La militarisation belliciste du journalisme en France.

samedi 12 octobre 2024.
 

De la réalité factuelle à la réalité fictive de la propagande de guerre propagée par les grands médias.

Nous partageons ici un article du site Élucid – média sur le soutien inconditionnel des interventions militaires occidentales par les médias dominants. Toute critique qui remet en cause ce soutien est censurée, marginalisée ou discrédité.

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De la réalité factuelle à la réalité fictive de la propagande de guerre propagée par les médias.

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L’opinion, ça se travaille…

par S. Halimi, M. Reymond, D. Vidal, H. Maler

https://elucid.media/podcast-resume...

Résumé et podcast du livre

De la guerre du Golfe à l’intervention en Libye, les médias ont contribué à justifier la politique va-t-en-guerre des pays occidentaux – États-Unis en tête – en prenant le risque de sombrer dans une analyse simpliste, voire erronée, des conflits.

publié le 27/09/2024 Par Élucid

Dans L’opinion, ça se travaille… Les médias et les «  guerres justes » (2014), Serge Halimi, Dominique Vidal, Henri Maler et Mathias Reymond racontent comment la plupart des journalistes se sont investis corps et âme dans une propagande belliciste, fondée en apparence sur des raisons humanitaires.

Ce qu’il faut retenir :

Les raisons invoquées par les Occidentaux, et relayées par leurs journalistes, pour justifier un déferlement de bombes sur leurs ennemis sont toutes plus vertueuses les unes que les autres. Il s’agit d’éviter une épuration ethnique au Kosovo, de lutter contre un « Axe du mal » après les attentats du 11 septembre ou de libérer la Libye d’un tyran en 2011. Mais, le paradoxe de leur humanitarisme militaire ne semble pas leur effleurer l’esprit.

À chaque intervention, les grands médias offrent leur soutien inconditionnel à ce qu’ils jugent être des « guerres justes », souvent au détriment d’une information vérifiée. Leur prise de position et leur désir de privilégier le sensationnel les amènent à omettre les conséquences dévastatrices qu’ont pu entraîner les opérations militaires de l’OTAN. Diffusant des informations erronées – et cela en toute bonne conscience –certains journalistes se permettent même d’accuser leurs détracteurs de s’être rangés du côté du Mal.

Biographie de l’auteur

Serge Halimi et Dominique Vidal ont été journalistes au Monde diplomatique, dont ils ont respectivement occupé les postes de directeur et de rédacteur en chef. Henri Maler et Mathias Reymond sont maîtres de conférences en science politique et en sciences économiques. Ils sont tous deux fondateurs et animateurs de l’association Acrimed, créée en 1996 pour contester l’ordre médiatique établi.

Avertissement : Ce document est une synthèse de l’ouvrage de référence susvisé, réalisé par les équipes d’Élucid  ; il a vocation à retranscrire les grandes idées de cet ouvrage et n’a pas pour finalité de reproduire son contenu. Pour approfondir vos connaissances sur ce sujet, nous vous invitons à acheter l’ouvrage de référence chez votre libraire. La couverture, les images, le titre et autres informations relatives à l’ouvrage de référence susvisé restent la propriété de son éditeur.

Plan de l’ouvrage

* Chapitre 1. Propagandes de guerre

Chapitre 2. Chronique d’un génocide annoncé

Chapitre 3. Irak : la guerre impopulaire

Chapitre 4. Et Bernard-Henri Lévy bombarda la Libye…

Synthèse de l’ouvrage

Chapitre 1. Propagandes de guerre

À chaque intervention militaire, les médias se prêtent au même jeu aberrant. En se servant de l’humanitarisme comme prétexte, ils appellent haut et fort à prendre les armes pour défendre une « cause juste ». Eux – les Occidentaux – incarnent le Bien, et les autres – leurs ennemis – forment l’«  Axe du mal ». Pour faire passer la pilule, ils simplifient le système qu’il présente, le personnifie dans un unique acteur, et ignorent ainsi la complexité des rouages ; par exemple, pendant la guerre d’Irak, George W. Bush incarne le Bien et Saddam Hussein le Mal. À partir de cette conception binaire, et parce que les journalistes ignorent la réalité d’un sujet qu’ils découvrent plus qu’ils ne couvrent, des informations inexactes et des analyses simplistes prolifèrent dans les médias.

Malgré les aberrations qu’ils assènent, les journalistes, sans aucun scrupule, se disent satisfaits de leur travail. En pleine guerre au Kosovo, Laurent Joffrin, alors directeur du Nouvel Observateur, déclare fièrement que «  le travail des médias audiovisuels dans ce conflit a jusqu’à présent été exemplaire  ». Dans cette logique d’autosatisfaction constante, et parce qu’ils détiennent le monopole de l’information, la plupart des journalistes refusent catégoriquement de débattre avec leurs détracteurs, dont ils assimilent les revendications au terrorisme.

Enfin, quand les journalistes confessent leurs anciennes bavures, ils en profitent pour mieux justifier les prochaines. Dans un entretien avec Patrick Poivre d’Arvor et Claude Sérillon, publié dans Le Monde en 1999, on peut par exemple lire les mots suivants : « Après les critiques essuyées lors de la guerre du Golfe, votre couverture du conflit du Kosovo ne vous vaut que des louanges  ».

Comment, donc, expliquer l’attitude va-t-en-guerre des journalistes pendant ces dernières décennies  ?

Les groupes industriels et financiers qui possèdent la majorité des médias jouent probablement un rôle clef dans cette propagande belliciste. Lagardère et Dassault – tous deux fabricants d’armes – n’avaient certainement pas intérêt à se ranger du côté des pacifistes. Mais l’identité du propriétaire ne suffit pas. L’État, et le pouvoir politique en général, peut également exercer une influence directe sur les chaînes de télévision et de radio publiques, et indirectement sur le reste de la sphère médiatique.

Ainsi, les médias ont presque tous appuyé la guerre du Golfe, la campagne contre la Serbie, les interventions en Afghanistan et en Libye, mais, alors qu’une seconde opération est lancée en Irak par les États-Unis et le Royaume-Uni, les médias français ont manifesté leur hostilité, précisément au moment où, et ce n’est pas un hasard, la France se désolidarise de Washington.

Et quand, fin 2003, Paris se range à nouveau derrière les Américains, les médias suivent sans broncher. Par ailleurs, la logique du profit imposée par les propriétaires incite les journalistes à privilégier le sensationnel, la brièveté, la simplicité et l’émotion au détriment de l’analyse. Bien qu’une poignée de reporters ait résisté aux pressions, il n’en reste pas moins que «  la rentabilisation des équipes sélectionne et ordonne quasi mécaniquement le journal télévisé  ». À ce sujet, l’exemple du Kosovo est édifiant.

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Chapitre 2. Chronique d’un génocide annoncé

À la création de la Yougoslavie en 1946, les Albanais du Kosovo se retrouvent prisonniers d’une République fédérative dont ils ne veulent pas. Bien qu’ils obtiennent un statut d’autonomie en 1974, ils restent largement subordonnés au pouvoir serbe, qui mène une politique répressive et centralisatrice. Dès les années 1980, les mouvements de protestations prennent de l’ampleur et aboutissent à la déclaration d’indépendance du Kosovo. Face à la sanglante répression de Belgrade, l’Armée de libération du Kosovo (UCK) organise régulièrement des attaques à la bombe. En 1998, l’armée yougoslave est envoyée, des villages sont détruits, 2 000 personnes sont tuées et 250 000 doivent fuir. La communauté internationale s’émeut, condamne Belgrade et multiplie les appels au dialogue. Tous demeurent lettre morte. Prise au dépourvu, l’OTAN décide de bombarder la Yougoslavie pendant près de soixante-dix-huit jours pour sauver les Albanais qu’ils croient martyrisés. Le discours officiel est sans équivoque : Tony Blair dénonce le «  génocide racial hideux  » dont Milošević serait à l’origine (The Gardian, 28 octobre) et le ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer, compare la situation à une guerre « ethnique du type des années 1930 et 1940  » (Le Monde, 10 avril 1999). Brodant sur le discours officiel, les médias cultivent la métaphore en comparant les Kosovars aux Juifs (Philippe Val, Charlie Hebdo, 31 mars).

À l’époque, il est vrai, les nouvelles que les dirigeants occidentaux assurent avoir du Kosovo sont réellement terrifiantes. L’administration américaine annonce en 1999 que 100 000 à 500 000 Kosovars ont disparu et pourraient même avoir été assassinés. Les chiffres avancés par les médias sont moins gourmands, mais restent exorbitants. Le 17 juin, le Foreign Office britannique déclare que « 10 000 personnes ont été tuées dans plus de 100 massacres  ». Persuadés qu’un génocide se déroule sous leurs yeux, les journalistes apportent leur soutien inconditionnel à l’OTAN dont ils voient dans l’intervention une nouvelle victoire de la liberté sur l’oppression.

Pourtant, les enquêtes menées après l’intervention de l’OTAN révèleront que la guerre du Kosovo « est moins celle d’une attaque systématique contre la population albanaise en tant que telle – casus belli de l’organisation militaire occidentale – que celle d’une guerre civile de basse intensité avec des pertes des deux côtés  ». Selon un rapport intérimaire au Conseil de sécurité, seuls 2 018 cadavres ont effectivement été retrouvés. On est donc bien loin des dizaines de milliers de morts annoncées au début du conflit et les Serbes pourraient finalement être moins mauvais qu’on ne les a dépeints. L’épisode du «  plan Fer à cheval » est une parfaite illustration du décalage entre le discours officiel relayé par les médias et la réalité du conflit. Le ministre allemand de la Défense, Rudolf Scharping, friand des nouvelles sensationnelles, soutient dès 1999 que les Serbes avaient planifié à l’avance leur politique criminelle au Kosovo. En guise de preuve, il cite un document dit « plan Fer à cheval » qu’il aurait obtenu du ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer. On découvrira plus tard que le papier en question provenait en réalité des services secrets bulgares et qu’il avait été composé à partir de diverses sources tenues secrètes pour des raisons de sécurité. Les travaux du général de brigade Heinz Loquai confirmeront l’origine suspecte de la source et montreront que les soldats allemands sont allés au Kosovo sur la base de demi-vérités et d’interprétations tendancieuses.

Le génocide qu’invoquèrent les Occidentaux pour justifier leur intervention n’a donc pas existé et inversement, la «  prétendue victoire militaire de l’OTAN  » est toute relative puisqu’elle s’est faite au prix de violations du droit international. Le 7 février 2000, Human Rights Watch fait état « d’attaques aériennes [de l’OTAN] ayant eu recours à des bombes à fragmentation près de zones habitées  » et d’un bilan provisoire de victimes civiles « situé entre 488 et 527  ». Pour justifier leurs frappes, certains dirigeants de l’OTAN ont reconnu vouloir terroriser la population serbe pour qu’elle se retourne contre le régime. Le 24 mai 2000, dans un entretien avec le Washington Post, le général d’aviation Michael Short est relativement explicite : «  Si vous vous réveillez le matin et qu’il n’y a plus d’électricité chez vous, plus de gaz, que le pont que vous empruntez pour aller travailler est détruit […] alors, vous commencez à évoluer : au lieu d’applaudir le machisme serbe face au reste du monde, vous vous demandez à quoi ressemblera votre pays si tout ça continue  ».

Pourtant, les dénonciations de Human Right Watch à l’encontre des dirigeants de l’OTAN n’auront pas grand écho. La procureure du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Carla del Ponte, reconnaît que « quelques erreurs  » ont été commises, mais déclare, malgré tout, être « très satisfaite que l’OTAN n’ait jamais délibérément pris pour cible des objectifs civils  ». La plupart des médias français s’alignent : les quelques «  bavures » de l’OTAN qui arrivent à leurs oreilles sont toujours minimisées, voire légitimées : pour eux, les démocraties ne peuvent faire le mal qu’innocemment, alors que les Serbes sont collectivement coupables et doivent donc être collectivement sanctionnés.

Quant à l’« épuration ethnique » que la campagne aérienne avait en principe pour mission de stopper, tout indique au contraire qu’elle l’a précipitée. Dès les premiers bombardements, les enquêteurs européens dénoncent les exactions commises par l’UCK contre les Serbes et les Roms du Kosovo. Des «  tueries sommaires et arbitraires  » sont rapportées et, au total, 200 000 non-Albanais de la province sont chassés de leur foyer. Reprochant aux quelques journalistes qui s’en émeuvent de mettre sur le même plan victimes et bourreaux, la plupart des grands médias français restent relativement indifférents face à la contre-épuration ethnique qui se déroule sous leurs yeux. Un éditorial du Monde, paru le 2 juillet 2000, en est une belle illustration : «  On entend, venues du chœur de ceux qui étaient opposés à l’intervention alliée, des voix stigmatiser une manière d’“épuration ethnique” à rebours. Rien n’est plus faux. […] L’ampleur de l’exil serbe traduit l’ampleur des méfaits perpétrés contre les Kosovars d’origine albanaise  ».

Jugeant leur travail exemplaire, la plupart des grands médias français accusent leurs détracteurs d’être des «  professionnels du doute », des «  maîtres de l’aveuglement ». Pascal Bruckner dénonce « la méfiance systématique, cette fausse lucidité qui est la version sophistiquée du révisionnisme  » (Libération, 21 juin 1999). En réalité, la véritable erreur de ces grands médias ne réside pas tant dans leur soutien inconditionnel à l’interventionnisme que dans leur désir de taire toute position contraire à la leur. Ils pouvaient penser que cette guerre était juste. Mais de la même manière, nous aurions dû avoir le droit de nous interroger. On peut, donc, légitimement leur reprocher de nous avoir « traités tel un troupeau lobotomisé par la propagande, endormi par les images et les témoignages d’une usine à émotions manipulées  ».

Finalement, si les Occidentaux, menés par les États-Unis, n’ont pas institué la société pacifique et multiethnique qu’ils promettaient au Kosovo, ils sont en revanche parvenus à étendre leur emprise dans le sud-est de l’Europe. «  Sous couvert de défense de la “démocratie” […], l’OTAN ressemble désormais à une police planétaire de la mondialisation et de la souveraineté limitée  ».

D’ailleurs, quelques années plus tard, le même spectacle grotesque se produit en Irak.

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Chapitre 3. Irak : la guerre impopulaire

« Le monde a peur  ». Telle était la Une du Parisien le 12 septembre 2001, un jour après l’attentat revendiqué par l’organisation Al-Qaida sur le World Trade Center. Le 7 octobre, une alliance menée par les États-Unis et le Royaume-Uni bombarde l’Afghanistan, tuant environ 3 500 civils. Les médias racoleurs et ivres de notre bon droit sautent sur l’occasion pour réduire un évènement aux causes complexes en un conte simpliste opposant des « maléfices personnalisés  » – Saddam Hussein, Ben Laden, les Talibans – à des « sauveurs providentiels  » – les alliés, l’OTAN, l’Amérique. Le soutien américain au fondamentalisme islamique pendant la guerre contre les armées soviétiques ou le bombardement de camps afghans par l’aviation américaine en 1998 sont systématiquement omis des analyses journalistiques.

De la même manière, les médias ont prêté peu d’attention à la liste des contraintes juridiques auxquelles les États-Unis ont décidé de se soustraire, y compris sur le terrain des libertés individuelles. On pense, par exemple, à la loi de novembre 2001 permettant la détention prolongée sans jugement des personnes suspectées de terrorisme. L’alignement empressé des «  alliés » et de leurs journalistes avec la cause américaine repose sur le fameux crédo énoncé par Bush : «  si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes avec les terroristes  ». Les altermondialistes deviennent ainsi une cible privilégiée de ces défenseurs du « Bien ». Le journaliste américain, John Vinocur, ira jusqu’à dire que « diaboliser de manière violente les États-Unis et les organisations du commerce mondial s’apparente à présent à une entreprise potentiellement meurtrière ». Sylvio Berlusconi, quant à lui, voit «  une coïncidence singulière entre cette action du 11 septembre et le mouvement anti-globalisation  ».

Le 20 mars 2003, après avoir mené une abondante campagne de propagande, invoquant la présence en Irak d’armes de destruction massive, les États-Unis lancent l’opération « Liberté de l’Irak » aux côtés du Royaume-Uni et de l’Espagne. Le gouvernement français, qui avait jusqu’à présent soutenu toutes les guerres menées par son allié américain, se montre pour la première fois hostile à l’invasion. Non sans suivisme, les médias français prennent alors leurs distances avec la propagande belliciste de leurs confrères d’outre-Atlantique. Mais une fois le conflit déclenché, un certain naturel revient au galop. Surgit alors l’idée que, la guerre étant inévitable, il faut la terminer rapidement, au risque de dévaster une région tout entière. Dans Libération, le 23 mars 2003, Gérard Dupuy écrit : « Que la guerre finisse vite, au point que ce serait presque comme si elle n’avait pas lieu… » Conséquence de cette approche : la question de la légitimité du conflit devient secondaire dès les premiers bombardements.

Poussés par une logique narrative, les journalistes se sentent alors le devoir de partager la « guerre en direct ». La mise en scène télévisée des opérations militaires contribue à une légitimation de la guerre et à une dépolitisation de l’information. Les commentaires sur l’intervention et les débats politiques qu’ils pourraient susciter sont systématiquement relégués en fin de journal. Les reportages sur l’entraînement des troupes, les armes et les munitions – suscitant une fascination pour la supériorité technologique de l’armée américaine – prennent toute la place. La volonté de présenter à l’écran des images spectaculaires, de diffuser des informations avant qu’elles ne soient vérifiées pour donner une impression d’exhaustivité transforme ainsi le journalisme « en version à peine améliorée des discussions de bistrot ».

Enfin, le brouillard naturel de la guerre, le désir de rendre compte du conflit « en temps réel » et la désinformation subséquente conduisent à l’élaboration d’une véritable rhétorique de guerre. Pour se soustraire à toute accusation, les journalistes privilégient le conditionnel, ils appellent les bombardements des « frappes » et, lorsqu’ils entraînent la mort de civils, ils parlent de « dégâts collatéraux » ou de « bavures ». Ils n’emploient jamais le terme d’« invasion » – qui serait pourtant tout à fait adéquate – et préfèrent parler de « guerre en Irak », voire d’« aide humanitaire ». L’inexorable contradiction du concept d’«  humanitaire militaire » ne semble pas leur effleurer l’esprit.

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Chapitre 4. Et Bernard-Henri Lévy bombarda la Libye…

Avec l’enlisement des opérations militaires en Irak et en Afghanistan à la fin des années 2000, les prétextes invoqués pour déverser des tapis de bombes commencent à perdre de leur crédit. Acteurs de cette tendance, les médias alternatifs qui prolifèrent sur la toile sont parfois guidés par une paranoïa incontrôlable, mais ils contribuent malgré tout à relativiser les communiqués officiels de l’OTAN. Baignée dans ce contexte relativement pacifique, la couverture médiatique du «  printemps arabe » se déroule dans une atmosphère sereine. Les révoltés sont unanimement soutenus par les médias, sans qu’ils n’évoquent jamais l’envoi de troupes.

Mais l’opinion bascule avec les premiers soulèvements contre le régime libyen de Mouammar Kadhafi en janvier 2011. La sévère répression de l’armée contre les contestataires et l’accumulation des morts conduisent les médias à renouer avec leurs anciennes convictions. Bernard-Henri Lévy en est le plus fier représentant. Invité sur tous les plateaux de télévision, le philosophe entame un véritable marathon médiatique pour réclamer un soutien militaire à la révolte libyenne. Au mois de mars, il intervient successivement au journal de TF1 (5 mars), sur RTL (7 mars), Europe 1 (7 mars), France 24 (10 mars), France 2 (10 mars), i>Télé (15 mars), France 5 (19 mars), France Culture (21 mars) et Public Sénat (23 mars). Il y martèle un message clair : «  Bombardons les bases militaires d’où décollent les avions de Kadhafi  ! » L’armée de «  micros serviles, de caméras complaisantes et de stylos attentionnés » qui l’accueille brosse un portrait flatteur de celui que les journalistes appellent le « nouveau Malraux ». Le livre qu’il publie en novembre 2011 sur le rôle qu’il joue dans le conflit libyen, La Guerre sans l’aimer, est salué absolument partout. Dans le Figaro Magazine du 12 novembre, Philippe Tesson décrit le livre de BHL comme «  un récit passionnant, haletant, épique » et compare Bernard-Henri Lévy à un «  chevalier blanc en mal d’action, obsédé par sa morale de la vérité, de la liberté et du droit ».

Face au séisme médiatique inauguré par BHL, Nicolas Sarkozy obtempère et la résolution 1973 autorisant le bombardement est votée par le Conseil de sécurité de l’ONU le 17 mars 2011. Le texte est unanimement salué par les médias, bien qu’il n’ait pas obtenu l’appui de tous les États membres. L’abstention de la Russie, de la Chine, de l’Inde, du Brésil et de l’Allemagne est alors interprétée comme un témoignage de leur lâcheté. Pour Jean-Michel Aphatie, «  l’Allemagne est dirigée par quelqu’un qui n’est pas à la hauteur de la situation » (Canal+, 18 mars 2011). La France, quant à elle, profite de l’intervention pour rappeler sa fierté nationale, comme en témoigne l’intervention de Pierre Rousselin dans Le Figaro : «  Alors que Barack Obama hésite sur la conduite à tenir et que les Européens sont divisés, la France retrouve son rôle moteur dans un débat crucial qui ne fait que commen sur cer ». Cela vaut bien une guerre…

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HD


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