Traité européen : Le coût du coup de force ( PRS national)

vendredi 16 novembre 2007.
 

Onze pays avaient prévu un référendum pour ratifier le précédent Traité Constitutionnel européen (TCE) : Danemark, Espagne, France, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Royaume-Uni, Suède et Finlande.

Pour l’actuel Traité modificatif européen (TME), il n’en est plus question nulle part, sauf en Irlande où il s’agit d’une stricte obligation constitutionnelle. Aux Pays-Bas, le chef du parti travailliste Wouter Bos a oublié sa promesse des élections de novembre dernier : "si un nouveau traité émergeait, qui ressemblerait même de loin à la Constitution Européenne, il y aurait un second référendum." En Grande-Bretagne, le premier ministre Gordon Brown ne se considère pas davantage lié par la promesse du manifeste du parti travailliste de 2005 d’un référendum sur le TCE. Au Danemark, qui ratifiait jusqu’ici tous les traités européens par référendum, le gouvernement fait tout pour l’éviter. En République Tchèque, le Premier ministre pressé dans son propre parti de convoquer un référendum dit s’en remettre à la Cour Constitutionnelle qui déterminera si une réforme de la Constitution est vraiment nécessaire. Au Portugal, le premier ministre Socrates affronte la pression pour le référendum qui monte au sein même du Parlement. Un à un, les gouvernements des pays qui prévoyaient un référendum sur le TCE y renoncent. Même là où le TCE avait été ratifié par référendum, en Espagne et au Luxembourg, où l’on pourrait supposer les peuples enclins à confirmer leur vote initial.

Au sommet de Lisbonne, une clause non écrite a visiblement été adoptée en plus de toutes celles du TME. Chaque chef d’Etat s’est engagé à ne pas organiser de référendum. Car un seul exemple ferait tâche d’huile. Ainsi l’Irlande a été priée d’organiser son référendum le plus tard possible, pour ne pas donner un mauvais exemple. Le gouvernement danois est invité à tenir bon pour ne pas affaiblir le gouvernement hollandais qui tente d’imposer la voie parlementaire. Tandis que l’éventualité d’un référendum en République Tchèque est d’autant plus combattue qu’elle suscite une crainte de « contagion » sur la Pologne.

Cette obsession anti-référendaire est avérée par des propos de Giuliano Amato de juillet 2007 à Londres dans la discrète réunion d’un think tank blairiste, révélés par une vidéo diffusée sur Internet. Amato, du parti démocrate italien, ancien Président du Conseil, fut vice-président de la Commission Giscard et présida la Convention sur l’Avenir de l’Europe mise en place après les « non » français et néerlandais. Selon lui, « il a été décidé que le document devrait être illisible. S’il est illisible, c’est qu’il n’est pas constitutionnel ; c’était là l’idée...Si vous parvenez à comprendre le texte au premier abord on risquerait des appels à référendum, parce que cela signifierait qu’il y a quelque chose de nouveau. (...)Si la CIG produit un document de ce type, n’importe quel premier ministre - celui du Royaume-Uni, par exemple - peut aller devant les Communes et dire : ’Regardez, c’est complètement illisible, c’est un traité bruxellois typique, il n’y a aucun besoin d’un référendum’ . »

Notons que les chefs d’Etat européens, qui furent nombreux à expliquer les « non » français et hollandais par le contexte national, n’ont pas davantage envisage un référendum simultané dans l’Union évitant que la question posée soit polluée par des enjeux de politique nationale. De même, ils ont refusé de s’appuyer sur l’élection du Parlement européen en 2009 pour enclencher un processus démocratique débouchant sur l’adoption d’un nouveau traité. La déclaration commune des gouvernements de l’Union, adoptée lors des célébrations du cinquantenaire du traité de Rome, a choisi au contraire « d’asseoir l’Union européenne sur des bases communes rénovées d’ici les élections au Parlement européen de 2009 ». Il leur aura donc fallu bâcler le TME en un temps record et l’adopter en deux mois à peine. Les chefs d’Etat ont renoncé de ce fait à associer des organismes comme la Confédération Européenne des Syndicats, laquelle avait pourtant mouillé sa chemise pour défendre le TCE, et qui a pris en conséquence ses distances avec ce TME élaboré sans qu’elle soit, même formellement, consultée.

Le refus de solliciter l’approbation populaire relève donc de l’idée fixe. L’idée européenne pourrait en être la victime. Car les chefs d’Etat européens ont pris un risque considérable : transformer les élections européennes de 2009 en référendum a posteriori. De nombreux électeurs pourraient alors se venger du coup de force en accordant leurs suffrages à des listes hostiles à la construction européenne, souvent hélas celles des partis nationalistes en pointe dans l’Europe entière. Le choix de contourner les peuples européens deux ans seulement après leur avoir présenté un projet de Constitution censé rapprocher l’Union européenne des citoyens aurait alors des conséquences considérables sur l’avenir politique du continent.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message