L’extrême droite en Europe (5) : Autriche

vendredi 14 décembre 2007.
 

Une extrême droite fortement ancrée : Le poids de l’histoire

Le paysage politique autrichien est marqué par une spéficité qui plonge ses racines dans son passé historique. C’est l’existence d’un Drittes Lager (« troisième camp »), entre un mouvement ouvrier totalement dominé par la social-démocratie et le bloc catholique-conservateur, réunissant des forces hétérogènes. Historiquement, ce « troisième camp » a réuni des forces qui, en France sur fond des clivages post-1789, ce seraient retrouvées dans des camps politiques différents voire opposés.

Bref aperçu historique

A la fin du 19e et au début du 20e siècle, la bourgeoisie montante faisait face, non pas à un Etat national plus ou moins unifié (comme la France dès avant 1789), mais à un Empire multinational. La monarchie austro-hongroise rassemblait sous son toit des Autrichiens germanophones, des Tchèques, Slovaques, Croates, Slovènes et des Hongrois. Ainsi les forces conservatrices n’étaient pas attachées au nationalisme, au sens moderne du terme, mais à une sorte de patriotisme local et - surtout - à la communauté du catholicisme. La bourgeoisie montante cherchait à dépasser les structures de cet Empire, marquées encore par le féodalisme, et d’imposer sa propre domination.

Ce faisant, elle opposait le nationalisme aux structures étatiques existantes. Ce nationalisme portait très tôt, pour beaucoup de ses représentants, des traits « ethniques » parce qu’il s’agissait de disloquer un Empire supranational. Mais se sentant trop faible pour s’imposer par elle-même, la bourgeoisie autrichienne germanophone cherchait en plus à prendre appui sur le pays voisin plus puissant : l’Etat-nation devrait se réaliser par fusion avec l’Allemagne, celle-ci absorbant le partie germanophone de l’ancienne Autriche impériale. A la différence de la France, l’industrialisation et l’expansion économique de la bourgeoisie allemande n’étaient pas consécutives à une révolution libérale rompant avec l’ordre monarchique et féodal. Elles découlant de l’unification de l’espace économique allemand, qui était l’oeuvre de l’Etat prussien autoritaire et militariste sous Bismarck. Ainsi est né le « national libéralisme » allemand qui ne s’opposait pas aux structures monarchiques et autoritaires, n’étant pas un libéralisme économique, mais qui prônait l’expansion vers l’extérieur. Une partie du « troisième camp » autrichien-germanophone se rapprochait de ces positions.

Evidemment, une bonne partie de ce « troisième camp » soutenait le nazisme lors de sa montée. Ainsi il était temporairement discrédité après la Seconde guerre mondiale. Avant 1955, l’année où le Staatsvertrag (le Traité international sur la République autrichienne) lui donnait sa souveraineté en échange d’une promesse de neutralité politico-militaire, l’Autriche ne pouvait pas voir renaître une force du « troisième camp ». Les puissances alliées, présentes en Autriche jusqu’à la conclusion du Traité, l’auraient empêchée de se former. Or, il existait un Verband der Unabhängigen (VdU, « fédération des indépendants ») créé en 1949 et rassemblant, sous couvert d’un apolitisme bon teint, de nombreux anciens nazis ou soldats qui venaient de rentrer. En avril 1956, cette association allait se transformer en véritable force politique qui prenait, lors d’un congrès à Vienne, le nom de FPÖ (Freiheitliche Partei Österreichs, « Parti de la liberté d’Autriche »).

Petit encadré sur le nom

L’adjectif germanophone freiheitlich (« de la liberté »), à la différence de « libéral » au sens strict du terme (liberal) ou « radical » au sens français du 19e siècle (freisinnig), a longtemps été utilisé par des nationaux-libéraux et des forces ethnico-nationalistes. La DVU allemande (voir article ALLEMAGNE), qui n’a pourtant strictement rien de libérale, se désigne elle aussi du terme « national-freiheitlich ». Si le nom du FPÖ est parfois traduit par « Parti libéral » en français, par exemple régulièrement dans les colonnes du Monde, il s’agit à notre sens d’une erreur de traduction.

Le FPÖ

A cause de son passé historique, cette force a longtemps eu deux visages : l’un libéral (économiquement, mais aussi politiquement maintenant) et l’autre ethnico-nationaliste, en partie pangermanique, post-nazi et antisémite. Mais ce deuxième visage était honteusement dissimulé pendant de longues années. A partir des années 1970, elel donnant pourtant publiquement l’impression de s’être définitivement convertie au libéralisme classique. A la même époque, le FPÖ devenait pour la première fois un potentiel allié politique, non seulement du ÖVP (« Parti du peuple autrichien », héritier des forces conservatrices catholiques, plutôt adepte d’un patriotisme local que du nationalisme germanique) mais aussi du SPÖ socialiste. Après les élections législatives fédérales de 1983, le parti put entrer pour la première fois dans un gouvernement, à domination social-démocrate.

Mais à certaines occasions, même à cette époque, le FPÖ montra un autre visage. Le ministre de la défense (FPÖ), Friedhelm Frischenschlager, créa ainsi un scandale en 1985. Le ministre s’était rendu en personne à l’aéroport pour accueillir et serrer la main d’un ancien criminel nazi, Walter Reder, qui rentrait en Autriche après de longues années passées dans des prisons italiennes. Ceci alors que le ministre Frischenschlager était loin d’appartenir aux courants les plus droitiers du parti, minoritaires à l’époque.

En même temps, la participation au gouvernement et le rapprochement avec la social-démocratie éloignaient une bonne partie de la base du parti. Ce positionnement nouveau était visiblement contraire à sa vraie nature politique. Aux élections de 1983, le FPÖ avait obtenu son plus bas score au niveau fédéral (5 %). Mais deux ans plus tard, dans les sondages, il tombait jusqu’à 2 % des intentions de vote.

A droite toute... !

En septembre 1986 se produit un changement important. Par un « putsch » interne, lors d’un congrès du parti à Innsbruck, son opposition droitière renverse la direction et prend les rênes du parti. Les courants nationalistes-germaniques (deutschnational), plus ou moins post-nazis et dont les anciens membres des corporations estudiantines ultranationalistes (Burschenschaften) forment l’ossature militante se sont trouvés une nouvelle figure de leader. Il s’agit de Jörg Haider, un jeune homme de 36 ans à l’époque qui avait grandi dans un milieu social marqué par l’héritage du nazisme. Au sens strict du terme d’ailleurs : Jörg Haider a hérité par ses parents une importante propriété de terres (dans la « vallée des ours », Bärental, dans la région de Carinthie (Voir encadré sur la Carinthie) qui avait été volée à des juifs lors de l’ « aryanisation » des biens, quand l’Autriche avait été incorporée dans l’Allemagne nazie.

Le congrès de 1986 est marqué par une atmosphère incroyable. Certains délégués d’un certain âge montent sur les tables en s’écriant : « Avec Jörg, je retournerai bien à Stalingrad ! » L’on devine bien de quel côté les intéressés auraient participé à la fameuse bataille de janvier 1943... Par la suite, Jörg Haider prend le parti sous sa direction marquée par un pouvoir personnel fort. La coalition gouvernementale est rompue puisque les socialistes refusent de continuer à gouverner avec lui. Mais les élections qui s’en suivent le réconfortent. Le FPÖ gagne presque 5 % des voix, en montant à 9,7 %. Puis il ne cesse alors d’accroître son audience électorale : 16,6 % aux élections fédérales d’octobre 1990 ; et 22,5 % en octobre 1994. Enfin, les élections fédérales du 03 octobre 1999 marquent son apogée historique. A presque 27 % des voix, le FPÖ devient le deuxième parti, devançant pour la première fois (de quelques voix) le parti conservateur ÖVP. Suite à cela, les deux derniers partis formeront ensemble un gouvernement.

Les forces sociales sur lesquelles s’appuie alors le FPÖ sont fortement hétérogènes. Le FPÖ range sous sa bannière d’abord tous les milieux néolibéraux, qui souhaitent casser un système social autrichien très marqué, jusque-là, par le poids de l’Etat et des institutions sociales fortes. Le mouvement ouvrier autrichien totalement dominé par la social-démocratie (le PC n’a jamais dépassé 1 % depuis 50 ans) est fortement intégré dans le système, mais a pu obtenir des acquis sociaux forts en même temps. Une bonne partie de l’industrie était nationalisée jusque dans les années 1990. Jörg Haider a durement attaqué cet ordre ancien, notamment avant les élections d’octobre 1994, en fustigeant les bureaucraties (syndicales et étatiques) que créaient ce système et « les privilèges » qui allaient avec. Mais en même temps, le FPÖ des années quatre-vingt-dix sait gagner de pans importants de l’ancien électoral socialiste, puisqu’il apparaît comme « l’alternative » la plus virulente contre le système en place et contre le compromis social institutionnalisé. Dans les quartiers ouvriers de Vienne, en 1994, le FPÖ talonne souvent le SPÖ socialiste et le supplante dans une bonne partie de son ancien électorat.

« Dérapages » verbaux de Jörg Haider

Troisièmement, le FPÖ sait surfer sur les frustrations et les mécontentements par une sorte de politique-spectacle, assis sur la mise en scène de la provocation. Parfois Jörg Haider est puni pour ses « dérapages », (la plupart du temps) calculés d’avance. En 1991, il perd le poste de chef du gouvernement régional de Carinthie qu’il occupait alors depuis deux ans (Voir encadré sur la Carinthie).. Cette sanction fait suite aux propos de Haider qui avait publiquement loué, en juin 1991, le fait que « pendant le Troisième Reich, au moins, ils ont su mener une politique de l’emploi correcte (ordentliche Beschäftigungspolitik), à la différence des gouvernants actuels à Vienne ». Cela alors que la « politique de l’emploi » du nazisme englobait non seulement le Service de l’emploi obligatoire ou Reichsarbeitsdienst, mais aussi le travail forcé des prisonniers étrangers ou dans les camps de concentration. En juin1994, il accuse le chancelier socialiste de l’époque, Franz Vranitzky, « de faire une politique à la solde des francmaçons », « pour le compte d’intérêts étrangers ». En août 1995, Jörg Haider loue le fait que les soldats de l’armée nazie « ont rendu possible la démocratie que nous avons aujourd’hui en Europe, parce qu’ils ont résisté sur le front de l’Est, parce qu’ils ont mené la bagarre » (contre le communisme soviétique). Sur l’objection d’un journaliste faisant valoir que les nazis ont mené une guerre d’agression et non de défense, il rétorque : « Il s’agit bien de se demander aujour d’hui comment ça s‘est réellement passé. » A la fin de la même année, il se rend à une rencontre annuelle d’anciens membres des SS. Il leur déclare dans un allocution qu’il est fier « qu’il y a (ici) encore des hommes de caractère, qui n’ont rien renié à leurs convictions, contre vents et marées ». Ceci en parlant à des anciens des SS.

Cela ne fait pas de Jörg Haider un militant nazi idéologiquement durci. Il est plutôt un opportuniste en politique sachant exploiter toutes les provocations. En même temps, il se rend aux Etats-Unis, participe au Marathon de New York et noue des contacts politiques dans les milieux ultralibéraux. Mais il sait jouer sur les fibres sensibles de la société autrichienne. Il n’hésite pas non plus à faire vibrer la corde de l’antisémitisme quand cela lui semble promettre un avantage. Il fustige à plusieurs reprises, en 1998 et 99, les demandes d’indemnisation de rescapés juifs vivant aux Etats-Unis, et « l’utilisation de l’holocauste comme source d’argent, comme moyen de chantage ». Puis en 2001, il n’hésitera pas à se moquer publiquement du président de la communauté juive autrichienne, Ariel Muzicant, en faisant rire sur son prénom : « Je me demande comment un type qui s’appelle Ariel peut avoir autant de crasse sur lui » (Ariel étant une marque de lessive allemande).

Décomposition et recomposition politiques

Le caractère hétérogène des forces politiques et sociales qui composent la mouvance du FPÖ, diversité due en partie à l’ambiguïté historique du « troisième camp » autrichien, s’avère comme problème à long terme.

Une première implosion politique, très limitée, a lieu au printemps 1993. A cette époque, le FPÖ vient de récolter un échec. Le parti avait tenté d’imposer un référendum d’initiative populaire sur le thème Österreich zuerst ! (Autriche d’abord !) Comme le titre l’indique, il s’agissait de faire adopter une législation anti-immigration très dure. Le 1er février 1993, un million de citoyens auraient dû signer l’appel au référendum, imposant la tenue d’un vote. En réalité, le FPÖ put obtenir 417.000 signatures, ce qui représentait 7,4 % des électeurs inscrits. Le référendum n’aura pas lieu, même si le gouvernement (socialiste-convervateur) de l’époque adoptera par la suite une version « light » de la législation revendiquée. Au moment de l’échec du référendum, 5 députés du FPÖ (sur 33 au total) et certains militants - dont l’ancien ministre Frischenschlager - quittent le parti. Sous la direction de Heide Schmidt, ancienne vice-présidente du FPÖ, ils créent un nouveau parti « authentiquement libéral » et exempt de relents nazis, sous le nom de Liberales Forum (LIF). Ce « Forum libéral » obtiendra 6 % des voix aux élections fédérales de 1994, mais perdra par la suite en influence. Actuellement, il obtient des scores inférieurs à 1 % et s’est abstenu de participer aux élections fédérales d’octobre 2006. Mais cette scission a démontré les contradictions intérieures qui travaillaient, et continuent à travailler, la mouvance du FPÖ.

Après son entrée au gouvernement, en février 2000, ces contradictions s’aiguisent. Le FPÖ révèle, lors de sa participation au gouvernement, son manque de personnels qualifiés et disposant des compétences professionnelles exigées. Mais surtout, les cadres qualifiés (plutôt néolibéraux) dont il dispose vont se détourner de lui, une fois goûté aux plaisirs du pouvoir. C’est le cas de Karl-Heinz Grasser, le ministre des finances de 2000 à 2006. D’abord, il quitte le FPÖ qu’il considère dorénavant comme un ramassis populiste sans contours, en 2002. Il restera au gouvernement comme ministre sans attache partisane, puis intégrera la direction du parti conservateur ÖVP en 2003. En même temps, une partie de la base électorale socialement mécontente du FPÖ commence à manifester son insatisfaction avec la politique gouvernementale.

En 2002, il y aura un premier clash. Le gouvernement fédéral sous la direction de Wolfgang Schüssel (ÖVP) décide de reporter une réforme fiscale coûteuse à l’Etat, suite aux couts engendrés par des graves inondations pendant l’été. Or, cette réforme fiscale est revendiquée par le FPÖ. Si des baisses d’impôts sont en général un instrument libéral (opposé aux augmentations des revenus salariaux), en occurrence, le FPÖ a demandé de les cibler sur les bas et moyens revenus. Il s’agit avant tout de satisfaire une base sociale de petits-bourgeois et de couches moyennes inquiètes d’une baisse de leur niveau de vie. Au sein du FPÖ aura lieu un nouveau coup de force, connu sous le nom de « putsch de Knittelfeld » du nom d’une petite ville en Styrie. Le courant regroupé autour de Jörg Haider, qui n’avait pas pu lui-même intégrer le gouvernement en 2000 suite aux pressions internationales, essaye de mettre l’équipe gouvernementale sous pression. Il réunit une partie des délégués d’un congrès du parti annulé à la dernière minute, ceux qui étaient d’accord pour voter une motion de défiance contre le gouvernement, à Knittelfeld. La coalition gouvernementale est rompue et des nouvelles élections fédérales sont organisées en novembre 2002. Cette fois-ci, le FPÖ tombe de ses presque 27 % (obtenus en 1999) à 10,0 % des voix. Une bonne partie de l’opinion publique lui accorde la faute de la rupture, et relève ses « incompétences ».

Les choses n’en resteront pas là. A partir de 2004, Jörg Haider s’attaque aux doctrinaires d’extrême droite dans son parti parce que ceux-ci, qui n’arrêtent pas de critiquer la direction et l’orientation prise, commencent à lui faire de l’ombre. Aux élections européennes de juin 2004, un idéologue d’extrême droite du nom d’Andreas Mölzer(1)- ancien conseiller personnel « pour la culture » de Haider - obtient le plus de voix sur la liste du FPÖ. Le droit électoral autrichien permet aux votants de favoriser un candidat individuel, à qui ils peuvent attribuer un « bonus nominatif » sur la liste du parti pour lequel ils votent (sans être obligés de le faire). Or, c’est Mölzer qui obtient le plus de « bonus nominatifs » avec 22.000 voix personnelles : plus de 7 % de celles exprimées pour la liste du FPÖ au total. Bien qu’il ne soit pas tête de liste, mais placé en position numéro 3, c’est lui qui occupera le seul et unique mandat que le FPÖ aura conquis lors de ce scrutin (avec 6,3 % des voix seulement). Cela prouve que la fraction idéologiquement endurcie et doctrinaire est désormais la plus nombreuse au sein de l’électorat, fortement réduit, du FPÖ.

Pendant l’hiver 2004/05, Jörg Haider cherche à faire exclure Mölzer du parti. Cela déclenche une levée de boucliers au sein du FPÖ. En mars 2005, un congrès houleux se prépare. Jörg Haider devance alors l’exclusion qui le menace lui-même, claque la porte du parti et en crée un nouveau sous le nom de Bündnis Zukunft Österreich (BZÖ, "Alliance Avenir Autriche"). La nouvelle organisation emmene la quasi-totalité des députés du FPÖ au parlement fédéral et des ministres qui lui restaient. Ainsi le chancelier conservateur Schüssel continuera à gouverner avec la nouvelle force, et ira jusqu’au terme de la législature avec elle. Mais Jörg Haider a fait un calcul trompeur : il croyait sans doute que son aura personnelle suffirait encore pour emporter une majorité des militants et surtout des électeurs avec lui. Le calcul est faux. Le BZÖ nouvellement fondé doit même craindre, pendant des mois, de ne plus pouvoir entrer au parlement fédéral lors des élections d’octobre 2006. 4 % des voix sont alors nécessaires.

Les deux partis, FPÖ et BZÖ, se livrent une surenchère raciste pendant toute la campagne électorale. Quand le FPÖ colle des affiches avec la rime douteuse « Daham statt Islam » (« Chez nous au lieu d’islam », en allemand dialectal viennois), le candidat tête de liste du BZÖ Peter Westenthaler promet alors ouvertement « de réduire le nombre des étrangers vivant en Autriche de 30 % ». Peter Westenthaler n’hésitera même pas de fustiger, lettre (falsifiée) entre ses mains à l’appui, un prétendu plan du Club alpin autrichien pour « remplacer les croix sur le sommet de certains monts autrichiens par des croissants » pour faire plaisir à la minorité musulmane devenue si nombreuse... Plan qui relève de la pure fantaisie, évidemment.

Finalement, le BZÖ maintient sa présence au parlement avec 4,1 % des voix, contre 11,0 % pour le FPÖ maintenu. Et ceci uniquement grâce aux voix encore nombreuses obtenues par Jörg Haider dans son fief régional de Carinthie : 25,4 % (contre 7,3 % pour le FPÖ « canal historique »). (Voir encadré sur la Carinthie). Partout ailleurs, le BZÖ deviendra presque microscopique. L’ancien maître Jörg Haider a désormais trouvé son maître à lui, le nouveau chef du FPÖ : l’ancien entrepreneur viennois Heinz-Christian Strache qui, à 37 ans, est aujourd’hui plus jeune et plus démagogique que lui.

Une recomposition se reflète dans les résultats électoraux du 1er octobre 2006. Elle signifie que les courants « durs », plutôt autoritaires et racistes qu’authentiquement libéraux ou bourgeois, dominent aujourd’hui clairement le paysage de l’ancienne « troisième force ». Le populisme à la Jörg Haider qui avait réussi à ramasser des forces assez hétérogènes, touche à sa fin. Il fait place à un nouveau FPÖ plus homogène idéologiquement, plus encore fondé sur le vivier militant des corporations étudiantes ultraréactionnaires (Burschenschaften), probablement au profil davantage protestataire que gestionnaire. Selon toute probabilité, ni le FPÖ maintenu ni le BZÖ n’appartiendront au futur gouvernement autrichien.

LA CARINTHIE, BERCEAU DE l’EXTRÊME DROITE AUTRICHIENNE

La Carinthie a été pendant longtemps le fief de Jörg Haider. Il semble qu’il le reste toujours, alors même que la carrière politique de l’ancien chef de l’extrême droite sur la plan fédéral autrichien semble bel et bien terminée.

Jörg Haider a été élu deux fois gouverneur (Landeshauptmann), chef de l’exécutif régional. Une première fois en 1989, grâce à l’appui du parti conservateur ÖVP. Mais il doit quitter cette fonction suite à un dérapage verbal sur le passé nazi, en juin 1991, tout en réintégrant le gouvernement régional comme vice-gouverneur. Puis en mars 1999, la liste FPÖ sous Jörg Haider obtiendra pas moins de 42 % des voix à l’échelle de la région. En raison de l’abstention des députés conservateurs, Jörg Haider deviendra gouverneur pour la seconde fois. Puis, après les nouvelles élections régionales de mars 2004 où la liste du FPÖ avait encore gagné 0,5 %, c’est cette fois-ci le SPÖ socialiste qui aidera Jörg Haider à redevenir gouverneur. Lors vote décisif du parlement régional, les députés socialistes quitteront la séance, comme convenu préalablement avec le parti de Jörg Haider. La motivation est recherchée dans le fait que les maires SPÖ de la région ne voulaient pas se voir priver de subventions régionales. Mais la social-démocratie autrichienne poursuit alors aussi une stratégie plus globale : faire éclater la coalition gouvernementale (entre conservateurs et FPÖ) à Vienne, en s’appuyant sur les parties socialement mécontentes de l’électorat du FPÖ. Pour arriver à faire cela, il faut alors se rapprocher de la mouvance de ce parti.

Pourquoi la Carinthie donne-t-elle des résultats électoraux aussi élevés au FPÖ, situé entre la droite populiste et l’extrême droite ? La raison en est triple :

La Carinthie, seule région majoritairement protestante dans une Autriche dominée par le catholicisme, a longtemps valorisé le nationalisme germanique. Celui-ci semblait permettre de faire contre-poids à la force des communautés confessionnelles.

En 1919, lors du tracé des nouvelles frontières de la République d’Autriche (germanophone) suite à l’éclatement de l’Empire austro-hongrois, des conflits avaient éclaté dans le sud de la Carinthie. Le statut de la minorité slovène, vivant dans la région et souçonnée de vouloir rejoindre la nouvelle Yougoslavie, était l’objet de litiges. Des milices armées des germanophones se formaient contre la population slavophone. Pendant longtemps, la volonté de poser des panneaux de route bilingues (germanophones et slovènes) donnait aussi lieu à des bagarres en Carinthie. Jörg Haider a d’ailleurs jeté de nouveau de l’huile sur le feu en 2006, affirmant sa volonté en tant que gouverneur de refuser les plaques bilingues... alors qu’une jurisprudence du Conseil d’Etat le contraint de les accepter. Tout cela a aussi contribué à renforcer le nationalisme (ethnique) germanique dans la région.

Enfin, le national-socialisme était le premier mouvement de masse de l’époque moderne, en Carinthie où le mouvement ouvrier n’était pas très fort avant la Seconde guerre mondiale. Ainsi le souvenir d‘une période de « grandeur » collective révolue continue à motiver certains habitants de la région.

(1)Mölzer s‘occupait pendant de longues années de la fédération des universitaires du FPÖ, structure particulièrement ancrée à l’extrême droite. La fédération édite chaque année un « Annuaire du Parti de la liberté » qui rassemble différents articles et contributions. Au cours des années 1990 encore, des contributions ouvertement national-socialistes pouvaient s’y trouver. Ainsi en 1994, un universitaire allemand (décédé depuis), Werner Pfeifenberger, y expliqua ouvertement que les juifs avaient détruit l’Empire romain dans l’antiquité (souscouvert de lancement de « la secte du christianisme qui déstablisait l’Etat et prônait la fausse égalité de tous les hommes ») , déclenché les Révolutions française et russe, et détruit l’Allemagne « à la recherche d’un nouveau modèle social » au cours de la Seconde guerre mondiale. Cette contribution était alors la plus longue de l’annuaire. Depuis, l’ouvrage annuel a été quelque peu nettoyé... Mölzer édite, par ailleurs, une revue d’extrême droite sous le titre « Aula » (terme qui désigne un hall d’école), dans laquelle des articles ouvertement antisémites peuvent être trouvés


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