Forum unitaire du 24 novembre pour une gauche de transformation sociale : intervention d’accueil de Claude Debons

mercredi 5 décembre 2007.
 

Notre réunion se situe dans un contexte de remobilisation sociale après la défaite électorale du printemps : grève des salariés des régimes spéciaux, journée d’action des fonctionnaires, mobilisation de la jeunesse lycéenne et étudiante...

Nous avons créé MAG au lendemain de la défaite électorale du printemps, comme espace de débat et d’initiatives. Avec des objectifs : ouvrir des débats, organiser des confluences, prendre des initiatives ; et avec une ambition : contribuer à l’émergence d’une nouvelle force politique pour une gauche de transformation sociale. Lors de notre première initiative, le 7 juillet, nous avions souligné 3 aspects :

- Nous insistions sur la nature de la victoire de Sarkozy et sa dangerosité. Son programme, ce n’est pas Chirac en pire. C’est un projet de contre-révolution néo-conservatrice. C’est une volonté de reformatage du modèle social et républicain sur un mode libéral-autoritaire. Le but est clairement énoncé par Denis Kessler, ex n° 2 du MEDEF auprès d’Ernest Antoine Seillières : il s’agit de liquider tous les acquis mis en place à la Libération sur la base du programme du Conseil National de la Résistance. Les actes ont depuis largement confirmé cette analyse. La multitude des chantiers de contre-réforme l’atteste : éducation, justice, retraite, assurance maladie, code du travail, services publics

Cela se double d’une offensive idéologique pour transformer les valeurs et les représentations : l’enrichissement personnel comme moteur du développement, la solidarité dénoncée comme assistance, ... Et le nouveau positionnement international dans le sillage des Etats-Unis est une facette de ce projet global.

- Nous insistions sur la profondeur de la défaite de la gauche. Une défaite politique, idéologique et culturelle résultante de l’effondrement des grandes tentatives historiques de transformation du capitalisme à l’échelle mondiale (social-démocratie et communisme d’Etat), des déceptions accumulées par les diverses expériences de la gauche plurielle en France, de l’incapacité de la gauche de transformation à présenter une alternative crédible. Les faits ont confirmé, au-delà de nos craintes, ce jugement.

C’est de décomposition à gauche qu’il faut désormais parler. Décomposition politique et morale illustrée par le ralliement des ambitieux pressés en quête de maroquins ministériels ou de missions honorifiques. Mais aussi par la disparition d’une opposition de gauche digne de ce nom dans notre pays. « L’opposition responsable » théorisée par la direction du PS lors de la session parlementaire du mois d’août s’est transformée en critique de la forme et de la méthode de Sarkozy mais en silence gêné quand il ne s’agit pas d’acceptation sur le fond des projets de la droite. Deux événements d’actualité l’illustrent : la réforme des retraites et le nouveau Traité européen. Pour la direction du PS, le ralliement au libéralisme s’accentue. Quant à la gauche de gauche, dispersée elle est inaudible ; et le seul arbre un peu plus vert qui émerge (Besancenot) ne saurait cacher la désolation d’ensemble ni, surtout, incarner seul une alternative politique capable d’articuler lutte et responsabilité.

- Pour autant, malgré ce paysage désolé, nous soulignions alors que le sarkozysme était plus fort des faiblesses de la gauche que d’une adhésion consciente à son projet réel tant celui-ci heurte de front le modèle social et républicain profondément ancré dans la conscience collective. Le rejet des conséquences concrètes des politiques néo-libérales exprimées par nos concitoyens à de multiples occasions, dans les luttes et dans les urnes, n’a pas disparu. Simplement le volontarisme affiché et la présentation habile de son projet réel ont permis à Sarkozy de rallier à lui nombre d’électeurs des catégories populaires à la recherche de solutions urgentes à leur mal-vivre.

Nous insistions sur les contradictions qui ne manqueraient pas de surgir entre la perception des promesses et la mise en œuvre des réformes réelles. Nous y sommes avec la multiplication des mouvements de contestation, avec le décrochage d’abord de ceux qui rejettent les mesures liberticides inspirées de l’extrême-droite ; mais aussi maintenant avec le basculement critique majoritaire des ouvriers et des employés qui ne voient rien venir en matière sociale. Ce fossé ne peut que s’accentuer avec la dégradation de la situation économique, avec le dévoilement d’une politique toujours plus favorable aux riches et aux puissants. Et puis, la pratique sarkozyste du pouvoir, l’interventionnisme sur toutes les questions même mineures, l’écrasement des responsabilités intermédiaires, conduit à désacraliser la fonction présidentielle en même temps qu’elle conduit tout conflit à s’affronter directement à lui. Des lézardes commencent à apparaître à droite devant cette évolution.

Mais ces contradictions ne déboucheront positivement que si une alternative crédible à gauche émerge. Sinon la colère des déçus du sarkozysme pourrait à nouveau regarder vers un Front National revigoré

- La question de l’alternative politique à gauche est donc la question clé de la situation politique en lien avec la capacité de résistance du mouvement social. Le mouvement social ne pourra se déployer dans toute son ampleur que si l’idée d’une autre politique possible supplante les discours du fatalisme et du renoncement. Et on n’empêchera le sarkozysme de réussir sa rupture que si une autre perspective vient contredire son ambition de reformatage idéologique de la société française.

Cette question de l’alternative a une double dimension :

- celle du programme de transformation capable de répondre aux attentes citoyennes,

- celle de la construction politique susceptible de porter de telles propositions.

Sur la première question, nous ne partons pas de rien. Le travail autour des 125 propositions, sur l’Europe, les propositions de partis, associations, syndicats, fournissent une matière abondante à une très large plage d’accords. Mais il reste à travailler pour dégager les lignes de forces d’un programme susceptible de recueillir une adhésion populaire large et à l’inscrire dans un projet émancipateur.

La deuxième question est stratégiquement la plus importante. Tout reste à faire puisqu’il ne s’agit pas de prolonger une construction déjà amorcée.

Des propositions diverses existent : parti unique de toute la gauche, nouveau parti anticapitaliste, nouvelle force politique de transformation. Des attitudes différentes existent aussi : entre recomposition des forces et maintien du statu-quo.

Pour notre part, à MAG, notre parti-pris, c’est, en articulation avec le mouvement social, la recomposition/reconstruction politique à gauche. La dynamique politique a besoin de se nourrir de l’expérience sociale. Nous pensons nécessaire la construction d’une nouvelle force politique à partir de la convergence - comme lors de la campagne référendaire de 2005 - des différentes organisations, courants, sensibilités, collectifs, et avec l’engagement de tou-te-s les citoyen-ne-s disponibles. Cette convergence doit viser à bâtir une synthèse entre le meilleur de la tradition du mouvement ouvrier et des combats républicains et les apports des mouvements sociaux : féminisme, écologie, altermondialisme au premier chef.

Nous voulons faire bouger les lignes en nous adressant très largement à toutes celles et ceux qui ne se résignent pas à l’ordre injuste du monde. Il ne s’agit donc pas dans notre esprit de viser une petite force à gauche de la gauche ou de reproduire une nouvelle version de l’Union de la Gauche. Il s’agit d’aller vers la construction d’une gauche de gauche visant à occuper l’espace laissé vacant par la dérive au centre-gauche de la direction du PS, ambitionnant de devenir majoritaire à gauche sur la base d’un programme de transformation profonde de la société.

Pour poursuivre cette discussion amorcée le 7 juillet, notre journée est organisé en plusieurs parties :

Table ronde 1 : Comment le mouvement social peut-il résister à l’offensive tout azimuts de Sarkozy et comment se pose-t-il la question d’un projet social alternatif.

Table ronde 2 : De quelle gauche avons-nous besoin pour faire face à la contre-révolution néo-conservatrice et porter une alternative de transformation sociale ?

Témoignages : Ces préoccupations ne sont pas propres à notre pays. Dans différents pays européens, face aux renoncements sociaux-libéraux, des forces militantes cherchent à ouvrir de nouvelles voies à gauche. Nous entendrons les témoignages de Jost BEILKEN (Die Linke d’Allemagne) et d’Alberto MATOS (Bloc de Gauche Portugal).

Nous terminerons par les interventions de responsables politiques sur l’idée de nouvelle force.

En conclusion, nous formulerons quelques perspectives et propositions pour continuer et démultiplier ...


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