1er et 2 décembre Assises des Collectifs Quelques interventions et messages (UNIR LCR, MARS GR, Martelli)

mercredi 5 décembre 2007.
 

1)Le courant Unir de la LCR Aux assises des 1er et 2 décembre 2007

Chères et Chers Camarades,

Lors de la rencontre du 12 juillet, entre une délégation du courant Unir de la LCR et votre secrétariat, nous avions pris l’engagement mutuel à poursuivre les divers débats engagés à ce moment. Bien que nous ne figurions pas sur la liste des invités à ces assises, nous tenons donc à vous faire part de notre réflexion sur la situation française six mois après l’élection de Nicolas Sarkozy, sur les problèmes qui se posent à la construction d’une alternative de rupture à gauche, sur les débats qui sont à l’ordre du jour de vos travaux.

D’importants désaccords ont traversé le mouvement qui a mené la bataille pour des candidatures unitaires après l’échec de celle-ci, à propos notamment du bien-fondé autant que des orientations de la campagne Bové. Chacun en connaît les termes et, s’il faudra bien mener à son terme la réflexion sur le bilan de cet épisode, il nous paraît simultanément impératif que le dialogue se poursuive entre l’ensemble des composantes de ce que nous nommons ensemble la « gauche antilibérale ». Il nous semble essentiel que l’on s’efforce de surmonter dans la clarté les divergences passées, que l’on s’emploie à rouvrir le chemin d’une action commune efficace à toutes les forces qui n’ont pas abdiqué devant l’ordre injuste de cette société.

Les semaines écoulées ont eu pour effet de clarifier les enjeux du moment. Elles ont vu la conjugaison des mécontentements populaires, la grève des cheminots et des traminots, la mobilisation massive des fonctionnaires, les luttes qui se multiplient pour l’emploi et les salaires dans le secteur privé, la révolte des professions judiciaires contre les entreprises de Rachida Dati qui participent de la destruction du service public dans ce pays, l’action qui se développe contre les franchises médicales, la résistance spectaculaire qui s’est manifestée face à la loi Hortefeux sur l’immigration, le retour des mal-logés sur le devant de la scène, l’amorce d’un nouveau mouvement de la jeunesse scolarisée contre la loi Pécresse...

Tout cela signe la fin de l’engourdissement généralisé du climat politique et social, dont la droite bénéficia tant pour engager son programme de contre-réformes. C’est, à nos yeux, une confirmation : le 6 mai ne traduisit pas la conversion en profondeur du pays aux préceptes de la contre-révolution conservatrice que Sarkozy entend enclencher contre tout ce qui subsiste de soixante ans de conquêtes populaires et même du principe d’égalité né de la Révolution française. Il marquait seulement le succès d’une vision politique, d’un projet de société et d’une détermination sans failles, qui s’imposèrent dans la mesure où ses adversaires se montrèrent incapables de proposer des réponses à la hauteur. Certes, la lutte à la SNCF et à la RATP s’est achevée par un échec, et ce dernier pèsera négativement sur les mobilisations à venir. Mais, dans le même temps, la puissance de la mobilisation de ces secteurs a contraint le gouvernement à faire quelques concessions, même s’il n’a pas cédé sur les revendications essentielles du mouvement gréviste. Les illusions de l’« ouverture » gouvernementale ainsi que les effets délétères de la tétanie frappant la parole politique à gauche se dissipant progressivement, se trouve renforcée la nécessité de s’opposer et de contester le dogme libéral dominant.

L’épreuve de force ne fait donc que débuter. Pour conduire dans la durée son projet, Nicolas Sarkozy sait qu’il doit transformer son succès électoral du printemps en une victoire sociale d’ampleur. À cet égard, les mobilisations de cet automne font apparaître clairement la faiblesse qu’il convient de surmonter. Faute d’une perspective de convergence entre salariés en lutte comme entre secteurs public et privé, telle qu’elle eût dû être défendue unitairement par les organisations syndicales engagées dans l’action, il devenait fort difficile de créer un rapport de force de nature à contraindre le pouvoir au recul. Faute d’éléments d’alternative à la logique mise en œuvre par Sarkozy, les secteurs mobilisés n’avaient guère les moyens de passer de la défensive à la contre-offensive. C’est cette leçon qui doit être tirée pour l’avenir.

Précisément, cela met en pleine lumière la question de l’avenir de la gauche. La dérive sociale-libérale de sa principale composante, le Parti socialiste, ne se traduit pas uniquement par des dérobades à répétition face aux exigences d’un capitalisme plus avide de profit que jamais. Elle implique le renoncement à jouer un rôle d’opposition élémentaire à la droite. Entraînés par leur volonté de mener à son terme la mutation de leur formation, afin qu’elle n’incarne bientôt plus qu’une variante de l’adaptation au système, les principaux dirigeants socialistes ont approuvé la remise en cause des régimes spéciaux, l’allongement de la durée de cotisation pour disposer d’une retraite à taux plein, la loi sur l’autonomie des universités et le nouveau traité européen, dit de Lisbonne, qui ne fait que reprendre les points clés de l’ex-TCE. Et les voilà qui se préparent même à renoncer à leur propre engagement de demander un référendum sur la question européenne, et à voler à la rescousse de Sarkozy lorsque ce dernier soumettra, au Congrès, la révision constitutionnelle sans laquelle il ne pourrait y avoir de ratification parlementaire du texte issu de la conférence intergouvernementale.

Dans un pareil contexte, à gauche, l’heure de vérité se révèle synonyme d’heure des choix fondamentaux. Trois options peuvent, de ce point de vue, s’avérer des impasses dramatiques.

La première consisterait à se résigner à l’état présent des choses, en entrant dans la construction proposée par les responsables du PS, celle d’une fédération ou d’un parti de toute la gauche qui se formerait autour d’eux. La récente réunion du « Comité de liaison de la gauche et des écologistes » a parfaitement souligné qu’une semblable dynamique n’était pas de nature à rééquilibrer la gauche à gauche, mais au contraire à conforter l’hégémonie, sur cette dernière, d’une orientation de plus en plus libérale et de moins en moins sociale. À terme, tout cela scellerait pour un long temps la disparition de tout espoir d’alternative, au profit d’un bipartisme définitivement institué dans le cadre d’alternances molles. Voire l’ouverture au centre...

La deuxième option résiderait dans le repli des forces antilibérales à gauche sur leurs sphères d’influence respectives. Ici encore, l’expérience récente parle d’elle-même : les logiques de concurrence interdisent à chacune d’entre elles de se hisser à la hauteur du défi, toutes se trouvant de facto renvoyées à l’impuissance et à une marginalité plus ou moins prononcée selon les résultats obtenus à la présidentielle.

La troisième option serait celle d’une transformation du champ politique se limitant à « la gauche de la gauche ». C’est celle qui inspire nos camarades de la direction majoritaire de la LCR lorsqu’ils avancent l’idée d’un « nouveau parti anticapitaliste », qui s’adresserait prioritairement aux courants révolutionnaires et aux militants de terrain, écartant les indispensables délibérations avec les forces constituées de la gauche antilibérale. La Ligue et Olivier Besancenot ont su s’engager sans réserves dans les dernières mobilisations et y défendre une orientation de rupture claire avec le capitalisme libéral, mais une nouvelle formation constituée autour de la seule extrême gauche, voire autour de la seule Ligue, ne permettrait pas de faire bouger en profondeur les lignes à gauche et dans le mouvement social, de contester l’hégémonie du social-libéralisme et de faire émerger un début d’alternative crédible.

Dans ces conditions, il n’est d’autre choix que de renouer, sous de nouvelles formes compte tenu des échecs subis dans la période écoulée, les fils d’une politique volontariste de rassemblement des antilibéraux à gauche. Telle est, en effet, la condition pour que s’affirme au plus vite une gauche de gauche, active dans les mobilisations et offensive, à travers ses propositions, sur le champ politique. Pas une extrême gauche qui, par ses seules forces, ne peut relever le défi auquel nous sommes confrontés. Ni une « gauche de la gauche », qui camperait à l’extrémité du champ politique et ne pourrait faire bouger les lignes en profondeur au sein de la gauche, comme cela s’avère indispensable. Mais une gauche de combat et d’alternative. Une gauche qui occupe tout l’espace de la contestation de l’ordre libéral et capitaliste. Une gauche qui opère la synthèse du meilleur des traditions qui ont structuré la gauche et le mouvement ouvrier. Une gauche qui articule indissolublement question sociale et exigence écologique. Une gauche qui rassemble des expériences issues des partis autant que du monde syndical et associatif. Une gauche qui entend conquérir une majorité à gauche sur une démarche de rupture avec le système.

C’est au travers d’une telle démarche qu’il conviendra de poser les jalons menant à l’apparition d’une nouvel acteur politique, d’une nouvelle force, d’un parti antilibéral et anticapitaliste. Un parti large, rassembleur et pluraliste, qui devra répondre à quelques critères simples : être capable de tirer les enseignements de la double faillite du modèle social-démocrate et du stalinisme, en leur opposant l’horizon d’un socialisme démocratique et rénové ; défendre une politique indépendante des intérêts des possédants ; refuser de subordonner son action aux contraintes de sa participation aux institutions ; illustrer sa conception du changement social par un engagement au quotidien dans les luttes ; se donner les moyens de son indépendance envers le social-libéralisme, en refusant notamment de gouverner à ses conditions ; se doter d’un fonctionnement démocratique et transparent, permettant à toutes les identités de se voir respectées en son sein...

Cette bataille ne pourra, malheureusement, se mener que très partiellement à l’occasion du prochain scrutin municipal, au cours duquel nous risquons de faire des choix différents. Elle n’en doit pas moins s’engager dès à présent. Dans le soutien aux luttes, dans l’action pour que soit rejeté le nouveau traité libéral européen, dans la bataille pour un référendum - à propos de laquelle vient de se constituer un front unitaire des plus prometteurs -, il se vérifie au quotidien qu’il existe bien deux orientations totalement opposées à gauche : celle de la rupture et celle de l’abdication. Il nous appartient de faire vivre la première à la hauteur des attentes. Par l’ouverture de cadres de débat permettant de reprendre la réflexion sur les axes d’une autre politique pour la gauche, avec pour horizon des états généraux qui devraient être pris en charge par toutes les forces, courants et militants intéressés. Comme par l’action commune pour créer les conditions de la mise en échec du sarkozysme.

Les forums-débats organisés par « Maintenant, à gauche ! », le 24 novembre, ont conclu sur l’idée d’états généraux au printemps prochain - perspective sont nous savons qu’elle est aussi défendue par le projet de résolution politique dont vous allez débattre -, sur la question à partir de laquelle peuvent aujourd’hui se retrouver le plus grand nombre possible des composantes de la gauche de transformation et de rupture : celle des contenus de l’alternative à opposer au libéralisme et au social-libéralisme. La proposition que ces états généraux soient pilotés par un comité de préparation chargé d’en garantir le pluralisme, l’appel à ce que des espaces de débat larges se créent partout en France en s’inspirant de la méthode ayant présidé à la journée du 24 novembre à Paris ouvrent en outre, à notre sens, des pistes à même de faire converger les énergies dispersées des forces antilibérales et anticapitalistes.

Il est souhaitable que les collectifs s’engagent fortement dans une telle tentative de relancer une dynamique de convergence et la nourrissent de leurs apports particuliers. Nous savons néanmoins que vos décisions sur ce plan recouperont nécessairement la discussion qui vous anime sur l’avenir des collectifs qui se réunissent ce week-end. Certains d’entre vous défendent une démarche conduisant à la constitution d’un nouveau mouvement politique, cela se trouvant justifié au nom du rapport de force à construire face aux logiques de concurrence et d’hégémonie à gauche du social-libéralisme.

Nous vous l’avons déjà dit à de nombreuses reprises, nous ne partageons pas cette approche, quoi qu’elle puisse revendiquer sa légitimité. Plus exactement, nous ne croyons pas que quelque structure que ce soit puisse, après les échecs dont nous sommes les uns et les autres héritiers, se considérer comme le vecteur de la reconstruction d’une perspective politique ou, pour reprendre les termes du projet de résolution politique en discussion, le « regroupement de celles et ceux qui portent la perspective unitaire ». Force est, en effet, de constater, même si c’est pour le déplorer, que lesdites forces se retrouvent dans des cadres divers, dans la gauche du Parti socialiste, du côté du Parti communiste et de la LCR, au sein des collectifs, dans divers cadres nationaux ou locaux d’échanges et de confrontation... Plutôt que de se proclamer, chacun pour ce qui le concerne, détenteur de la « volonté unitaire », il nous semble que l’urgence est de travailler concrètement à la relance d’une problématique de convergence.

Quelles que soient, Chères et Chers Camarades, les décisions auxquelles vous aboutirez, nous formons le vœu que vous contribuiez à l’entreprise commune. Nous nous trouvons devant un défi à tout point de vue historique et la contribution de chacun sera vitale.

Voilà ce dont nous voulions continuer à débattre avec vous.

Bien fraternellement.

2)MESSAGE DU MARS-GAUCHE REPUBLICAINE AUX ASSISES DES COLLECTIFS

Chers amis, chers camarades.

Tout se passe malheureusement comme nous pouvions le prévoir à l’issue des Présidentielles au point qu’il faudrait une intervention entière pour égrener les lois déjà mises en place ou en passe de l’être par Nicolas Sarkozy : service minimum , abrogation des régimes spéciaux, exonération fiscales pour les riches, fin de la carte scolaire, franchises médicales, loi scandaleuse sur l’immigration. Pire, comme il l’annonce lui-même, il ne s’agit pour lui que d’un apéritif. Ce qui s’annonce inquiète tout autant : démantèlement des 35 heures, dislocation de notre code du travail, traité européen, accroissement des années de cotisation pour les retraites... C’est bien à la destruction de ce qu’il reste du pacte républicain et social qui est d’actualité. Face à cela... quasi le vide du côté de la gauche politique.

L’origine : notre défaite, la défaite de toute la gauche aux élections.

La gauche sociale libérale d’abord. Social-libérale peut-être devrions-nous plutôt dire « démocrate » tant elle s’est même éloignée du modèle social-démocrate pour ressembler de plus en plus au modèle américain d’une gauche qui se détache de toute référence, même théorique avec l’idée de transformation et qui assume la forme de démocratie propre à ce schéma politique dans ce qu’il a de réducteur (système présidentiel pur et bi-partidaire). Inapte à changer quoi que ce soit, cette gauche « majoritaire » se révèle incapable de battre la droite. C’est vrai dans les urnes, c’est vrai aussi pour apporter le minimum de soutien politique que le mouvement social pourrait attendre comme l’ont prouvées les réactions de l’axe majoritaire de la direction du PS aux grèves pour les régimes spéciaux. Mais de cette situation nous en sommes aussi comptables nous, gauche antilibérale, dans toutes ses composantes. De ne pas avoir pu nous présenter unis à eu pour conséquence d’être incapable de peser sur la situation, de ne pas pouvoir bouger le curseur de toute la gauche vers la gauche, seule façon à notre sens de déclencher une dynamique qui aurait été à même de s’opposer à Sarkozy.

Nous avons tous perdu, quelque soit les scores des uns et des autres car incapable de peser sur la situation de tous ceux qui aujourd’hui pâtissent de la politique de la droite.

Aujourd’hui, pourtant, l’objectif doit rester le même. Plus que jamais même car nous voyons encore des signes qui prouvent que le mouvement social n’est pas encore écrasé et qu’a minima l’antilibéralisme travaille encore notre peuple en profondeur Sarkozy n’a pas encore gagné la bataille qu’il a enclenché pour que ce pays, dans 5 ans, soit « normalisé », rentré dans le rang de la globalisation libérale. Des preuves ? Certes, et c’est évidemment essentiel, Sarkozy a pu conserver le cœur de son projet en alignant les régime spéciaux mais le mouvement social l’a obligé a vraisemblablement lâché des contreparties plus fortes qu’il ne l’imaginait. Des images comme celle de ces marins-pêcheurs désacralisant la fonction présidentielle résume le danger pour un homme qui a force de personnaliser à outrance sa politique n’a déjà plus de fusible. On voit bien que l’homme qui s’est auto-augmenté de 176 % a de plus en plus de mal à cacher sa politique de classe tant la situation économique l’empêche même de laisser des miettes de redistribution salariale à la classe moyenne qu’il rêvait d’accrocher durablement à son projet. Mais pour dévoiler plus encore le pot aux roses, pour que les réactions et les révoltes à venir ne se dissolvent pas dans la résignation ou même ne regonflent pas de nouveau à l’extrême droite encore faut-il une alternative crédible à gauche.

Plus que jamais donc il nous appartient de relever ce défi.

La solution ?

Le parti révolutionnaire ? Correspond-il à la demande ou laisse-t-il sur le côté des millions de personnes qui, s’ils ne se sentent pas révolutionnaires, ne se satisfont pas pour autant du système actuel voir même partent tout simplement d’un refus des formes les plus brutales du libéralisme ? Poser question c’est y répondre.

Par contre en privilégiant un clivage aussi tranché, ceux qui le préconisent ne gênent en rien une évolution à l’italienne soit un petit parti cultivant son pré carré protestataire et abandonnant de fait à une gauche « molle », un parti de type démocrate, le soin de représenter la seule alternance possible à la droite.

Le rassemblement autour d’un seul parti ? Nul ne peut y prétendre et à ce jeu c’est un risque de divisions, d’émiettement, d’incapacité à peser sur les rapports de force qui se profile.

La grande force unique gauchie par ses apports extérieurs ? Il y a un vrai débat avec les camarades du PS qui partagent la même finalité que nous (que la ligne « démocrate » ne l’emporte pas sur la gauche) mais qui défendent cette perspective. Il est vrai que notre incapacité à nous unir aux dernières élections et les signes moyennement encourageants actuels peuvent leur donner quelques raisons de penser ainsi.

Le débat doit évidemment continuer, fraternel avec eux, mais nous ne croyons pas que cette solution puisse aboutir à ce qu’ils souhaitent. Plusieurs raisons nous en convainquent. Rien ne dit qu’intégrés à cette « grande force », les divers courants venus de la gauche continueront à peser à gauche. Ce n’est pas en tous les cas ce que l’histoire du PS nous enseigne. Ensuite il y a le poids de la place institutionnelle prise par les courants socio-libéraux qui révèle déjà, les municipales le prouvent, une vraie difficulté pour la gauche à peser sur le cours des choses. Pour quoi en serait-il autrement dans un même parti ? Enfin il est un enseignement plus fort encore. Il est récent. Il s’agit de la synthèse du Congrès du Mans : alors que la gauche du PS pèse plus de 40 % des militants, est forte de la victoire populaire contre le TCE, elle n’est pas capable de s’unir pour changer le cours pris par ce parti, d’imposer son candidat et, en approuvant la synthèse avec les dirigeants du oui, prépare l’avènement de Ségolène Royal. On aura compris que nous sommes aujourd’hui persuadés que rejoindre dans un grand parti les socio-libéraux serait donner une caution de gauche à leur projet sans même en atténuer les dérives. Notons d’ailleurs que les partisans qui portent un « projet démocrate », Hollande comme Royal, proposent le même processus politique. Nous ne pensons plus possible de bousculer le PS de l’intérieur, nous ne pensons pas plus que nous pourrions changer le rapport de force dans un même parti.

Aujourd’hui nous sommes donc plus que jamais persuadés de la nécessité d’une nouvelle force de gauche. Une force dans laquelle pourront s’intégrer tous les courants sans pour autant oublier leur particularité (on peut tout imaginer comme construction progressive, d’un front à une confédération). Pour déboucher, quoi qu’on en pense, elle devra concerner les deux principaux courants qui ont marqué la gauche du 20ème siècle : des sensibilités et courants venus du PS et tous, espérons-le, nos camarades du PCF ou tout au moins une grande part. Mais aussi, évidemment, tous les courants organisés ou pas qui existent où qu’ils soient : altermondialistes, écologistes, acteurs du mouvement sociaux, militants des courants révolutionnaires, simples citoyens se sentant de gauche, républicains et bien sur vous militants des collectifs. Sans le juger intégralement transportable à la France, l’exemple de Die linke en Allemagne est évidemment porteur d’espoir sur les capacités d’une nouvelle force authentiquement de gauche à peser sur l’évolution de toute la gauche.

Mais disons-le si nous voulons renouer les fils pour y parvenir chacun doit bien se rendre compte qu’il ne peut prétendre à être LE lieu de centralité. Ni la LCR autour du clivage révolutionnaire/non révolutionnaire, ni le PCF autour de l’illusion d’un parti communiste renaissant, ni ceux des courants socialistes de gauche qui, on l’a vu, nous disent de les rejoindre dans un seul et grand parti de la gauche. Mais il serait tout aussi illusoire de le penser pour la « coordination nationale des collectifs ». Illusoire en effet de penser que ce qu’il reste des collectifs unitaires antilibéraux seraient toujours le creuset rassembleur, légitime et indiscutable de tous les courants politiques précités comme effectivement ils le furent quand nous les avons initiés tous ensemble. Bien sûr il reste ici des énergies, une volonté politique que nous ne nions pas mais qui ne peut à elle seule, parce qu’elle revendiquerait encore le nom d’un concept qui nous appartient à tous, penser qu’elle a la légitimité de rassembler tout le monde, partout et nationalement. Il faut être honnête entre nous, conserver et entretenir l’illusion que c’est à partir des CUAL que redémarrera le processus pouvant favoriser un nouveau parti est une erreur lourde de désillusions et même d’incompréhensions entre tout le monde qui ne ferait qu’entretenir le sectarisme. Nous sommes fidèles en cela à ce que nous avons dit depuis la réunion nationale de Montreuil en février 2006 à tous ceux qui étaient alors favorables à la candidature de José Bové : si nul ne peut contester la légitimité de courants proches idéologiquement de présenter leur candidat et de construire leur propre force, le faire en construisant une expression politique centralisée au nom des Collectifs est dévastateur. A l’heure où les collectifs, nous le savons tous, ont encore fondu en nombre et en représentativité, nous le croyons toujours et plus que jamais.

Alors qu’ensemble nous avons une autre voie à tracer. Que l’on fasse ce qui est utile pour notre peuple. Utile pour reconstruire une gauche digne de ce nom. En mettant de côté les tentations boutiquières existantes ou potentielles, les tentations de leader-ship, les rancoeurs et toute préséance qui serait ridicule face aux enjeux. Nous avons mieux à faire. Ensemble. Il n’y a pas d’autres issues. Voilà pourquoi avec nos camarades de « Maintenant à gauche » nous avons fait une proposition large y compris évidemment au secrétariat de votre coordination pour reconstruire ensemble l’espoir. Répétons-là pour conclure. Nous proposons d’aller en 2008, après les élections municipales, vers la perspective d’ETATS GENERAUX de toutes les forces de transformation sociale et, dans la mesure où les questions les plus susceptibles de nous rassembler à ce stade portent sur le contenu des politiques alternatives, du projet alternatif, plaçons-les au cœur de nos débats et avançons ensemble. Sans préalable à ce stade sur les réflexions en cours des uns et des autres sur la stratégie pour le porter. Sans protocole, sans concurrence d’initiateurs, concrétisons en 2008 ces Etats généraux.

Il est évident que ces Etats généraux devraient se préparer dans des initiatives locales ou régionales du même type quelque soit le nom de la structure locale qui lance l’initiative sur place dès lors qu’elle le fait dans un esprit unitaire. Pour cela nous proposons d’ores et déjà la mise en place d’un COMITE UNITAIRE DE PREPARATION de ces Etats Généraux qui garantisse le pluralisme et l’ouverture de cette grande initiative. Il est évident pour nous que ce comité aurait pour seule fonction de préparer les États généraux : il ne serait en aucune manière une préfiguration de quelque structure pérenne.

Nous avons proposé pour cela une réunion exploratoire pour en discuter d’ici le 15 janvier. Nous espérons nous y retrouver. Ce serait le signe d’un dialogue renoué

3) Roger Martelli

MARTELLI

Chers camarades,

Je ne pourrai passer vous voir ce week-end, comme je souhaitais pouvoir le faire. J’ai toutefois envie de vous dire franchement, et les raisons pour lesquelles je me suis distancié du processus que nous avions enclenché ensemble l’an dernier, et les raisons qui me font dire que cette distance n’est ni un gouffre ni une inimitié.

Voilà des années que j’essaie, dans la mesure de mes possibilités, de participer aux essais de recomposition pour que, dans la gauche française bien malade, émerge une force qui soit en état de contester dès maintenant l’hégémonie sur la gauche des options de renoncement. Je pense à la multitude d’appels qui suivirent le terrible 21 avril 2002, à l’aventure Ramulaud et, plus près de nous et plus heureusement, à l’expérience des batailles européennes de 2004-2006. Je me suis donc engagé, avec angoisse mais avec plaisir, dans la tentative des collectifs antilibéraux. Nous l’avons amorcée tardivement (moins d’un an avant l’échéance décisive), sur le sujet institutionnel le plus brûlant (une élection présidentielle), dans un bricolage inévitable mais redoutable (un appel de personnalités, puis un collectif national mixte et improvisé), suivi par la formation de collectifs locaux constitués au gré des circonstances (et donc sans règle préalable de fonctionnement).

Il n’était pas écrit que nous échouerions. J’ai cru, jusqu’au bout, que le coût de la division était si lourd que la raison finirait par s’imposer à tous et à chacun. Mais au final nous avons échoué et ce qui avait commencé comme un processus d’agrégation de forces est devenu, en quelques semaines, le champ clos de toutes les cacophonies. Pour moi, je ne vous le cache pas, Saint-Ouen a hélas signé l’arrêt de mort du processus entamé. À dater de ce jour, je me suis écarté. Je n’ai pas participé à la campagne de Bové (à laquelle je n’ai jamais cru), j’ai fini par voter pour Marie-George Buffet (en sachant que son résultat serait désastreux), j’ai essayé, au maximum et sans illusion, de sauver les meubles unitaires à l’occasion des législatives. Comme beaucoup, j’ai passé des mois de brume épaisse, avec cette impression de voir se dérouler, en tous points, une catastrophe totalement prévisible, sans pouvoir la contredire. La catastrophe imminente, sans les moyens de la conjurer...

Ce qui s’est passé depuis n’a pas changé les choses sur le fond. Avant de se rassembler à nouveau dans le nouveau combat référendaire européen, la gauche de gauche n’a cessé d’approfondir ses divisions, ses amertumes, ses ressentiments même. La méfiance, les rancoeurs, les inimitiés à la mesure des amitiés anciennes ont occupé notre espace. La défaite n’est pas toujours bonne conseillère. Des communistes ont tiré de la Bérézina de Saint-Ouen la conviction qu’il n’était donc pas possible de construire durablement avec des forces dans lesquelles ils ont perçu une motivation avant tout anticommuniste. Au contraire, nombre d’acteurs des collectifs antilibéraux ont été violemment heurtés par ce qui leur semblait être une inadmissible OPA du PC sur les collectifs. Ceux qui se sont engagés dans les comités Bové n’ont pas compris que nombre de leurs partenaires d’hier ne poussent pas jusqu’au bout l’aventure et sabordent, en se retirant, ce qui leur paraissait être une dynamique prometteuse. D’autres ont vu, dans l’engagement vers une candidature séparée, un abandon du pacte unitaire initial et un rétrécissement dommageable de l’arc unitaire fondateur.

Nous ne sommes pas encore sortis de cette situation délétère. Je ne vous cache pas que, à mes yeux, elle rend impossible d’affirmer qu’un lieu particulier est aujourd’hui plus légitime qu’un autre pour porter et conduire l’exigence de rassemblement. Il est sans doute des collectifs qui, ici ou là, continuent d’être des lieux de regroupement large des forces qui, d’une façon ou d’une autre, doivent participer à la recomposition de la gauche. Mais je ne pense pas qu’il existe un mouvement national qui puisse prétendre à être un pivot de cette recomposition. Je n’en dis pas plus. Je sais trop les limites des structures politiques partisanes existantes. Que des militantes et des militants sans attaches partisanes éprouvent le besoin de trouver un cadre collectif nouveau de pensée et d’action ne me choque pas. Que des militantes et militants de forces existantes, par insatisfaction de leur organisation, recherchent des formes de complément ou de soutien me semble aller de soi.

Mais pour ce qui me concerne, j’appartiens à une organisation politique. Dire que j’en suis satisfait ferait rire tout le monde. Mais j’en suis membre. Si j’envisage son dépassement, ce n’est pas pour m’attacher à une organisation supplémentaire, éventuellement à côté de la mienne. Ce dont je perçois la nécessité impérative, c’est un mouvement d’agrégation suffisamment fort, cohérent et large, qui finisse par faire force politique en intégrant le plus grand nombre de formations, de courants, de pratiques et de sensibilités. Une dynamique intégrant à la fois des partis existants (dont le mien), des courants, des individus, des cultures et des formes de militantisme, ainsi que des ébauches de regroupement. Intégrant donc ce qui se constitue en mouvement des collectifs (pardonnez-moi de ne pas m’impliquer dans la délibération sur le nom opportun pour le désigner), mais sans que le regroupement se forme à partir de ce mouvement, quelle ait été la charge rassembleuse de son origine.

Le mouvement des collectifs est une de ces composantes. J’ai suivi attentivement l’évolution de son positionnement, depuis les péripéties électorales d’hier. Ce que je lis aujourd’hui des positions annoncées ne me conduit peut-être pas à m’y associer pleinement ; mais je suis heureux de constater que nos points de convergence autorisent l’optimisme des retrouvailles prochaines. Que, par exemple, la perspective d’états généraux vers une nouvelle force politique devienne un thème partagé me semble extrêmement positif.

S’il n’y a pas de lieu constitué, le plus raisonnable est de se dire qu’il est à construire de toutes pièces. Chacun suivra sans doute son propre cheminement. L’essentiel est que, le plus vite possible, l’ensemble des forces qui avaient bougé les unes vers les autres ces dernières années réamorcent la pompe. Qu’elles se retrouvent, et pas seulement dans les défilés de la lutte sociale, pas seulement dans les combats larges comme celui pour un nouveau référendum européen. Qu’elles se retrouvent, pour parler à nouveau ambition, projet, constructions politiques et échéances électorales, par exemple celle d’élections européennes qui ont toujours été des terrains d’expérimentation excellents pour tester des formules neuves. La crise en perspective au sein de la social-démocratie laisse à penser que cette avancée vers une nouvelle force peut aller cette fois bien au-delà de nos mécanos d’hier, qu’elle peut prendre très vite une véritable dynamique populaire et pas rester une affaire de spécialistes, qu’elle peut toucher des secteurs sociaux nouveaux, des générations nouvelles, de façon plus mixte que par le passé, sexuellement, culturellement, générationnelle ment.

La conjoncture nous a pour une part éloignés. Je ne pense pas qu’elle nous ait jetés à des années-lumière les uns des autres. Nous avons tous envie de la même chose : d’une dynamique collective qui conforte les luttes sociales et écartent la fatalité de majorités dominées par le social-libéralisme. J’ai la faiblesse de penser que c’est l’essentiel. Salut et fraternité. Roger Martelli


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