Les macronistes évitent la disparition mais voient venir l’implosion

dimanche 21 juillet 2024.
 

La dissolution de l’Assemblée nationale a fait perdre aux macronistes la majorité relative dont ils disposaient. À la faveur des désistements, la coalition présidentielle conserve toutefois 150 sièges. La suite laisse présager une scission dans les rangs, autour d’une question : faut-il proposer à la gauche une coalition ?

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Un mélange de surprise, de soulagement et d’inquiétude. Les soutiens d’Emmanuel Macron avaient, dimanche soir, le sourire des survivants. Après une campagne passée à craindre l’effacement de la scène politique, la coalition présidentielle se réjouissait de sa deuxième place dans le futur hémicycle. Avec 150 sièges, l’ancienne majorité est reléguée au second rang des forces politiques, derrière la gauche unie, mais devant le Rassemblement national (RN).

La moitié vide du verre donne pourtant à voir le reflet du pari insensé d’Emmanuel Macron. Le président de la République a dissous l’Assemblée nationale au moment où sa base électorale était la plus basse, et son camp a subi les conséquences politiques de son échec. La courbe donne le vertige : le Palais-Bourbon comptait 351 député·es macronistes en 2017, puis 250 en 2022. Ils ne sont plus que 150 à l’issue de ces élections législatives anticipées.

Plusieurs figures macronistes sont balayées dans la tempête. Olivier Véran, l’ancien porte-parole du gouvernement, est battu dans l’Isère par Hugo Prévost, un étudiant investi par La France insoumise (LFI). Stanislas Guerini, ancien délégué général du parti présidentiel et actuel ministre, perd lui aussi son siège, dominé à Paris par l’écologiste Léa Balage El Mariky. Sa collègue MoDem au gouvernement, Sarah El Haïry, subit la même déconvenue en Loire-Atlantique, devancée par le socialiste Fabrice Roussel.

Au vu des projections qui circulaient, l’heure était plutôt à saluer un résultat quasiment inespéré. « Le bloc central est vivant », a fait dire Emmanuel Macron à son entourage, sitôt les résultats connus. « Grâce à notre détermination, grâce à la force de nos valeurs, nous avons tenu », s’est félicité le premier ministre, Gabriel Attal, dans la soirée. Avant de confirmer qu’il présenterait dès lundi matin sa démission au chef de l’État.

À l’Élysée, malgré la cure d’amincissement surprise imposée à ses troupes, l’heure était loin d’être à l’autoflagellation. « La clarification que le président de la République avait appelée de ses vœux s’est déroulée comme il le voulait », estimait son entourage, saluant une Assemblée plus « légitime » que « jamais » au vu de la forte participation enregistrée (66,7 %).

Avoir évité l’accession au pouvoir de l’extrême droite nourrissait également le satisfecit présidentiel. Une manière de reconnaître, sans le dire trop explicitement, que la coalition centrale doit une centaine de ses victoires aux désistements des candidat·es de gauche arrivé·es deuxièmes ou troisièmes. « S’il y a une victoire ce soir, c’est celle des candidats républicains »,notait-on à l’Élysée.

Deux stratégies à l’œuvre, Macron déjà mis de côté

La victoire de la gauche, quant à elle, n’existait pas dimanche soir au sommet de l’État. Emmanuel Macron faisait savoir qu’il regardait les résultats « au rythme des remontées », « circonscription par circonscription ». Sous-entendu : sans se presser de mandater la gauche pour former un gouvernement. « Il attendra la structuration de la nouvelle Assemblée nationale pour prendre les décisions nécessaires », expliquait son entourage.

Pour le camp présidentiel, la vraie clarification aura lieu dans les jours à venir. Faut-il acter le déplacement du centre de gravité de la vie politique à gauche ou tenter, coûte que coûte, une grande coalition centrale allant jusqu’à la droite Les Républicains (LR), manière de rester au cœur du jeu ? Dans les prises de parole des uns et des autres se dessinaient, dimanche soir, les stratégies et les divergences à venir.

À droite, Édouard Philippe a appelé à un « accord » entre « forces politiques centrales », sans La France insoumise (LFI). Le président d’Horizons entend convaincre une partie du groupe LR et du groupe Renaissance de rejoindre ses troupes, dans une nouvelle émanation de droite. Gérald Darmanin pourrait en prendre la tête. Le ministre de l’intérieur, largement réélu dans son fief du Nord, en a envie, après avoir été tenté un moment de briguer la présidence du groupe Renaissance.

Celle-ci semble promise à Gabriel Attal, l’actuel chef du gouvernement, qui bénéficie d’une excellente cote de popularité au sein de ses troupes, qui estiment lui devoir en partie leur survie. Avec Gérald Darmanin, les relations sont devenues exécrables au fur et à mesure de la campagne, au point que l’entourage du premier soupçonne celui du second d’être à l’initiative de « boules puantes » dans la presse, ces derniers jours.

À chacun sa stratégie, donc. « On doit gouverner à droite et ne pas avoir de coalition avec la France insoumise et le Front populaire », a dit le ministre de l’intérieur sur BFMTV. Le premier ministre, lui, penserait plutôt à négocier avec la gauche non insoumise un accord de gouvernement. Le chef du parti présidentiel, Stéphane Séjourné, a ouvert la voie à une « majorité de projet » et appelé à faire « de la lutte contre le dérèglement climatique une priorité absolue » – une manière de tendre la main à la gauche.

L’ancien président de la commission des lois, Sacha Houlié, a également fait un pas vers le NFP. « La France a un nouveau visage, et de toute évidence la social-démocratie a une place essentielle dans la vie politique de notre pays, a écrit le député réélu de la Vienne sur le réseau social X. J’en tirerai les conséquences. » Depuis plusieurs semaines, des discussions existent entre une partie du camp présidentiel et certaines figures de gauche, parmi lesquelles Raphaël Glucksmann.

Et Emmanuel Macron dans tout ça ? C’est peut-être le dernier point qui rassemble tous les macronistes : leur volonté de s’affranchir de la tutelle du président de la République, jugé coupable d’avoir jeté ses troupes dans ce bourbier. « Cette dissolution, je ne l’ai pas choisie mais j’ai refusé de la subir », a lancé Gabriel Attal depuis Matignon. Quelques minutes plus tôt, Édouard Philippe n’a pas été plus tendre : « La décision de dissoudre l’Assemblée nationale, qui devait être un moment de clarification, a au contraire conduit à une grande indétermination. Je le regrette mais je n’en suis pas surpris. »

Ilyes Ramdani

LR, un maintien inattendu

Ils ont traversé la tempête, mais les rescapés sont finalement plus nombreux qu’attendu. Au bord de l’implosion depuis que le patron du parti, Éric Ciotti, a fait alliance, dans le dos de ses collègues, avec le RN, le parti LR se maintient grâce au front républicain, dans un étiage similaire à la XVIe législature.

Dans le Loiret, la LR Constance de Pélichy reprend même son siège à la députée sortante RN Mathilde Paris. Pour le reste, Julien Dive est reconduit, comme Annie Genevard ou Olivier Marleix, l’ex-président du groupe, réélu haut la main contre l’extrême droite. Chez les nouveaux entrants : Laurent Wauquiez, le puissant président du Conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, siégera désormais à l’Assemblée, comme le maire de L’Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun, qui l’emporte de 544 voix face à la sortante LFI Rachel Keke. Le remuant Aurélien Pradié, qui avait pris ses distances avec LR juste avant le premier tour, regagne son siège en divers droite.

Du côté des « ciottistes » associés à l’extrême droite, en revanche, le pari est perdu. Certes, le député des Alpes-Maritimes est réélu largement dans son fief, mais il voit s’envoler ses espoirs d’être nommé ministre de l’intérieur. Sur sa circonscription des Français de l’étranger, Meyer Habib, « ami personnel » de Benyamin Nétanyahou, est néanmoins battu par la candidate Renaissance Caroline Yadan. Le président des jeunes LR, le très droitier Guilhem Carayon, qui avait fomenté avec Éric Ciotti l’alliance avec le RN, est lui aussi battu par le macroniste Jean Terlier.

Autant de symboles qui font la joie des LR ayant refusé de vendre leur âme au diable lepéniste. « Le choix de l’indépendance était le bon, nous revenons plus forts », se sont-ils félicités sur les réseaux sociaux. Comme un cruel pied de nez à leur patron, qui ne devrait pas rester bien longtemps à ce poste.

Pauline Graulle


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