Le slogan de Nicolas Sarkozy pour toutes les retraites : travailler plus pour gagner moins (par Annick Coupé, porte-parole de l’union syndicale Solidaires)

mercredi 21 novembre 2007.
 

« Si un métallo ou un enseignant voit sa durée de cotisation passer de 37 ans et demi à 40 ans et demain à 41 ans, comment lui expliquer que celle d’un agent d’une grande entreprise publique devrait rester bloquée à 37 ans et demi, voire moins ? » (Nicolas Sarkozy, le 18 septembre 2007 au Sénat).

C’est donc au nom du bon sens et de l’équité que le président de la République s’attaque aux régimes spéciaux de retraite (au passage, notons quand même que certains régimes spéciaux, comme ceux des notaires ou des députés, ne sont pas concernés...).

Si la remise en cause de ces régimes se fait au pas de charge, ce n’est pas pour garantir l’équilibre financier du système de retraite, c’est, avant tout, pour préparer la suite. Aller vite pour casser les régimes spéciaux, démobiliser les salariés de ces secteurs qui ont encore des capacités importantes de mobilisation, c’est préparer le rendez-vous de 2008 : allonger à nouveau la durée de cotisations de tous les salariés (privé et public) à 41 ou 42 annuités, voire plus. Il s’agit bien de travailler plus (le nombre d’annuités) pour gagner moins (baisse du niveau des pensions).

La réforme Balladur, en 1993, et les accords Arrco-Agirc de 1996 ont eu pour conséquence de baisser les pensions versées aux retraités. C’est la même logique pour la réforme Fillon de 2003, qui concernait cette fois les fonctionnaires... La baisse globale ainsi programmée sera de 20 % en moyenne.

Et si on regarde la situation des femmes, c’est encore pire : en 2001, les femmes retraitées ont touché en moyenne 848 euros par mois, et les hommes 1 461 euros, soit 73 % de plus ! Si cette inégalité criante est le produit des inégalités professionnelles et sociales vécues par la majorité des femmes dans notre pays, un nouvel allongement du nombre d’annuités (avec le système de décote qui s’y ajoute) va encore aggraver la situation des retraitées.

Il ne serait plus possible d’accorder la retraite à 60 ans avec une pension dite complète (75 % du salaire) ! Il faudrait donc travailler plus longtemps, même si 57 % des salariés ne sont plus en activité lorsqu’ils atteignent l’âge de la retraite (préretraite, chômage, invalidité, longue maladie...) et si la moyenne actuelle de durée des cotisations des salariés est de 37 annuités. Avec l’entrée de plus en plus tardive des jeunes dans la vie active, le maintien d’un taux de chômage important, le développement de la précarité, les salariés (du privé comme du public) seront toujours plus nombreux à ne plus bénéficier d’une retraite complète. Ceux et celles qui auront les moyens, une minorité, seront les cibles privilégiées des assurances privées et des fonds de pension en espérant que, quelques dizaines d’années plus tard, les aléas de la Bourse leur permettront de récupérer leur capital avec un peu d’intérêts. Il s’agit de transférer vers la spéculation financière des sommes d’argent considérables qui y échappaient jusqu’à présent. Ce sont les fondements même du système de retraite par répartition qui sont attaqués.

Face à ces décisions présentées comme inexorables, il s’agit d’ouvrir un débat citoyen pour montrer qu’il existe d’autres solutions : quelle part de la richesse produite doit être consacrée au paiement des retraites (comme d’ailleurs à la santé) ? Pour le gouvernement actuel et le patronat, la réponse est simple : le moins possible ! Pourtant, le Conseil d’orientation des retraites (COR) a calculé qu’il faudrait consacrer 18,5 points du PIB en 2040 pour équilibrer le système au lieu de seulement 12 points en 2003 : il s’agirait donc de poursuivre le même effort que celui réalisé lors des 40 dernières années. Qui pourrait sérieusement prétendre que, dans cette période, le patronat français s’est particulièrement appauvri ?

De plus, les dernières estimations du COR, s’appuyant sur les projections démographiques récentes plus favorables, montre qu’il n’y a aucune nécessité à prendre de nouvelles mesures régressives pour équilibrer le régime de retraites à l’horizon 2020.

Alors, soyons réalistes, demandons le possible... Le retour à 37,5 annuités pour tous, avec la référence aux six meilleurs mois pour le calcul de la pension versée : c’est possible, le COR chiffrait l’augmentation nécessaire à 15 points de cotisation lissée sur 40 ans, soit 0,37 point de cotisation supplémentaire par an. Cette question des modalités de financement des retraites est d’abord un choix de société : ou bien on aligne toujours plus vers le bas, ou, au contraire, on considère que l’augmentation des richesses produites doit permettre à toutes et tous de mieux vivre, les plus jeunes comme les plus âgés ! C’est cela, pour nous, la vraie équité !

Annick Coupé est syndicaliste, porte-parole de l’union syndicale Solidaires.


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