Barnier l’inacceptable (Jean-Luc Mélenchon)

dimanche 15 septembre 2024.
 

Un candidat de la vieille droite.

Toute sa carrière politique est marquée par un engagement dans les institutions européennes (comme député et commissaire) en faveur du libre marché. Fervent défenseur du TCE en 2005, il a très vite défendu l’idée de contourner le vote des Français. Ses ambitions présidentielles pour 2022 (il a échoué au congrès de LR en 2021) l’ont poussé à engager un virage “souverainiste” qui s’est traduit par une ligne anti-migrant particulièrement violente et aèrent partisan de l’Europe néolibérale.

C’est sans doute cette orientation xénophobe qui lui donne les faveurs du RN et crédibilise sa nomination à Matignon. La relation à Macron ? C’est Barnier qui en parle le mieux :

« [Macron] a gouverné notre pays, à l’intérieur comme à l’extérieur, de manière solitaire et arrogante. »

Biographie

Membre de LR. Etait proche d’Edouard Balladur.

Son fils aîné fut collaborateur parlementaire d’un député LREM en 2017 puis candidat du Mouvement Réformateur (droite libérale et pro-européenne belge) aux élections européennes 2019.

Carrière politique

Commence sa carrière dans les cabinets ministériels comme conseiller au cabinet du ministre de l’Environnement Robert Poujade

Dans les institutions européennes, il est commissaire européen à la Politique régionale (1999-2004) puis député européen UMP (2009-2010) ; commissaire européen au Marché intérieur et aux Services (2010-2014)

Négociateur en chef de l’UE pour le Brexit : pour la préparation et la conduite des négociations (2016-2019) puis pour la préparation des relations futures avec le R-U (2019-2021).

Candidat et favori du congrès 2021 de LR devant désigner un candidat à la présidentielle de 2022, il termine 3ème avec 23,9% des suffrages et est éliminé au 1er tour. Dans ce cadre et à partir de 2021, il crée son micro-parti “Le Droit Chemin” et alimente un site web nommé “Patriotes et Européens”. Il soutient Valérie Pécresse en 2022.

Il se dit “patriote et européen”, sorte de synthèse entre Macron et Le Pen

 : “Emmanuel Macron et ses soutiens prétendent être les seuls à défendre l’Europe ; c’est faux. De la même manière que Marine Le Pen et Jordan Bardella ne sont pas les seuls à défendre la nation. Il y a, au milieu, la ligne du Parti populaire européen, la nôtre, à la fois patriote et européenne”

Barnier : le député qui a voté contre la dépénalisation de l’homosexualité.

Le 20/12/1981, Michel Barnier député vote contre la dépénalisation de l’homosexualité pour les mineurs de plus de 15 ans, pénalisation mise en place sous Vichy.

Symbole de la fusion de la droite et de l’extrême-droite, il est obsédé par l’immigration

Ses mesures phares : un moratoire sur l’immigration de 3 à 5 ans et une réforme constitutionnelle par référendum.

Ce moratoire aurait signifié : la fin des régularisations, la limitation du regroupement familial, la suppression de l’AME (“sauf urgence”), “zéro immigration sociale”, “réduire l’accueil des étudiants étrangers” et une réforme du droit d’asile.

Il propose que cette réforme porte simultanément sur un « contrôle parlementaire sur les quotas d’immigrés », et « un bouclier constitutionnel » pour « retrouver notre liberté de manœuvre » c’est-à-dire “garantir que les dispositions prises […] ne pourront être écartées par une juridiction française au motif des engagements internationaux de la France”.

Il s’en prend notamment à la Cour de justice européenne, la Convention des droits de l’homme et entretient le mythe de juges français politisés à gauche : “Ce ne sont, ni les juges ni les passeurs qui doivent décider de notre politique migratoire. C’est le peuple Français”

Bien entendu, ses critiques portent uniquement sur la politique migratoire et ne visent jamais le carcan économique néolibéral imposé par l’UE, tant budgétaire (austérité, règles relatives au déficit et à la dette…), monétaire (indépendance de la BCE et objectif unique de limitation de l’inflation) que commercial (libre-circulation des capitaux et marchandises).

Sa ligne sécuritaire continuerait la politique de Macron et lui vaudrait le soutien du RN :

Il est en faveur de la création d’un “ministère de la Sécurité publique” qui aurait autorité sur la police, la gendarmerie et l’administration pénitentiaire

Il promeut “un choc d’autorité pour rétablir l’ordre dans nos villages” Barnier souhaite multiplier par 4 le nombre de places en “centres éducatifs fermés” (prisons pour jeunes), la construction de 20 000 places de prison supplémentaires (ce qui conduit systématiquement à davantage d’incarcération) qui seront immédiatement occupées car il porte aussi le rétablissement des “peines planchers”

Barnier propose la “double peine” afin d’expulser les étrangers condamnés à de la prison ferme mais aussi l’expulsion de “tous les étrangers représentant une menace grave pour l’ordre public”

Alors que la Justice fonctionne déjà à flux tendu et manque cruellement de ressources, Barnier veut “diminuer les délais des procédures”

Un soutien de toujours du projet d’UE néolibérale contre les peuples :

Vote pour le projet de réforme constitutionnelle préalable à la ratification des accords de Maastricht en 1992.

En 2001, il est nommé membre du Présidium de la Convention, pour la Commission européenne, chargée de rédiger une Constitution pour l’UE (“la logique ultime de cette méthode serait qu’une telle Convention s’identifie un jour avec le pouvoir constituant en Europe”). Il préside le groupe de travail sur la défense européenne. Cette convention a préparé 95% du texte final.

Alors ministre des Affaires étrangères, il est un partisan du “Oui” au référendum sur le Traité constitutionnel européen (TCE) de 2005. Immédiatement après son rejet par le peuple français, il laisse entendre qu’un contournement de la souveraineté populaire est à venir : “cette Constitution tentait de régler des problèmes qui restent posés, et il faudra bien les régler. Si cette Constitution n’existe pas, il faudra la réinventer d’une manière ou d’une autre”.

Il soutient la ratification en 2008 du Traité de Lisbonne de 2007 qui, s’il est “né de l’échec de la Constitution” n’est selon lui “pas le même texte”. Il déclarait pourtant 3 ans plus tôt, en février 2005 à Vilnius : “Écoutons, durant ces campagnes de ratification, ce que les citoyens attendent de l’Europe”. Il défend le marché unique, pour lui “notre principal atout” pour atteindre “une masse critique” et faire “l’Europe puissance”.

Barnier mènera une politique austéritaire car il souhaite approfondir la politique de diminution des recettes de Macron : Il est donc un représentant assez classique de la droite libérale qui endette systématiquement et massivement le pays lorsqu’elle est aux commandes du pays. Il souhaite “diminuer les cotisations sociales” et de 10 Mds les “impôts de production”. Avec lui, comment imaginer mettre un terme à la destruction de la protection sociale, un meilleur financement du système de santé et de l’hôpital public, la fin d’une gestion calamiteuse des finances publiques qui provient de la suppression massive de recettes fiscales sous Macron ?

Antisocial, il attaquera à son tour la protection sociale :

Barnier prend pour cible les personnes privées d’emploi et proposait dès 2021 de suspendre l’allocation chômage après 2 refus “d’offres raisonnables d’emploi”. Cela lui fait un autre point commun avec la macronie, ses 5 réformes de l’assurance chômage (dont 1 non aboutie) et sa réforme de France Travail que nous souhaitons abroger. Barnier à Matignon, ça pourrait être le retour de la contre-réforme de l’assurance chômage d’Attal… Il considère que la protection sociale telle qu’elle est encourage “l’assistanat” et envisage même la création d’une “allocation sociale unique”, c’est-à-dire la suppression de nombreuses prestations sociales correspondant à des situations et des besoins particuliers.

Il est favorable au non-sens qu’est une quasi-armée européenne et soutient l’ “initiative européenne de défense” de Macron : “Il faut aller plus loin, avec une force de projection militaire, des programmes communs de recherche, un fonds d’investissement, mutualiser les commandes, éviter les duplications. Il faut aussi une force européenne de protection civile” pour créer des “capacités communes”

Au ministère de l’agriculture, sa politique de libéralisation et de dérégulation a contribué à paupériser les paysan.ne.s français.es

Il signe en novembre 2008 l’accord sur le “Bilan de santé de la PAC” (qui augmente les quotas laitiers puis les fait disparaître en 2015, c’est-à-dire dérégule la production laitière européenne). Cette décision entraînera la “grève du lait” de septembre 2009.

C’était “Bruno demande” avant l’heure : en mai 2009, alors que le prix du lait payé au producteur a baissé de 30% sur un an, il considère qu’ “il faudra que les industriels acceptent de reprendre la négociation et de payer le prix juste”.

Comme commissaire européen au marché intérieur (2011), il estime que la spéculation n’est pas la première cause de volatilité des prix des matières premières agricoles.

Barnier : le ministre qui étouffe les scandales écologiques. Ministre de l’environnement dans le gouvernement Balladur (1993-1995), Michel Barnier donne consigne aux fonctionnaires des DRIRE de lever le pied sur les mises aux normes avant les municipales de 1995. Cette consigne a permis de couvrir des rejets massifs de dioxine (700 fois les normes autorisées) en provenance d’un incinérateur d’ordures construit dans le département (Savoie) dont Barnier était président du Conseil général.

Pro-nucléaire, il a appelé Macron à accélérer sur la construction de nouveaux réacteurs. Au niveau européen, il militait pour une inclusion du nucléaire dans la définition des énergies vertes. Cet engagement pro-nuke est vieux de plusieurs décennies : il fut conseiller du ministre de l’Environnement sous un gouvernement Messmer, en 1995 il considérait comme “ridicule” le port de t-shirts antinucléaires par des député.e.s Verts devant Jacques Chirac au Parlement européen.

Il s’apprête à servir de caution au coup de force antidémocratique de Macron alors qu’il considère que “le macronisme a vocation à disparaître en 2027” (dans Le Figaro en juillet 2022) et que LR ne doit pas être la “béquille” de Macron. Qu’est-ce que serait un gouv Barnier si ce n’est la continuation du macronisme ?

Après les législatives de 2022, il pensait qu’une “dissolution signerait une crise politique, et un changement de gouvernement ne parviendrait pas à la résoudre”. Interrogé sur son éventuelle arrivée à Matignon, il estimait que “les débauchages n’apportaient rien à personne”.


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