La revitalisation des services publics, un antidote face au Rassemblement national

mercredi 3 juillet 2024.
 

Le résultat des élections européennes confirme ce que nous savions : l’extrême droite progresse en France comme en Europe. Combattre cette dynamique exige d’en comprendre les ressorts pour agir sur ce qui la nourrit.

Collectif d’agents des services publics

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Le résultat des élections européennes confirme ce que nous savions toutes et tous : l’extrême droite progresse partout, en France comme en Europe. Combattre cette dynamique exige d’en comprendre les ressorts pour agir sur ce qui la nourrit. À ce titre, force est de constater qu’il en est un particulièrement prolifique pour l’extrême droite : le sentiment d’abandon alimenté par le recul du maillage et de la qualité des services publics.

Ce recul ne relève pas de la responsabilité des agent(e)s publics qui continuent d’œuvrer avec dévouement au service de l’intérêt général, en dépit de conditions de travail toujours plus dégradées – dont chacun peut percevoir les effets à l’école, dans les prétoires ou à l’hôpital.

Ce recul est cohérent avec un discours de défiance porté par le gouvernement, mu par le désir de faire des économies sur ce qu’il considère comme étant un modèle social trop généreux, en dépit des enseignements du grand débat national et de la crise sanitaire, qui étaient pourtant éloquents : nos concitoyens veulent plus de services publics et des services publics de qualité.

Le programme de l’extrême droite se traduirait par moins de service public et, pour ce qu’il en resterait, des services publics à deux vitesses. C’est un paradoxe sidérant que de voir l’extrême droite prospérer sur ce sentiment d’abandon. Car, non seulement, elle ne propose rien pour les préserver, mais au contraire risque d’en accélérer la dégradation.

En réalité, le RN est tout autant, sinon davantage, un ennemi des services publics que ceux qui assument idéologiquement un discours critique sur ces derniers. En effet, il est très net que le programme de l’extrême droite se traduirait par moins de service public et, pour ce qu’il en resterait, des services publics à deux vitesses.

Tout d’abord, parce que le RN au pouvoir assècherait la capacité de financement par l’État des services publics. Le programme économique du RN aurait en effet, pour effet direct de réduire les recettes de l’État d’environ 40 milliards d’euros de baisses de prélèvements obligatoires, soit autant d’euros en moins pour financer les services publics. Dans ce contexte, la liste de dépenses nouvelles promises par le RN en faveur de la police ou de la justice sont totalement irréalistes et contradictoires avec la proposition de ramener le poids de la dépense publique à 50 % en 2027, comme Marine Le Pen s’y était engagée dans le cadre de la campagne présidentielle.

Au contraire, ce qui risque de se produire est une accentuation de la tendance à l’œuvre consistant à laisser une place croissante à une offre privée, en grande partie financée par la puissance publique mais accessible seulement à ceux qui en ont les moyens.

Ensuite, parce que le RN au pouvoir affaiblirait la capacité d’action de l’État et de ses agent·e·s. Comme l’actuel gouvernement, il annonce qu’il réalisera des économies sur l’administration pour lutter contre “l’obésité administrative”. Or c’est bel et bien cette administration qui permet de garantir le fonctionnement des services publics, qu’il s’agisse de l’organisation du système scolaire qui permet d’enseigner à nos enfants, du système de santé qui garantit la possibilité pour toutes et tous d’accéder aux soins, de la justice, des services publics de proximité qui sont assurés par nos mairies, etc. Depuis 2022, les députés RN nous le prouvent : ils ont par exemple voté contre l’augmentation des budgets de l’hôpital public ou des universités.

Enfin, par-delà la dégradation du niveau et de la qualité des services publics, la vision portée par le RN est de nature à mettre profondément à malles les principes au cœur des services publics, pour les usager·ère·s comme pour les agent·e·s. En effet, à rebours des principes fondateurs de la République, le RN prône un service public non plus universel et inconditionnel mais qui exclut. Il porte notamment l’instauration de règles permettant de traiter différemment les familles en fonction de leur origine.

Plus globalement, une arrivée du RN au pouvoir ferait peser d’importantes menaces sur les libertés publiques, y compris celles qui concernent les agent·e·s publics, au premier rang desquelles les libertés syndicales, de conscience, d’opinion et d’association. Or ces libertés font partie des garanties qui permettent aux agent·e·s publics d’œuvrer pour l’intérêt général.

Dans ce contexte, revitaliser les services publics est l’un des remèdes structurels pour freiner la progression de l’extrême droite. Car c’est à travers nos services publics que nous serons en mesure de répondre aux attentes, légitimes, de ceux qui expriment aujourd’hui leur aspiration à vivre dignement, se soigner et s’éduquer dans de bonnes conditions... C’est de ce grand projet, de la façon de l’améliorer, de le financer ou encore de l’adapter aux enjeux du siècle, au premier rang desquels la transition écologique, qu’il convient de débattre. Et sur toutes ces questions, le RN n’a aucune vision cohérente.

Pour toutes ces raisons, l’enjeu des deux prochaines semaines est de faire du service public un élément central du débat démocratique. Qu’il s’agisse d’accès à la santé, à l’éducation, à la justice ou à la sécurité, comme d’œuvrer pour la protection de l’environnement, cette préoccupation majeure des Français·es doit demeurer notre fil rouge.


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