Besancenot, Bavay, Bové, Wurtz, Emmanuelli Ils ont fait campagne pour le « non ». Ce qu’ils pensent un an après.

mercredi 7 juin 2006.
 

Deux questions posées à dix personnalités qui ont marqué le débat en 2005.

1. En quoi la victoire du "non" a-t-elle été utile ?

2. Quel avenir pour 2007 ?

OLIVIER BESANCENOT, PORTE-PAROLE DE LA LCR

1. Le « non » a contribué à redonner le moral à la contestation sociale en France et en Europe. Avec la victoire contre le CPE, le libéralisme a pris deux grandes claques. Cela ne veut pas dire que tout est réglé, mais l¹espoir grandit qu¹autre chose est possible. Bien sûr, la vie quotidienne des gens n¹a pas été bouleversée, mais cela, on le savait : les débats restent d¹actualité, notamment sur la question européenne. L¹affaire Clearstream l¹illustre, qui renvoie aux paradis fiscaux, au secret bancaire et à l¹absence de contrôle démocratique : autant de sujets qui ont été au c¦ur de cette campagne. La crise en Europe était déjà là avant le 29 mai, le « non » peut être un bon point d¹appui pour en sortir par le haut. La course de vitesse entre le rouleau compresseur libéral, qui s¹est assis sur les deux « non » des trois pays qui se sont prononcés démocratiquement, et la contestation sociale continue.

2. Il y a des discussions entre nous : personne n¹a le monopole de la filiation ou de la fidélité au « non » de gauche, puisqu¹il a été unitaire. La bonne manière serait de reproduire ce que nous avons su faire ensemble pour le « non ». C¹est-à-dire une campagne radicale et unitaire. Unitaire, parce qu¹on a appris à se connaître et à fédérer tous ceux qui s¹opposent aux politiques libérales, qu¹elles soient de droite ou de gauche. Radicale, parce qu¹on a assumé notre indépendance vis-à-vis de la direction du Parti socialiste. Au congrès du PS, la majorité sortante pour le « oui » a été confirmée et a synthétisé autour d¹elle les minorités. Mais il est illusoire de penser reproduire cette synthèse à l¹échelle de toute la gauche. Il n¹y avait pas qu¹une seule gauche au moment du référendum : il n¹y en a toujours pas maintenant. Faire la clarté, c¹est dire clairement qu¹on refuse une alliance gouvernementale ou parlementaire avec la direction du PS. On ne peut pas sortir du libéralisme et augmenter les salaires, relancer le service public, s¹opposer aux licenciements sans assumer une confrontation avec ceux qui ont réellement le pouvoir, c¹est-à-dire les multinationales, les financiers. Aux élections, cela devrait se traduire par des candidatures unitaires anticapitalistes.

FRANCINE BAVAY, CONSEILLÈRE RÉGIONALE D¹ÎLE-DE-FRANCE (LES VERTS)

1. La victoire du « non » a démontré l¹exigence d¹une Europe démocratique où les citoyens pourraient décider de ce qui les concerne et faire entendre leurs désaccords avec les politiques libérales dominantes. On attend toujours la réponse de l¹Union européenne ! La dynamique du débat a permis que se rencontrent pour la première fois depuis longtemps des partis politiques et des mouvements sociaux, jetant simultanément les bases de la mobilisation démocratique dont notre pays a besoin pour sortir de la Ve République et d¹un projet antilibéral, conscient qu¹il faut rompre avec un développement socialement destructeur et écologiquement insoutenable, que le gaspillage productiviste fait le lit du libéralisme.

2. Le résultat du 29 mai a prouvé qu¹il peut se dégager une majorité antilibérale à gauche. Il faut répondre à l¹appel des électeurs et par là même redessiner le paysage à gauche, les alliances, rééquilibrer la gauche à gauche. Pour cela, il faut un projet clair et déterminé, le rassemblement électoral des antilibéraux dans toute leur diversité, il faut oser débattre de la personne et de l¹équipe qui pourraient incarner au mieux ces idées. En un mot, oser une démarche électorale qui s¹adresse à tous ceux qui, à gauche, refusent les politiques libérales menées depuis un quart de siècle. Pour réussir, il faut être collectivement à la hauteur des enjeux, mettre l¹intérêt général avant l¹intérêt boutiquier partidaire, ne pas subir l¹ordre ancien pour faire vivre l¹invention démocratique. Car le jeu électoral tel que l¹instaure la loi - surtout après l¹inversion de la présidentielle et des législatives- n¹est pas digne d¹une démocratie avancée. Les « petits » partis ont trop appris à subir la loi électorale, à faire un tour de piste une fois tous les cinq ans pour être soumis à la loi du parti « dominant » ensuite. Les organisations syndicales, les associations n¹ont pas assez de poids dans les décisions. Il faut créer les conditions de l¹échec de la droite en 2007, rassembler les antilibéraux au premier tour, toute la gauche au second et s¹engager à un changement de constitution dans la foulée, pour rendre aux citoyens la capacité à décider de leur avenir.

JOSÉ BOVÉ, SYNDICALISTE PAYSAN, PORTEPAROLE DE VIA CAMPESINA

1. La campagne du « non » a été utile tout d¹abord pour la démocratie. Nous avons pour la première fois assisté et participé à des discussions de fond à partir desquelles des millions de personnes ont pu se réapproprier le débat politique pour décider ou non d¹aller vers une Europe encore plus libérale. La victoire du « non » de gauche a obligé à requestionner l¹avenir de l¹Europe à partir des grands enjeux sociaux remettant ainsi en cause le modèle libéral. Nous l¹avons vécu avec les débats et les confrontations politiques, à travers par exemple la directive Bolkenstein ou le devenir des services publics. La victoire du « non » de gauche a également renforcé les mouvements progressistes dans les pays du Sud qui contestent la mondialisation libérale. Nous l¹avons encore vu récemment à Vienne, où des représentants de pays comme la Bolivie ou le Venezuela ont pu constater combien dans l¹Union européenne s¹exprimaient des voix et des volontés populaires bien différentes de celles de la Commission européenne.

2. Cette victoire du « non » de gauche sur un contenu antilibéral donne une responsabilité historique à tous ceux qui ont mené ce combat. De cette issue, il ressort de manière très claire la nécessité de l¹union la plus large possible pour faire triompher un vote antilibéral en 2007. Il est aujourd¹hui de notre responsabilité collective de transformer ce rejet d¹Europe libérale en un projet alternatif pour notre pays. Ceux qui ont participé à la victoire du « non » de gauche et qui n¹iraient pas dans ce sens là porteraient la responsabilité d¹un échec en 2007.

FRANCIS WURTZ, DÉPUTÉ EUROPÉEN, PRÉSIDENT DU GROUPE GUE-GVN

1. Il y a dans l¹Union européenne un « avant » et un « après » 29 mai. Il est le grand caillou dans la chaussure des partisans de l¹Europe libérale. Il a empêché la grande opération qui visait à faire cautionner par les citoyens, de façon solennelle, cette Europe de l¹« économie de marché ouverte où la concurrence est libre et non faussée ». Le « non » a mis en lumière le divorce entre les citoyens et cette conception de plus en plus marchande de l¹Europe. C¹est un défenseur du « oui » qui a le plus clairement résumé la nouvelle donne, à savoir John Monks, le secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats, en déclarant : « Le ³non² français a changé le paysage européen (car) tout le monde a compris après cela qu¹il fallait remettre le social au centre des politiques européennes. » Les dirigeants européens l¹ont, eux aussi, « compris » mais... pas admis ! Ils estiment que lâcher un peu de lest sur la directive Bolkestein est le maximum de ce qu¹ils puissent accepter, à condition de ne pas toucher à la structure libérale de tout l¹édifice européen actuel. En résumé : sur le plan social, et également sur le plan de la démocratie, les dirigeants européens se savent aujourd¹hui à contre-courant des citoyens et des citoyennes. Cela ne met pas fin à leur politique mais améliore substantiellement les conditions de notre bataille pour « une autre Europe ».

2. À mes yeux, les trois « secrets » du 29 mai ont été d¹abord la qualité absolument sans équivalent du débat citoyen. De la politique de haut niveau et au meilleur sens du terme. Loin du choc trivial des ambitions personnelles ou des facilités « people ». Ensuite, le travail en commun des militants politiques et des acteurs sociaux - syndicalistes, militants associatifs, membres de réseaux citoyens, élus... Enfin, le rassemblement de toutes les sensibilités progressistes antilibérales. Voilà la bouffée d¹oxygène qu¹il nous faut durablement pour rénover la politique. C¹est pourquoi je suis personnellement très heureux de l¹appel « pour un rassemblement antilibéral de gauche et des candidatures communes » et des initiatives du PCF et de Marie-George Buffet pour impulser une telle dynamique. Là est l¹espoir.

HENRI EMMANUELLI, DÉPUTÉ PS DES LANDES

1. Ce qui a changé, c¹est l¹irruption soudaine et massive des citoyens dans le débat européen. Un débat sur la véritable nature de l¹Europe traverse désormais toute le continent. À l¹évidence, les responsables politiques ne croient plus à la survie du traité constitutionnel, même si le processus de ratification se poursuit en évitant les pays où il aurait toute chance d¹être rejeté, comme le Danemark, la Grande-Bretagne où la Pologne ! Ces responsables sont désormais conscients de ce qu¹à l¹avenir la question sociale ne pourra être évitée et qu¹un nouveau traité n¹a de chance d¹être adopté que s¹il se limite aux questions constitutionnelles (qui fait quoi et comment on décide) et s¹il est démocratiquement élaboré. La prochaine présidentielle française conditionnera pour beaucoup la suite.

2. Le 29 mai 2005 pèsera sur les échéances de 2007. Si l¹on regarde l¹ensemble des scrutins depuis avril 2002 - et même depuis les municipales de 2001 - et les mouvements sociaux de très grande ampleur que nous avons connus - contre la loi Fillon sur les retraites, en 2003, et plus récemment bien sûr sur le CPE - on ne peut qu¹y lire un même message : les Français expriment un rejet profond de l¹orientation libérale que l¹on veut leur imposer. Ils ne sont pas prêts à accepter les conséquences sociales de ce qu¹il est convenu d¹appeler la mondialisation libérale. Chez nos voisins européens, contrairement à ce que l¹on essaye de nous faire croire, ce refus y trouve un écho grandissant, tout comme l¹aspiration à une société plus juste. Les échéances électorales de 2007 doivent donc être l¹occasion d¹un véritable débat, projet contre projet. L¹orientation libérale, communautariste et atlantiste proposée par Nicolas Sarkozy est en totale contradiction avec les attentes du peuple de gauche, et bien au-delà. Si la gauche veut l¹emporter en 2007, et c¹est notre responsabilité collective ,elle doit donc créer les conditions de son rassemblement, sans lequel aucune victoire n¹est possible. Sans oublier - que l¹on me pardonne de le rappeler- que 60% des voix du « non de gauche » étaient celles d¹électeurs socialistes.


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