Le mythe du faux malade : " Pour le nouveau plan de financement de la Sécurité sociale... tout malade est un profiteur malhonnête du système de soins" (par Didier Ménard, président du Syndicat de la médecine générale)

dimanche 29 septembre 2019.
 

Didier Ménard fustige un volet méconnu du nouveau plan de la Sécurité sociale : le pouvoir donné à des médecins contrôleurs de suspendre les indemnités journalières en cas d’arrêt maladie.

« Le nouveau plan de financement de la Sécurité sociale, s’il prétend indiquer la quantité de dépenses à effectuer pour l’année, est aussi un catalogue de mesures visant à modifier le système de l’offre de soins. Les amendements sur l’installation des futurs médecins dans les zones de désertification en sont une illustration. Parmi les autres mesures restées dans l’ombre, il en est une qui mérite toute notre attention car, à elle seule, elle bafoue le droit des travailleurs, continue l’oeuvre de dépeçage de l’assurance-maladie, humilie la médecine générale et fait plaisir aux employeurs.

Elle est pourtant d’une grande simplicité : à ce jour, quand un employeur complète le salaire d’un de ses employés en arrêt maladie, il peut le faire contrôler par un médecin de son choix. En fait, il sous-traite avec une entreprise de médecins contrôleurs. Si le médecin juge que l’arrêt est injustifié, l’employeur ne complète pas le salaire, et le salarié passe pour un tire-au-flanc. L’assurance-maladie est seule habilitée à suspendre les indemnités journalières. Il existe une possibilité pour l’assuré de contester la décision, et le médecin qui a établi l’arrêt maladie peut être sollicité pour avis.

Avec le nouveau dispositif, ce médecin contrôleur désigné par le patron pourra suspendre la totalité des indemnités journalières.

Cela procède d’abord d’une idéologie selon laquelle tout malade est un profiteur malhonnête du système de soins, surtout s’il est en arrêt maladie. Nos chers députés de la majorité excellent dans ce discours de stigmatisation de ce faux malade que tout le monde connaît et qui est en arrêt depuis des mois... Cette constance à opposer les Français entre eux est en elle-même irresponsable. Mais, en outre, qui sait ce dont souffre ce prétendu faux malade ? On n’étale pas ses problèmes de santé sur la place publique pour avoir le droit de se justifier de bénéficier de l’assurance-maladie. L’assurance-maladie, on y cotise selon ses moyens et on l’utilise selon ses besoins. Du moins, c’était ainsi avant l’arrivée de M. Sarkozy, qui entend changer la donne en établissant un lien entre moyens financiers et possibilité de se soigner.

Ce dispositif donne en outre tous les droits au patron, car celui-ci disposera d’un droit de regard sur chacune des maladies de ses employés. Certes, le médecin qui acceptera de jouer ce rôle de contrôleur au service du patronat fera correctement son travail, nous n’en doutons pas. Toutefois, ne soyons pas naïf : si le médecin donne trop souvent raison à l’employé, il est plus que probable qu’il ne sera plus choisi pour effectuer ces contrôles...

Que dit l’assurance-maladie ? Silence. C’est pourtant une de ses prérogatives de contrôler les arrêts maladie. Elle ne s’en prive d’ailleurs pas. Va-t-elle accepter une nouvelle étape de son dépeçage ? Et quelle fonction aura le service médical de l’assurance-maladie ? Le contrôle renforcé des médecins ?

L’arrêt maladie est une thérapeutique qui répond à une situation souvent complexe.

Le médecin utilise ce moyen pour conduire un projet thérapeutique. Un autre médecin n’aura pas forcément les moyens, surtout en cinq minutes, d’appréhender cette complexité. Pourquoi devrions-nous prévoir, en plus de la situation médicale, l’éventualité d’un deuxième passage médical et établir un courrier à un confrère potentiel pour se justifier de ce choix thérapeutique ?

Jusqu’où devrons-nous aller dans l’humiliation ?

Si des employeurs suspectent les salariés d’avoir trop souvent recours à l’arrêt maladie au point que cela désorganise l’entreprise, peut-être faut-il se demander si ce n’est pas l’entreprise elle-même qui est malade et qui a besoin d’un traitement. Mais celui-ci n’est pas du ressort de la médecine.

En tout cas, ce n’est pas une bonne raison de profiter de la loi de financement de la Sécurité sociale pour supprimer une liberté, celle d’avoir le droit aux indemnités journalières, qui, ne l’oublions pas, étaient la première prestation prévue par l’ordonnance de 1945 créant la Sécurité sociale. »

* PAR Didier Ménard, L’Observatoire du 6 mai


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