Les pillages perpétrés par des soldats israéliens à Gaza font partie intégrante de la vengeance

dimanche 3 mars 2024.
 

Les pillages ne sont pas apparus à partir de rien ; en fait, il y en a toujours eu. La nouveauté, c’est leur ampleur, la fierté qu’en tirent les soldats et la faible réaction de l’armée face à ce phénomène.

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Pratiquement sans que le grand public ne s’en rende compte, les soldats pillent les biens des habitants de la bande de Gaza après s’être emparés de leurs maisons. Dans le quotidien Yedioth Ahronoth, le chroniqueur Nahum Barnea a cité le témoignage d’un médecin réserviste : « De petites unités peu disciplinées ont volé des téléphones, du matériel Dyson, des motos et des vélos. »

Était-ce juste ? J’étais gêné. Au bout d’un moment, j’ai arrêté de réagir, parce que j’étais vu comme un casse-pied, un « noudnik » (mot yiddish ndt).

Un combattant de la brigade de Givati a fièrement montré à Uri Levy, journaliste à la chaîne de télévision publique Kan 11, un grand miroir pris dans une maison de Khan Yunis. Sur les réseaux sociaux, des soldats postent des vidéos comme celle d’un soldat montrant fièrement des maillots de football pris dans une maison de Gaza, tandis que des réservistes se vantent d’avoir préparé des repas gastronomiques avec des produits qu’ils ont pris dans les cuisines des habitants de Gaza.

Cette pléthore de témoignages oraux est le reflet d’un phénomène largement répandu. Mais l’armée semble avoir du mal à le maîtriser.

En décembre, Yaniv Kubovich a écrit dans l’édition en hébreu de Haaretz que la question a été soulevée dans les discussions du chef d’état-major avec certaines unités, mais que rien de systématique n’a été fait pour empêcher ces pillages. L’officier en charge de la formation, qui ne fait pas partie de la chaîne de commandement, a adressé une note aux troupes sur ce thème. Sa formulation ambiguë est assortie de plusieurs passages soulignés, tous consacrés au pillage, afin de bien montrer que ce problème préoccupe l’armée.

Pourtant, ses arguments contre le pillage tournaient autour du préjudice causé à la confiance des citoyens dans l’armée et à la cohésion des unités du fait que cela favorise la propagande anti-israélienne. Il n’y a qu’un seul argument que le général de brigade Ofir Livius a oublié de mentionner : c’est que le vol fait l’objet d’une interdiction qui s’impose d’elle-même. Apparemment, il est difficile de parler de morale aux soldats, il faut donc recourir à des arguments de type pragmatique.

Ces pillages sont éclipsés par les morts et les destructions sans précédent et par la fierté qu’en tirent les soldats, comme en témoignent les vidéos. Mais contrairement à ces deux autres questions, qui font l’objet de discussions politiques, dans le cas des pillages, non seulement les ordres sont clairs, mais l’interdiction est même inscrite dans la Bible, dans le livre de Josua, qui est une référence pour l’armée. Par conséquent, l’incapacité de l’armée à empêcher les pillages reflète la spécificité du problème, ce qui nécessite une explication.

Les pillages ne sont pas apparus à partir de rien ; en fait, il y en a toujours eu. La nouveauté, c’est leur ampleur, la fierté qu’en tirent les soldats et la faible réaction de l’armée face à ce phénomène.

Les soldats ne pillent pas forcément pour satisfaire des besoins physiques, et ils ne sont pas nécessairement motivés par l’appât du gain. Le pillage au combat est plutôt l’expression d’un désir de vengeance. Il ne s’agit pas seulement du désir général de vengeance qui a inspiré la totalité de la guerre dans la bande de Gaza, mais aussi d’une vengeance spécifique relative aux biens pillés aux habitants du sud d’Israël le 7 octobre (c’est d’ailleurs l’une des justifications qui est parfois avancée pour justifier les pillages). Les soldats prennent également une revanche symbolique, puisque prendre les biens de leurs ennemis après les avoir vaincus matérialise une victoire totale.

Enfin, le pillage est un symbole de victoire totale. Ce n’est pas un hasard s’il s’accompagne de la destruction de biens, avec notamment un certain nombre de cas où des maisons ont été réduites en cendres de façon injustifiée. Le pillage est l’expression d’une négation de l’humanité de la population ennemie, rendant acceptable le fait de fouiller dans ses objets personnels, même les plus intimes, et d’y choisir ce que l’on veut emporter.

Le simple fait de porter atteinte à des biens privés ne fait que confirmer le postulat qui sous-tend cette guerre, à savoir : « il n’y a pas de civils innocents » à Gaza, il n’y a donc rien à dire au fait que des civils subissent des dommages, même après qu’ils ont fui. Il apparaît donc clairement que le pillage n’est pas une dérivation des combats, mais une continuation de cette guerre de vengeance par d’autres moyens. Ces actes de pillage contribuent à maintenir la combativité des troupes, c’est pourquoi l’état-major hésite à les faire disparaître.

C’est maintenant aux Israéliens ordinaires qu’il revient de décider du type d’armée qu’ils veulent voir combattre en leur nom.

Yagil Levy

P.-S. • Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de DeepLpro.

Source : Haaretz. 19 février 2024 :


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