Libérez les 50 lycéens parisiens. Soutenons la jeunesse en lutte

mardi 11 juin 2024.
 

Hier soir, une cinquantaine d’élèves de plusieurs lycées parisiens (Hélène Boucher, Voltaire...) ont été interpellés pour avoir participé à une occupation pacifique d’un lycée en soutien aux Palestinien-nes. Ce texte est un texte réclamant leur libération et appelant à les soutenir.

Il n’y a pas de citoyenneté si il n’y a pas de liberté d’information, d’expression, de rassemblement et de manifestation.

Bien sûr, aucune de ces libertés n’est absolue ni à même d’écraser toutes les autres dans une démocratie. C’est toujours affaire de mise en balance. Les autorités judiciaires françaises et européennes le rappellent tous les jours.

Bien sûr aussi la question du respect et du maintien de l’ordre public est une question importante, il ne s’agit pas de la mépriser.

Mais c’est une question qui reçoit des réponses extrêmement variables en fonction des régimes, des époques et des gouvernements. Ce qui est certain, c’est que notre pays souffre d’une carence manifeste dans l’exercice de ces libertés politiques fondamentales, et nous ne devons pas confondre facilement vandalisme et expression politique, revendications.

L’ONU le dit. Amnesty international et la Ligue des droits de l’homme le disent. De nombreux intellectuel-les le disent. Et même des magistrat-es. Les libertés politiques en France sont trop souvent et trop sévèrement attaquées à travers la personne de celleux qui se mobilisent. La criminalisation de la vie politique française est trop importante. On s’étonnera après, d’une part de la désaffection pour la "politique politicienne" et d’autre part, de la montée en radicalité de certain-es. Mais le gouvernement lui-même, à qui l’État n’appartient pas en propre, est le premier à déchirer le pacte citoyen et républicain. L’État appartient aux citoyen-nes. Il est légitime qu’iels essaient de se le ré-approprier.

La démocratie vivante est le renouvellement constant d’un pacte entre les citoyens et leurs gouvernements en vue de maintenir la chose publique dans le cadre de l’État de droit. Le renouvellement de ce pacte ne peut pas valablement se faire si ces libertés politiques fondamentales sont réduites comme peau de chagrin. En effet la validité dépend de l’autonomie et l’autonomie dépend de ces libertés.

Des citoyens interdits de s’informer, de réfléchir, de se rassembler... sont privés de ce qui constitue le cœur de leur intelligence politique. Aujourd’hui, après des gardes à vue, on suggère de prononcer des doubles peines à l’encontre de ces jeunes qui ne savent plus ni comment se faire entendre ni comment s’exprimer face à des institutions renfermées comme des tours d’ivoire.

Par exemple, au sein de leurs lycées. Or, l’expression d’un questionnement, de débats, voire de revendications dans cette enceinte est pourtant naturelle et légitime. Et elle contribue à former les esprits. Au sujet du massacre actuellement en cours contre les Palestinien·nes, et contre la colonisation, elle l’est plus encore. Les jeunes passent plus de la moitié de leur temps dans cette enceinte. On leur explique qu’ils doivent respecter le droit, les règles, la hiérarchie, penser "à leur avenir"... on leur enseigne l’histoire, la géopolitique, l’éducation civique et morale, le droit même ! Mais on leur demande de devenir schizophrènes et de laisser derrière elleux des questions aussi fondamentales que celles du sort des Palestinien-nes. Alors qu’ils vont passer leur bac, entrer dans l’âge adulte et participer à leurs premières élections européennes.

Ce sont des jeunes. Ils sont encore vulnérables et sortent de l’enfance, mais ils vont vers l’âge adulte et une autre vie après le lycée. C’est un moment particulier de leur vie. Nous devrions être heureux et fiers, malgré quelques débordements et une appréciation peut-être un peu légère des possibilités revendicatives, de les voir prêt-es à embrasser le monde, à défendre des causes, à s’exprimer sur des sujets si importants, à se passionner pour tout ! Ce sont des citoyen-nes d’un monde qui leur ressemble. Une société globale, que cela nous plaise ou pas, et qui est depuis toujours leur univers. Une société façonnée par les réseaux sociaux, l’information alternative parfois douteuse, par un consumérisme mondialisé, une société aussi, façonnée par nos renoncements, à nous adultes.

Comment aujourd’hui pourrions-nous les laisser tomber face à la répression qui s’abat sur elleux et qui est le contraire de ce que nous souhaitons leur transmettre ? S’engager, débattre, défendre ses droits et ceux des plus fragiles, agir sur l’histoire et non pas la subir, prendre le contrôle de leurs existences. Mais c’est merveilleux ! Comment ne pas les accompagner, encore un peu ? Sans angélisme (ce n’est pas parce-que on est jeune qu’on a toujours raison) mais sans paternalisme.

Iels sont dans le sens de l’histoire. La revendication de mettre un terme au massacre subi par les Palestinien-nes et de mettre un terme à la colonisation monte partout chaque jour plus fort dans le monde. La revendication de pouvoir informer librement sur le conflit également. Comment acceptons-nous que chaque matin une "information" aussi amputée de vérité sur un conflit majeur de notre temps, prétende encore s’appeler "information" ? Celle des actions de pression à mettre en œuvre, celle du respect du droit international, le sont tout autant. Enfin, la revendication de reconnaître un État palestinien n’est plus taboue et de nombreux États souverains l’ont déjà fait unilatéralement. Désormais de nombreux intellectuels israéliens la demandent.

On doit pouvoir nommer ce qui se passe actuellement. Ce qui se passe c’est le fascisme de l’actuel gouvernement israélien. Il déborde sur les pays qui ne s’y opposent pas, comme la France, qui laisse faire avec quelques balbutiements vaguement outragés. On a le droit de souhaiter que son pays, à qui la classe politique demande sans cesse qu’on s’y identifie, qu’on "s’assimile", ait une attitude digne, courageuse, et légale.

Les jeunes ont raison de se manifester, et il faut les soutenir.

Libérez les 50 des lycées de l’est parisien. Refusez les sanctions administratives à leur encontre.

elodie tuaillon_hibon

Avocate au Barreau de Paris


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