. Une fois ses études finies, couronné d’un doctorat en études agraires, il a décidé d’enseigner l’agriculture écologique et ces méthodes aux paysans de Bulacan.

Le 28 avril dernier, il dînait tranquillement après sa journée de travail dans un restaurant de Quezon city (ville appartenant à l’aire métropolitaine de Manille), quand il a été enlevé par un groupe de 4 personnes et emmené dans une Toyota rouge en pleine nuit. Depuis cette date, on est sans nouvelle de lui. Un témoin parvient pourtant à relever le numéro de plaque de l’auto. La plaque immatriculée TAB 194 appartient à un certain Mauro Mudlong, mais, à l’origine, elle ornait un véhicule utilitaire Isuzu, basée aux quartiers généraux du 56ème bataillon d’infanterie. Pour le responsable du camp, une seule explication...la plaque a été volée à l’intérieur de l’enceinte. Edita a demandé alors d’obtenir un double des investigations policières. En vain. « On a alors tenté de catégoriser mon fils comme communiste et proche de NPA (Nouvelle armée du peuple). Ce qui est faux. Il militait dans un mouvement paysan ». Depuis cet enlèvement, elle multiplie les démarches, écrivant même une lettre à la présidente Gloria Arroyo et parlant au général Ermita, ancien chef des opérations des Forces armées des Philippines et aujourd’hui secrétaire exécutif de la présidence. Dans le même temps, Edita milite contre les disparitions forcées au sein de l’association Desaparecidos.

Malgré le retour à la démocratie en 1986, les tueries et les disparitions forcées continuent selon Marie Hilao-Enriquez de l’association Karapatan. « Depuis 2001 et l’arrivée au pouvoir de Gloria Macapagal Arroyo, on dénombre près de 800 exécutions extra-judiciares. « De militants, de syndicalistes, des journalistes comme George Vigo ou d’avocats progressistes comme Gil Gojol et son chauffeur en décembre 2006 », note la militante. On décompte aussi 199 disparitions. Cette répression para-étatique s’est encore amplifiée avec la nouvelle Loi sur la sécurité (Human security Act) en 2007. Ces restrictions viennent tout juste après la fin de l’état d’urgence décrété au printemps 2006 et qui avait vu l’arrestation de six députés progressistes. « Tous les droits inscrits dans la Constitution, à commencer par celui de la liberté d’expression, sont entamés », souligne Atty Edre Olalia, de l’association internationale de juristes progressistes (IAPL). « Sur simple soupçon, on peut être détenu trois jours » précise l’avocat. En février, Philipp Alston, rapporteur spécial de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, rendait un rapport sur la situation aux Philippines, où il mettait en cause clairement l’armée dans ces meurtres. « Les soldats sont pourtant censés protéger la population », souligne Edita Burgos, dont le combat ne finira que lorsqu’elle aura retrouvé Jonas et « que sera restaurée une démocratie complète aux Philippines ».


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