Le mouvement engagé par des centaines de policiers de Marseille pour protester contre le placement en détention provisoire d’un de leur collègue devrait alerter toute conscience républicaine. Le soutien apporté par la plus haute hiérarchie policière, par l’intermédiaire du Directeur général de la Police nationale et du préfet de Police de Paris empêche de le considérer comme un simple mouvement d’humeur de quelques policiers de terrain excédés. C’est bien un bras de fer engagé par une institution policière hors de contrôle, encouragée par la passivité du pouvoir politique à pousser son avantage. Elle est la suite logique des multiples renoncements du pouvoir à contrecarrer une démarche factieuse qui s’empare depuis plusieurs années de la police nationale.
Ce cycle s’est ouvert en 2019 quand un syndicat de police s’était cru autorisé à manifester devant le siège de la France insoumise. Puis en 2021, le slogan « Le problème de la police, c’est la justice » avait été scandé devant l’Assemblée nationale en présence du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et des figures du prétendu « arc républicain ». On mesure aujourd’hui à quel point la participation de Fabien Roussel, d’Olivier Faure ou de Yannick Jadot à ce rassemblement aux côtés d’Eric Zemmour et de Marine Le Pen était une erreur d’une très grande gravité. Mais notre alerte de l’époque, certes bien isolée dans le champ politique, n’avait conduit à aucun rappel à l’ordre. Il y’a quelques semaines, après le meurtre du jeune Nahel, le communiqué séditieux des syndicats de police Alliance et Unsa Police n’a suscité à nouveau aucune réaction du gouvernement à la hauteur de la violence de son contenu.
Face à cette spirale, la macronie a étalé à nouveau sa faiblesse et son impuissance. Car si la police n’est plus contrôlée par le pouvoir, alors c’est la police qui contrôle le pouvoir. Toute la macronie en est dépendante. Comme le dit une parlementaire macroniste dans le journal Médiapart, « s’ils décident tous demain de se mettre en arrêt maladie, on sera mal ». On mesure ici le danger d’un pouvoir politique qui ne s’appuie que sur l’appareil répressif pour faire appliquer un programme politique profondément impopulaire. Il devient son otage. Le ministre de l’Intérieur est aux abonnés absents, la Première ministre refuse de répondre aux questions et le Président de la République préfère botter en touche plutôt que de rappeler à l’ordre la hiérarchie policière. La ligne dure est encouragée. Elle ne s’arrêtera pas là. On voit déjà fleurir sur des boucles Telegram des appels à se retrouver devant le domicile du juge qui a décidé la mise en détention provisoire.
Face à ce danger, notre devoir est de ne pas céder et de tenir bon sur les principes qui fondent notre République. Les communiqués des syndicats de magistrats ou du Syndicat des Avocats de France, les prises de positions du Conseil Supérieur de la Magistrature, de la Ligue des Droits de l’Homme ou d’un magistrat qui a occupé la première place du système judiciaire comme François Molins sont des points d’appui d’une très grande importance. Mais ils doivent trouver des forces politiques réellement républicaines capables de réagir avec clarté. C’est pourquoi nous avons proposé que la NUPES réagisse rapidement et fermement par un communiqué commun.
Dans ce contexte, le refus du PCF de s’y associer et donc de faire l’union pour défendre nos libertés est totalement incompréhensible. Nous ne découvrons pas à cette occasion la volonté de Fabien Roussel de sortir de la NUPES. Il ne s’est pas privé de multiplier ces derniers mois ces attaques contre ce rassemblement qui a pourtant permis la réélection de la dizaine de députés communistes. Mais qu’il soit incapable de mettre cette logique identitaire de côté à cette occasion est très inquiétant. La décision du groupe parlementaire GDR, dans lequel siègent les élus communistes, de prendre ses distances avec la position du parti pour s’associer à une réaction commune sauve l’honneur et la fraternité des militants. Mais elle n’enlève rien à notre préoccupation. Une telle attitude montre l’incapacité jusque dans notre espace politique à se hisser à la hauteur de l’histoire.
C’est avec ce sentiment en tout cas que nous sommes ressortis de la réunion de la NUPES qui se tenait ce lundi 24 juillet. Nous y sommes venus avec les députés Aurélie Trouvé et Paul Vannier et la députée européenne Manon Aubry, avec l’espoir de nous accorder enfin sur ce que certains avaient appelé l’acte 2 de la NUPES. Nous l’avons fait sur la base de l’adresse adoptée par la France insoumise à la suite de son Assemblée représentative. Afin de faciliter les discussions, nous avons formulé notre analyse : la dérive autoritaire du régime macroniste et le mouvement de reconfiguration de la droite autour de son versant le plus extrême nécessitent de franchir une nouvelle étape de riposte par une union renforcée. Et nous avons rappelé les différentes propositions mises sur la table depuis les dernières élections législatives.
D’abord, nous avions proposé que le parlement de la NUPES mis en place pendant la campagne puisse se pérenniser et s’élargir. Cela nous parait essentiel pour permettre à notre rassemblement de poser les bases d’un nouveau Front Populaire. Malgré l’opposition du PCF, ce Parlement s’est réuni une première fois à l’automne 2022. Depuis, l’ensemble de nos tentatives pour le réunir à nouveau, même sous une forme nouvelle, se sont heurtées à l’opposition du PCF et de la nouvelle direction d’EELV.
Nous avions également souhaité que la NUPES ne se réduise pas à un accord au sommet mais qu’elle puisse se décliner partout dans le pays. C’est à cette condition qu’elle pourra jouer son rôle dans la bataille culturelle pour crédibiliser nos propositions et contrer l’impuissance et la résignation que cherche à semer l’appareil de l’idéologie dominante. Mais, malgré nos multiples demandes, il n’a jamais été possible d’acter nationalement un tel principe. Dès lors, ceci est laissé au libre choix des groupes locaux, ce qui empêche tout mouvement national et tout processus de type « adhésion directe » comme cela est pourtant souhaité par des dizaines de milliers de gens à travers le pays.
Nous avions proposé que la NUPES puisse préparer ensemble les élections sénatoriales afin de permettre la progression de notre coalition au Sénat. Mais il n’a jamais été possible de tenir une seule réunion commune sur ce sujet. A la place, PCF, EELV et PS ont multiplié les échanges en bannissant tout simplement la France insoumise des discussions. Ils ont finalement conclu un accord très partiel, excluant la France insoumise et qui fait craindre un recul du nombre d’élus de la NUPES au Sénat. Pour justifier cette décision, nos partenaires ont objecté, avec élégance, de notre faible potentiel électoral à cette élection. Heureusement que la France insoumise n’a pas appliqué cette même logique lors des dernières élections législatives où les perspectives électorales de nos partenaires n’étaient pas brillantes.
Enfin, nous avons dit à plusieurs reprises qu’il nous semblait inconcevable de partir divisés lors des prochaines élections européennes. Comment peut-on tirer un constat si alarmant sur l’état du pays et, en même temps, offrir à nos adversaires une telle opportunité pour nous battre à la prochaine élection nationale ? Certains argumentent sur le fait que partir divisés pourrait permettre de gagner un ou deux sièges en plus. Mais que valent un ou deux sièges hypothétiques de plus face à l’opportunité de battre les listes de Macron et Le Pen et de donner un immense souffle d’espoir au pays ?
Soyons honnêtes : ces multiples refus nous alertent sur la volonté sincère de nos partenaires de poursuivre la NUPES. Mais parce que nous pensons que la situation du pays ne nous donne pas le droit d’échouer, nous ne renonçons pas à convaincre, y compris de la nécessité d’une liste commune aux élections européennes. Si nous déplorons la décision du PCF et d’EELV d’avoir confirmé une démarche solitaire en choisissant leurs têtes de liste, l’union et la liste commune restent à nos yeux possibles. Rien ne nous empêche d’engager le plus vite possible une démarche programmatique commune, à l’image de ce qu’ont décidé de faire ensemble nos organisations de jeunesse. Quant à la tête de liste, nous avons répété que nous sommes prêts à ce que les écologistes mènent la liste commune, par exemple avec Marie Toussaint puisque c’est le choix qui a était fait par les membres d’EELV. Pourquoi EELV ? Parce que c’est la liste arrivée en tête aux dernières européennes ! Les autres composantes NUPES devraient pouvoir l’admettre.
Parce que nous sommes conscients de la situation de blocage dans laquelle se retrouve la NUPES aujourd’hui, nous avons dit aussi notre souhait de pouvoir débattre de ces différents sujets avec les militants et les sympathisants de nos différentes formations. Comme l’a dit Olivier Faure dans une interview récente, la NUPES n’appartient à personne d’autre qu’à ses électrices et à ses électeurs. Permettons-leur de s’inscrire dans ce débat. Cela pourrait commencer par des débats ouverts sur le sujet dans chacune des universités d’été des forces de la NUPES. C’est en tout cas la proposition que nous avons faite. Mais là encore, elle n’a pas reçu pour l’instant d’accord de nos partenaires.
Enfin, nous sommes convaincus que le succès de la NUPES dépend aussi de sa capacité à ne pas être une simple coalition électorale momentanée. Elle doit être surtout active au cœur des mobilisations sociales, écologiques et démocratiques. A ce titre, nous avons dit à quel point il nous semble indispensable que la NUPES s’engage dans la dynamique collective de près de 100 organisations qui s’est mise en place il y a quelques semaines suite aux révoltes populaires. Nous pourrions ainsi construire avec les associations, les syndicats, les ONGs et les collectifs qui s’y retrouvent des initiatives dès la rentrée contre le racisme et les violences policières. Car ce travail commun reste la forme la plus importante de l’Union populaire.
Voilà les propositions que nous avons formulées. Je les livre ici en toute transparence. Car il ne serait pas compréhensible que des échanges si importants pour l’avenir du pays se tiennent dans l’opacité. Ni, qu’ils soient réduits à quelques commentaires « en off » livrés au bon soin d’une presse incapable de présenter nos débats stratégiques autrement que sous la forme de conflits de personnes. Or, ce n’est pas ce dont il est question ici. Seule compte l’idée que nous nous faisons de la manière avec laquelle nous pouvons porter le programme de la NUPES au pouvoir. Le niveau de maltraitance sociale de notre peuple augmente sans pause, d’une vague d’inflation à l’autre, d’une remise en cause d’acquis sociaux à une autre. Personne ne doit sous-estimer notre attachement à la cause du peuple. Elle commande notre action et nos choix avant toute autre considération. Nous avons fait un long chemin dans ce sens depuis dix ans. À présent des dangers immenses se dressent devant la démocratie sociale et politique du pays. C’est à eux que nous voulons répondre avant tout. Et nous le ferons, quelles que soient les circonstances.
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