Antisémitisme. Le 5 novembre 2023, Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, et Gérard Larcher, président du Sénat, ont appelé à une « grande marche civique contre l’antisémitisme » D’après leur texte, elle serait une « marche pour la libération des otages ». Mais encore ? Ont-ils eu un mot pour le nettoyage ethnique en cours à Gaza ?
Un mot sur les crimes de guerre en série commis par l’armée israélienne et les plus de 10 000 Palestiniens tués, dont 70% de femmes et enfants ? Non, ils ont évoqué la guerre avec leurs lunettes, celles de partisans inconditionnels de l’État d’Israël qui organisent le tri entre les victimes. Réaction immédiate, Jordan Bardella, Marine Le Pen et Éric Zemmour répondent en chœur : « nous serons présents ». Reconquête, le parti de ce dernier, affrète déjà des bus. Rien d’étonnant.
La diversion est grossière mais peu étonnante de la part d’un pouvoir qui ne cesse d’utiliser la lutte contre l’antisémitisme à des fins politiciennes, inventant des antisémites là où il n’y en a pas et banalisant ceux qui le sont réellement. Depuis des semaines, des millions de personnes défilent dans la rue pour dire halte aux massacres à Gaza et appeler à la paix entre la Palestine et Israël. Réponse de « l’arc républicain » : organisons une manifestation contre l’antisémitisme (mais pas contre le racisme), sans parler du cessez-le-feu.
Puis, accusons les absents d’être antisémites. La meute éditorialiste a déjà commencé le pilonnage. « Ne pas venir, c’est soutenir le Hamas », peut-on entendre sur les plateaux, sans véritable contradiction. Ce matin, Aurore Bergé a poursuivi « LFI flatte l’antisémitisme ». Tous les procureurs médiatiques sont convoqués pour siffler la nouvelle partie. Après « Mélenchon terroriste », « Mélenchon antisémite », un replay qui revient régulièrement.
Les insoumis ont refusé net de participer à la mascarade à venir ce dimanche. Hors de question, pour eux, de marcher aux côtés des héritiers de la Waffen SS. Cela fait-il d’eux des antisémites ? Non, bien au contraire. La lutte contre l’antisémitisme et le racisme doit être prise au sérieux. Comment manifester contre ces fléaux à côté de Jordan Bardella, qui a déclaré dimanche dernier que Jean-Marie Le Pen, condamné pour antisémitisme en 1986 « n’est pas antisémite » ? La gauche d’avant, le PS, EELV, PCF et d’autres, appellent à marcher, en s’opposant à la venue de l’extrême droite. S’opposer et faire des pieds et des mains n’empêchera pas la présence des nazillons. Placer un « cordon » de séparation non plus. La seule corde que connaissent le RN et Reconquête est celle que leurs ascendants ont passé autour du cou des résistants qui combattaient le régime de Vichy et le nazisme. Notre article.
Une marche d’instrumentalisation de l’antisémitisme pour mieux légitimer le « droit d’Israël à se défendre » et conforter un nouvel « arc républicain » À Lanvollon, les partisans de Zemmour ont loué un car pour venir à la manifestation de dimanche. Leurs affiches sont déjà prêtes « Soutien à Israël », peut-on y lire. Tout comme les députés du Rassemblement national, Éric Zemmour et ses partisans ont déjà prévu de se rendre, en masse, à la manifestation de dimanche. Tous répondent présents par accord avec le texte d’appel de la présidente de l’Assemblée nationale et du Sénat. Taire le cessez-le-feu, passer sous silence le nettoyage ethnique en cours à Gaza, voilà les positions que défendent le RN et Reconquête depuis le 7 octobre.
La manifestation participe ainsi à une vaste réorganisation du champ politique : inclure dans « l’arc républicain » les hyènes. Qui mieux que Meyer Habib pour le revendiquer haut et fort, celui là même qui, il y a un mois, annonçait fièrement : « Le RN est rentré dans le camp républicain » suite à la marche du CRIF du 10 octobre. Cette même « marche »où était scandé « Israël vivra, Israël vaincra », pendant que Julien Odoul appelait à « éradiquer Gaza et la France insoumise ».
Cette même marche, où tout « l’arc républicain » s’était rassemblé : RN, Reconquête, LR, Renaissance, jusqu’à la gauche d’avant qui accoure lorsqu’on la sonne, et répond aux sifflets des réactionnaires sans voir le piège.
Hier, Meyer Habib, celui qui considère que « la haine d’Israël et du Juif est l’aphrodisiaque de toutes les masses arabes » a récidivé et annonçait clairement la feuille de route de la manifestation de dimanche : « La participation du Rassemblement national à la marche de dimanche est une bonne nouvelle pour la lutte contre l’antisémitisme […] Cette manifestation doit s’assumer pleinement, demander aussi la libération de tous les otages, affirmer le droit d’Israël à se défendre contre les terroristes djihadistes ». Le programme est donné. Il s’agit bien d’une manifestation pour « affirmer le droit d’Israël à le défendre », et c’est assumé. La marche promet une belle photo de famille.
La méthode appliquée par le pouvoir n’a rien de neuf : inventer des antisémites, les insoumis, et banaliser ceux qui le sont historiquement, l’extrême droite. Crier au loup pour finir par être dévoré. C’est ce qui attend les opportunistes, les hypocrites, ou ceux qui ne voient pas le piège qui se rendront à cette marche, en oubliant qu’elles ont pour objectif de légitimer les massacres à Gaza, par la diversion, et de banaliser encore un peu plus les héritiers d’Adolf Hitler, du RN à Reconquête.
Ceux et celles se rendant à cette marche devraient se tourner et retourner plusieurs fois la question dans leurs têtes. Comment manifester contre l’antisémitisme à l’appel d’un texte confus qui instrumentalise cette lutte au profit d’une lecture politique sur la guerre alignée sur les positions de Benjamin Netanyahou ?
Comment aussi manifester contre l’antisémitisme aux côtés des héritiers de la Waffen SS, aux côtés de son président, Jordan Bardella, qui considère que Jean-Marie Le Pen « n’était pas antisémite », lui l’homme qui considère les chambres à gaz comme un « détail de l’Histoire » ? Comment manifester aux côtés d’Éric Zemmour, lequel a affirmé sur CNEWS : « Le général Bugeaud a massacré les musulmans et même certains juifs. Et bien moi, je suis du côté du général Bugeaud » ?
Comment dénoncer l’antisémitisme à côté de ces mêmes gens qui passent le plus clair de leurs temps à stigmatiser les musulmans, à les injurier sous toutes les formes, allant même, par le texte de cet appel, à faire un lien entre les citoyens de confession musulmane et les actes antisémites ? Pourquoi opposer et diviser les citoyens en fonction de leurs confessions ? Pourquoi ne pas se battre contre l’antisémitisme et le racisme ? Les appelants de la droite et de l’extrême droite ne le font pas car passant le plus clair de leur temps à stigmatiser les citoyens de confession musulmanes, à l’instar de tous les éditorialistes agités des plateaux.
Une chose est sûre : il y a suffisamment d’antisémites, et d’actes antisémites pour avoir en inventer d’autres, de toutes pièces. Il faut les combattre d’arrache-pied, ce qu’ont toujours fait, en cohérence et clarté, les insoumis.
Lutter contre l’antisémitisme et le racisme à côté de ces réactionnaires n’est pas une option. La lutte contre l’antisémitisme et le racisme doit être pris au sérieux, être claire et implacable. La gauche d’avant, PS, PCF, EELV, appellent en cœur à participer à la manifestation de dimanche, « rejetant le RN », ou appelant à une séparation par un « cordon » d’après la dernière proposition de Marine Tondelier. Elle cède ainsi aux sifflets des réactionnaires.
S’opposer à la venue de l’extrême droite n’empêchera pas sa présence. Le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France, ndlr) a beau ne pas vouloir de la venue du RN, il sera présent. En queue ou en tête, il sera là. Délimiter les cortèges par un simple cordon n’empêchera pas la compromission. Est-ce là tout ce qui les séparent des hyènes ? Un cordon ? Là est le danger : l’union nationale, « l’arc républicain », avec les fascistes. Les mêmes dont les descendants ont collaboré à l’extermination des Juifs.
Au lieu de parader à côté des héritiers de la Waffen SS, ceux qui souhaitent vraiment lutter contre l’antisémitisme et le racisme ne devraient-ils pas prendre exemple sur les positions de la CGT et du mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples ?
Ces organisations de masse l’ont dit clairement, à l’image de la CGT : « En raison de la présence du RN, parti ostensiblement raciste et xénophobe, à la manifestation de dimanche prochain, à l’appel des présidences de l’Assemblée nationale, du CESE, et du Sénat, la CGT ne sera pas appelante ni présente ».
La lutte contre l’antisémitisme et le racisme doit se faire dans la clarté. Elle est une constance de Jean-Luc Mélenchon et des insoumis. Hier, soir, les insoumis commémoraient les pogroms de la Nuit de cristal organisé par l’association Memorial 98 et le Réseau d’actions contre l’antisémitisme et tous les racismes. Nuit pendant laquelle les nazis massacrèrent les juifs et qui préfigura la Shoah. Quiconque suit Jean-Luc Mélenchon et les insoumis connait la cohérence du combat porté contre les poisons de l’antisémitisme et du racisme.
Quiconque observe de façon attentive la tonalité des plateaux depuis un mois constatera la montée en intensité des campagnes de lapidation médiatique portées contre Jean-Luc Mélenchon est les insoumis. La machine de propagande tourne à plein régime. Mépris et calomnie contre les insoumis ne cessent pas. But de la manœuvre ? Déchaîner vents de calomnies et marées d’injures pour tenter de disqualifier l’homme du 10 avril, celui aux 22% de suffrages, et qui dérange le pouvoir et ses aides de camp.
Cette grossière campagne a eu beau s’intensifier, les Français ne sont pas dupes. La preuve, malgré un bashing permanent, le tribun insoumis reste largement en tête à gauche. Les consciences veulent la paix et se méfient des disques rayées médiatiques. LFI, ses députés et ses militants peuvent être fiers de tenir la tranchée envers et contre tout le délire médiatique et politique qui règne dans notre pays. Ils sont les premiers défenseurs de la paix et prennent au sérieux la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, et le fascisme. La mine est parfois grise, mais l’engagement reste intact.
Par Sylvain Noël, rédacteur en chef
Date | Nom | Message |