33 000 travailleurs en lutte – une grève historique à Boeing

mercredi 25 septembre 2024.
 

Avec la grève des 150 000 travailleurs des trois grandes entreprises américaines de l’automobile, organisée par leur syndicat UAW, 2023 a compté plus de 16 millions de jours de grève. Ce n’était pas arrivé depuis 2000. Le seul mois d’octobre a compté près de 4,5 millions de jours de grève, ce qui n’était pas arrivé depuis 40 ans (1). Cette grève a arraché de l’ordre de 30 % d’augmentation de salaires, une indexation partielle des salaires sur le coût de la vie, et la fin des mécanismes de doubles contrats qui pénalisaient les derniers embauchés vis-à-vis des anciens.

Le mois dernier, 15 000 travailleurs de la grande entreprise de télécommunication AT&T se mettaient en grève avec leur syndicat CWA. Après 30 jours, ils ont obtenu près de 20 % d’augmentation et la garantie que le prix de leur couverture santé n’augmenterait pas. C’est dans ce contexte de montée de la lutte des classes que les négociations du syndicat de l’aéronautique IAM avec Boeing se sont tenues, concernant les 33 000 salariés sur 177 000 représentés par ce syndicat. La direction de l’entreprise a argué des difficultés financières de l’entreprise liées aux récents accidents de 737 MAX pour tenter de limiter au minimum les augmentations de salaires. Notre brève.

Grève à Boeing : et soudain, tous les regards se tournent vers le constructeur aéronautique

Les négociateurs de IAM ont fini par trouver un accord pour 25 % d’augmentation, qu’ils ont soumis au vote des salariés de Boeing. Holden, président de IAM, a soutenu cet accord (ce que la direction du syndicat n’avait pas fait depuis 30 ans), en expliquant : « Nous avons obtenu tout ce que nous pouvions obtenir par la négociation, à moins de faire grève. Nous recommandons d’accepter cet accord, parce que nous ne pouvons pas garantir d’obtenir plus par la grève. Mais c’est à vous de décider, et cette décision, nous la protégerons et la soutiendrons, quelle qu’elle soit. »

Cette formulation prudente s’est avérée opportune : 94,6 % des salariés ont rejeté la proposition et maintenu la revendication de 40 % d’augmentation, et 96 % ont voté pour la grève (une majorité des deux tiers étant requise pour décider une grève). Labor Notes relève la colère des syndiqués face à ce qu’ils voient comme une trahison de leur direction.

Depuis lundi, 33 000 salariés de Boeing sur 177 000 sont donc en grève, bloquant les chaînes de production des principaux avions commerciaux de l’entreprise, les 737, 767 et 777

Cette grève a des conséquences également sur la production d’avions militaires puisque les avions de reconnaissance Boeing P-8 et E-7 sont basés sur le 737, et que l’avion de ravitaillement Boeing KC-46 est basé sur le 767. Les chaînes de production des autres avions militaires et des missiles fabriqués par Boeing ne sont pas pour l’instant impactées, mais elles pourraient l’être si la grève venait à durer.

La dernière grève à Boeing avait duré 60 jours, et, si la grève durait autant, elle coûterait trois milliards de dollars à l’entreprise d’après Cai von Rumohr, analyste d’une banque d’investissement cité par le New York Times. Or Boeing est déjà très endetté (près de 60 milliards de dollars), suite aux échecs industriels qu’il a connus récemment (737 Max, navette spatiale), au point que ses obligations soient menacées d’être classées comme sans valeur par Moody’s. Mais la colère des salariés est très forte, et il paraît impossible pour le constructeur de ne pas s’approcher substantiellement des augmentations de salaire de 40 % qu’ils revendiquent.

La situation est jugée suffisamment sérieuse par la Maison-Blanche pour qu’elle se fende, avant même le début de la grève, d’un communiqué encourageant Boeing et les salariés « à négocier de bonne foi ». Pour l’instant, les piquets de grève se mettent en place, décidés à tenir jusqu’à ce qu’on leur présente une proposition de contrat répondant à leurs revendications.

Pour reprendre l’expression consacrée, Boeing est un fleuron de l’industrie américaine, une de ses entreprises stratégiques : tous les yeux sont tournés vers cette grève. Et ce sont des millions de travailleurs américains, en pleine campagne présidentielle, qui voient la possibilité de gagner par la grève, la possibilité aussi de contraindre leur direction syndicale à employer cet outil.


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