Le Cantal... Si loin de Matignon !

vendredi 28 juin 2024.
 

J’ai vu le Cantal en juin. Grandiose ! Nul voyou, nul émigré, nulle pollution. Un paysage écran large. Où l’on vote Bardella...

C’est un pays où il y a plus de vaches au pré que d’humains sous les toits, et pourtant !

C’est une terre si près du ciel qu’on pourrait grimper quelques marches, toucher le paradis, et pourtant !

C’est un espace naturel où règne la beauté, en chaque saison, une immensité sans partage, sans passages cloutés, sans embouteillages, sans particules fines au ras du pif et du bitume, et pourtant !

C’est le domaine des dieux, du sacré, des petites églises de pierre volcanique, des croix de bois aux coins des sentiers, des statues angéliques dans les niches minuscules au coeur des pignons, et pourtant !

C’est l’Eden du premier homme, la pomme d’avant les dents d’Adam, la feuille de vigne d’avant le strip d’Eve, et pourtant !

Pourtant nom de Dieu de bougnat, c’est incroyable, l’homme là-haut se pense martyrisé, se voit en enfer, s’imagine zigouillé par les Sarrasins, craint pour son pécule, et aperçoit déjà Poutine à la porte de son étable .

Ce dimanche là, de 2024, au tout début d’un mois de juin très humide et particulièrement frais, le mâle à casquette et la dame au fichu, sont allés aux urnes du village pendant que le taureau et la cornue mâchaient l’herbe grasse des prairies. Ils ont pris la petite auto, le grand manteau, il sont entrés dans l’isoloir, ils ont tiré le rideau, ils avaient déjà choisi. Au bistrot ils ont bu un canon, discuté un brin, râlé contre le temps pourri, et ils sont rentrés.

Le lundi matin, dans les pages de « la Montagne », pas de surprise : c’était Bardella qui menait le troupeau !

Or, dans la parure éclatante et odorante des genêts, j’ai traversé les monts du Cantal le même dimanche. Un spectacle magnifique ! La montagne de Poulidor en maillot jaune, ce qui n’arrive qu’une fois par an, les hauteurs de vue et d’enfance de Pompidou, président de grande culture rurale et républicaine, né près de là, dans une maison de Montboudif, 200 habitants, bref, le massif central en splendeur, un silence en or, de l’ocre et du citronné partout, du vert en cascade, des torrents transparents débaroulant, des nuages cavalant, de la chlorophylle à tous les étages, des Salers assoupies, des Aubrac amollies, un pays de cocagne de Murat à Mauriac, via le Puy Mary et le col de Neronne, rien que du somptueux, du merveilleux, de l’harmonieux, du paisible et de l’émouvant.

Dès lors, comment peut-on croire et adhérer, dans un tel environnement, aux obscures prédictions d’un diable qui s’habille en Suitsupply ? Comment peut-on accorder crédit aux obtus propos d’un gominé juvénile à profil urbain, vêtu au quotidien comme un pingouin, annonçant la fin du monde sous invasion migratoire, proposant le bonheur sous pavillon noir, et n’ayant jamais reniflé le cul d’un bovin, jamais accouché un veau ou fait gicler le lait d’un pis dans un seau en alu !

Montboudif : liste Bardella 41,57 %

Saint-Flour : liste Bardella 35,09 %

Murat : Bardella 33,03%

Salers : Bardella 30,06 % .

Mauriac : 30,99 %

Je crois, pour avoir accompli nombre de diagonales campagnardes en hexagone contemporain comprendre ce vote extrêmement troublant.

L’espoir a déserté depuis longtemps les montagnes du centre de la France. Jean Ferrat déjà, dans les années 60, chantait l’exode vers les HLM de la grande cité. Mais il restait malgré tout de la vie dans les villages, de l’animation dans les bourgs, du grain à moudre dans les champs, et des bêtes à traire, ou à vendre dans les prés. Il y avait encore un toubib pour les familles, qui venait à la maison pour ausculter, rassurer, et boire le café. Il y avait encore une pharmacie pour acheter l’aspirine et les bas de contention. Il y avait encore un bureau de poste pour peser et envoyer le colis aux petits enfants. Il y avait encore un facteur pour amener le journal et discuter deux minutes du pays. Il y avait encore l’épicerie et le bistrot, la maternelle et la messe du dimanche. Il y avait, il y avait, il y avait ….

Tout cela est fini et n’a pas été remplacé. Il faut prendre un taxi ou une ambulance pour soigner un bobo et descendre aux urgences. Il faut conduire des kilomètres de virages et d’épingles à cheveux pour faire ses courses dans la zone moche, vous savez ce dépotoir publicitaire de hangars minables où roulent des chariots métalliques entre des montagnes de denrées, ces ghettos commerciaux terriblement laids qui étouffent les villes charmantes les plus proches.

Derrière vos oeillères boulevardières et haussmanniennes, vous pourrez prétendre "clichés et grognements paysans", mais eux, les derniers Mohicans, ils savent bien ce qu’ils ont perdu avec le temps et ce que leur confisquent les hauts fonctionnaires de Bercy et d’ailleurs. Alors, sous leur casquette ou leur béret, ils se disent qu’un petit mec en costard à la Chirac, pourquoi pas, on va l’essayer, et peut-être après tout qu’il sait traire un boyon, et qu’il pourrait mettre bas un biquet ….

C’est beau le Cantal. Les vallées profondes sont fertiles, les hauts plateaux respirent le bon oxygène. Mais à quoi bon, si c’est pour crever en solo dans l’hélico qui vous emporte vers le CHU de Clermont !

Nounours du Vercors


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