Conférences de "paix"sur la Palestine : Beaucoup de doutes sérieux et quelques certitudes (par Jean-Claude Lefort Député honoraire)

dimanche 23 décembre 2007.
 

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L’allégresse qui a entouré, de toutes parts, aussi bien la réunion américaine d’ Annapolis sur le Proche-Orient que la Conférence des donateurs à Paris laisse plus que perplexe tout observateur sérieux de la situation au Proche-Orient.

1. De la réunion tenue à grands fracas médiatique aux USA que ressort-il qui devrait nous amener à mêler nos vivats à celui des autres ?

A. Une date ferme a-t-elle été fixée pour l’établissement d’un Etat palestinien inexistant depuis 60 ans ?

Aucunement ! Si la « fin 2008 » est effectivement évoquée c’est uniquement en terme d’hypothèse, une hypothèse que M. Ehud Olmert a vite balayée d’un revers de main, une hypothèse aussi « crédible » que celle inscrite dans la « Feuille de route » du Quartette qui devait voir la création d’un Etat palestinien fin 2005. Nous sommes fin 2007 comme chacun sait....

B. Sur quelle base cet Etat palestinien devrait-il être établi ? Sur le droit international, ce qui serait, et est, la moindre des choses impératives ?

Aucunement ! Les frontières de 67 (ce qui est d’ailleurs une concession palestinienne unilatérale énorme), Jérusalem-Est comme capitale, la question des réfugiés - tout cela est non seulement à la trappe mais cet Etat palestinien devrait résulter d’un accord entre les deux parties au conflit, ce qui - les choses étant ce qu’elles sont - est au mieux une pantalonnade et au pire un abandon terrible des droits fondamentaux du peuple palestinien.

C. La « Feuille de route » est ressortie en même temps que trois des signataires et acteurs mandatés explicitement par l’ONU pour sa mise en œuvre sont exclus du processus. Ne restent que les Etats-Unis. De sorte que désormais c’est un triangle « Israël - Palestiniens - USA » qui est en charge de l’affaire. Ce qui veut dire qu’au lieu d’avoir face à eux un seul adversaire, les Palestiniens en ont maintenant deux pour « négocier ».

Quant au principe même de la « Feuille de route » la vie a montré largement son caractère illusoire. Illusoire, car si les Palestiniens l’ont accepté tandis qu’ils sont tenus dans ce texte d’assurer la sécurité d’une force occupante - ce qui n’est pas le moindre des paradoxes -, Israël refuse pas moins de 17 points de ce texte - un refus réitéré à l’issue de la réunion américaine.

De plus, dans ce texte, le caractère « concomitant » des mesures à prendre par les deux parties pour avancer est absolument virtuel. On sait que dès l’acceptation originelle par les Palestiniens de la « Feuille de route » une trêve de 71 jours a été observée par ces derniers. De manière concomitante, selon le texte, les autorités israéliennes se devaient de mettre en œuvre des mesures « analogues ». Il n’en a rien été car si la trêve a duré 71 jours seulement c’est que Israël l’a cassée en frappant sans aucune « raison » Gaza. Il ne peut y avoir concomitance puisque l’un des deux ne veut pas.

D. Comme si tout cela n’était pas suffisamment limpide, voilà que la France a proposé le déploiement d’une force internationale dans ... les Territoires palestiniens pour aider à « mettre de l’ordre » ! On est bien loin de la vision d’une force internationale installée sur les frontières de 67 et à Jérusalem-Est. Allons-nous envoyer des forces là-bas pour effectuer des « opérations de maintien de l’ordre » en Cisjordanie et à Gaza ?

C’est pourtant ce que « nous » proposons (dixit Sarkozy : « aider les services de sécurité palestiniens au maintien de l’ordre ») qui a reçu étrangement l’accord de M. Abou Mazen qui admet ainsi de facto que le problème est d’abord à chercher et à « régler » chez les Palestiniens.

Qui peut penser sérieusement que pareille éventualité est « tenable » ? Qui ne voit que l’unité inter- palestinienne sera ruinée définitivement avec cela qui s’appelle purement et simplement de l’ingérence ? C’est pourtant ce qui est ainsi clairement recherché, qui renvoie aux calendes grecques toute issue politique du conflit, et cela au prix de terribles conséquences multiples, notamment politiques pour l’Autorité palestinienne mais aussi pour la France.

2. La Conférence des donateurs tenue à Paris a donné lieu également à un déluge d’éloges. Avenue Kléber ce sont 7,4 milliards de dollars qui ont été promis à M. Abou Mazen et à son premier ministre (qui n’a pas reçu la confiance du parlement palestinien...) au lieu des 5,6 demandés par ces derniers. A défaut d’un vote de confiance du parlement palestinien, le premier ministre nommé par Abou Mazen a considéré que cela consistait en « un vote de confiance [de la communauté internationale] vis-à-vis de l’Autorité palestinienne ».

Cette générosité soudaine devrait pourtant surprendre d’autant qu’Israël est totalement exonéré de ce mouvement, lui qui est responsable du désastre. Il n’est même pas mis en demeure de verser l’argent qu’il doit aux Palestiniens, c’est dire.... Naturellement que personne ne peut faire la fine bouche devant cette « aide », sous réserve de savoir exactement à quoi elle sera utilisée. On parle, par exemple, d’un projet de développement dans la vallée du Jourdain qui n’est autre qu’un projet au profit de la puissance israélienne occupante. Singulière façon d’aider économiquement à la construction d’un Etat palestinien.

Mais surtout cette Conférence des donateurs constitue une sorte de moulin à vent en ce sens que personne ne peut séparer économie et politique. Et que la question du développement social et économique d’un Etat palestinien suppose absolument le règlement politique, sur la base du droit international, du conflit israélo-palestinien.

Que peut sérieusement l’un sans l’autre ? On se souvient de la volonté de construire à Gaza, il y a de cela plusieurs années, un port en eaux profondes. La France, notamment, s’était engagée dans les travaux. Cela n’a duré que quelques jours : les F16 israéliens ont tout rasé dès le tout début des travaux, inclus le drapeau tricolore présent qu’un Consul général français, alors en poste à Jérusalem a personnellement, et courageusement, redressé et remis en place ...

De tout cela il ressort que les partisans de la paix au Proche-Orient ont quelques raisons d’être plus que perplexes, inquiets, des évolutions constatées. Mais ils ont aussi des raisons d’estimer que leurs certitudes sont plus valables que jamais : il ne peut y avoir de paix durable au Proche-Orient sans que la question centrale du conflit israélo palestinien soit réglée sur la base du seul droit international, avec imposition de celui-ci conformément au chapitre VII de la Charte des Nations unies.

C’est cela que nous ferons valoir en 2008, année du 60ème anniversaire de la Nakba qu’il convient de marquer en grand si nous voulons que les choses avancent réellement !

Ici ou là « on » devrait méditer sur ce proverbe : qui mange à la gamelle du diable a besoin d’une longue cuillère... Ou bien encore celui-ci : cervelle inoccupée, le diable y trouve tente dressée...


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