Israël devant la Cour internationale de justice pour génocide : juste un symbole ?

mardi 16 janvier 2024.
 

C’est une première, un pays s’en prend juridiquement à Israël et pas des moindres : l’Afrique du Sud accuse l’État hébreu de « se livrer à des actes de génocide contre le peuple palestinien ».

L’Afrique du Sud a pris le lead et ça ne plaît pas du tout aux Israéliens. Et le symbole est des plus forts, de par le statut historique de l’accusateur, car c’est bien la « nation arc-en-ciel » de Nelson Mandela, celle qui a mis fin à l’apartheid en évitant un exil des colons, qui saisit la Cour internationale de justice (CIJ) pour qu’Israël mette fin à un « génocide ».

Ces jeudi et vendredi 11 et 12 janvier 2024, les 15 juges de La Haye vont se pencher sur les 86 pages d’accusations fournies par Pretoria étayant qu’Israël « s’est livré, se livre et risque de continuer à se livrer à des actes de génocide contre le peuple palestinien à Gaza ». Un moment qui sonne comme un tournant, tant la Palestine est abandonnée de tous : ni les pays arabes ni les puissances occidentales n’ont réussi à freiner le bras vengeur de Benyamin Netanyahou. Ce dernier, visiblement dépassé, ne cesse de se cacher derrière les terroristes du Hamas (justifiant de fait les 20 000 morts gazaouies mais aussi les tueries d’otages), nie tout déplacement de population (alors que plus de la moitié de Gaza est détruite) ou velléité d’occupation (alors que ses ministres l’ont évoquée à moult reprises). Alors un génocide !

Que ce soit l’Afrique du Sud qui brandit le droit international n’est pas si étonnant. Ces dernières semaines, Pretoria a gelé ses relations diplomatiques avec Tel-Aviv et annoncé son intention de juger les Sud-Africains participant aux exactions israéliennes. De nombreux États ont apporté leur soutien à la démarche sud-africaine, mais la CIJ pourrait-elle stopper Benyamin Netanyahou dans sa folie meurtrière ?

L’ONU peut bien alerter autant que son secrétaire général Antonio Guterres le souhaite, rien n’y fait. À la fin, Israël est toujours sauvé par le veto de son allié américain. Il n’y aura pas de cessez-le-feu à Gaza par cette voie-là. On se croirait revenu au temps où l’ONU devait stopper l’invasion russe en Ukraine mais qu’elle n’y pouvait rien à cause du veto… de la Russie.

Mais avec cette saisine de la CIJ, la situation est légèrement différente. Contrairement à la Cour pénale internationale, indépendante de l’ONU, Israël reconnaît cette instance. Le plus haut organe judiciaire des Nations unies, saisi en urgence, ne doit pas délibérer sur le fond mais permettre d’arrêter au plus vite les crimes en cours dans la bande de Gaza. Or, cette cour n’a aucun moyen pour faire exécuter ses décisions. En mars 2022, les juges de la CIJ avaient ordonné à la Russie de mettre un terme à sa guerre contre l’Ukraine… In fine, c’est toujours le Conseil de sécurité de l’ONU qui vote. Et donc les États-Unis qui laissent Israël agir impunément. Le résultat est couru d’avance, car, des mots mêmes du secrétaire d’État américain Antony Blinken, cette plainte est « dénuée de fondement ». Du côté de Londres, c’est également la panique. À croire que l’effet domino pétrifie les alliés d’Israël : si génocide il y a, complicité aussi.

En Israël, les députés s’agitent pour destituer l’un des leurs, Ofer Cassif, car celui-ci a soutenu publiquement les accusations de Pretoria. Il serait même question de le faire quitter le pays. Les membres du gouvernement contre-attaquent en accusant l’Afrique du Sud d’antisémitisme. Les ONG, les journalistes, tous sont empêchés, par la mort s’il le faut. Tous complices du Hamas, à en croire l’exécutif israélien. Une panique morale, signe que cette plainte sud-africaine n’est pas anecdotique. Ou comme le commente le média Middle East Eye : qu’Israël soit simplement accusé de génocide pourrait « contribuer à changer l’opinion publique internationale » et « nuire gravement à la réputation internationale de l’État hébreu ». Et sauver des vies.

Loïc Le Clerc


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