EN URUGUAY Ici "l’idéal républicain reste une culture de base des élites intellectuelles"

dimanche 4 novembre 2007.
 

LE PRESIDENT CITOYEN

Je suis à Montévidéo. « La capitale de l’Uruguay, écrit Clémenceau, est peut-être plus française d’esprit qu’aucune autre ville sud-américaine, a tout juste assez de charme exotique pour aviver notre plaisir de trouver des sentiments français en des cœurs étrangers ». Drôle de phrase. Montevideo, la ville la plus française d’Amérique latine ? Je ne sais pas de quoi il parlait. Pas des paysages. Sûrement de politique...

Ici la loi de séparation de l’église et de l’Etat, l’école publique laïque et obligatoire ont été établies avant que ce soit le cas chez nous. Le droit de vote pour les femmes comme le divorce datent du début du vingtiéme siécle. Et l’idéal républicain reste une culture de base des élites intellectuelles. Jusqu’à une date récente, tout comme chez nous, c’était tout bonnement une référence pour la société toute entière, avec la part de mythe que ce genre de situation comporte bien sûr, mais aussi avec l’allant, le vocabulaire commun et le pouvoir d’injonction que cela peut diffuser dans tous les compartiments de la culture politique et sociale d’un pays.

Il y a ici de beaux restes républicains. Notamment, depuis toujours, une simplicité dans les apparences du pouvoir et le comportement de ceux qui l’exercent. Par exemple chez Tabarré Vasquez, le président de l’Uruguay. Il est cancérologue. Et il le reste. Chaque semaine il retourne faire son métier à l’hôpital. Cette simplicité du président citoyen a un profond ancrage dans l’histoire de ce pays. Je trouve l’équivalent dans le carnet de voyage de Clémenceau. Celui-ci croise en effet dans la rue le président de l’époque, monsieur Williman, « très entouré, reconnaissable à son chapeau haut de forme ». Alors Clémenceau raconte : « M. Williman est un compatriote, fils de français, d’origine alsacienne. » Puis il écrit cette phrase qui finit de nouveau si curieusement : « Professeur de physique avant son élection, il n’a pas cru que les devoirs politiques dussent mettre fin à sa mission d’enseignement, et, deux fois par semaine, il va régulièrement faire son cours à l’école supérieure où il redevient pour un temps l’heureux maitre d’une jeunesse impuissante encore à développer ses moyens de contradiction ».

Mai 68 n’avait pourtant pas encore eu lieu... Le président de la république est un homme qui est respecté pour ses qualités humaines et cette simplicité. Elle ne l’empêchent pas d’être l’homme de la mise en cohérence quasi quotidienne du tumultueux "Frente Amplio" , front qui depuis trente ans et en dépit des année terribles de la dictature réunit tous les partis et les personnalités de gauche du pays, sans exclusive. Y participe même le groupuscule Démocrate Chrétien qui, bien sûr, quitte le front chaque fois que ça va mal pour la gauche et revient ensuite pour picorer sa part, sans que personne ne s’émeuve du courant d’air que cela provoque.

LA "MODERNITE" DU LIBERALISME A FRAPPE l’URUGUAY

On comprend de quel archaïsme génétique souffrait ce pays. Les militaires y ont mis bon ordre. Quelques meurtres spécialement barbares de deux cent personnes et la torture de vingt cinq mille autres ont créé l’ambiance de travail nécessaire. Puis une longue cure de dégraissage de l’Etat et plusieurs bains de jouvence de concurrence libre et non faussée, ont tout modernisé. Un pays qui n’était même pas capable d’avoir des pauvres en comptait alors enfin un million trois cent mille sur une population de trois millions de personnes et notamment 57 % des enfants.

La modernisation a été trés très énérgique vraiment ! C’est ainsi que l’industrie locale et la plupart des activités productives de biens manufacturés ont été assez largement rayées de la carte. Inconvénient regrettable : des dizaines de batiments vides dans la capitale, l’émigration massive des citadins ouvriers et employés vers la périphérie de la ville ou le nombre des bidonvilles a été multiplié par dix en moins de dix ans. Tout aussi déplorable pour l’avenir, l’immigration des jeunes gens les plus formés hors du pays. Mais la modernité se voit.

Il est remarquable et encourageant qu’une ville où il n’y avait aucune grille aux fenêtres en a de plus en plus. Certes il n’y a pas beaucoup de caméras de surveillance. Mais la droite le dénonce assez vigoureusement avec l’aide de la presse indépendante et éthique qui s’interresse d’une façon courageuse et innovante à la relation détaillée des actes de délinquance dont la multiplication laisse bien comprendre la responsabilité du gouvernement et le laxisme soixante huitard d’une certaine gauche. On peut donc espérer voir tout ça s’améliorer très vite.

Ce pays a été assez robuste pour anéantir son industrie textile, une bonne partie de sa chimie et nombre d’autres activités grossières de ce type. Brisant tous les tabous habituels, il a même supprimé les chemins de fer, ce que personne n’avait osé faire nulle part ailleurs dans le monde. Il est bien dommage que l’énorme gare centrale reste vide en plein centre ville. n’est-il pas très surprenant qu’une opération immobilière très, hum, hum, comment dire, peu importe, se soit éffondrée laissant tout le quartier en plan ? On se console en contemplant la seule chose qui ait été réalisée : une tour construite sur un terrain vague dans le style d’une turgescence obscène .

On doit surtout retenir l’idée tellement moderne de supprimer les chemins de fer. Cela complétait assez joliment un tableau qui serait peut-être resté banal sans cela. En effet quoi de neuf sinon ? Même pas l’autorisation de créer des universités privées grace au dernier décret pris par les militaires avant d’être écartés du pouvoir. Pas original, vraiment : Pinochet a fait pareil avant de partir ! Cette énergie créatrice a eu des résultats formidables sur ce petit pays jusque là vautré dans le conformisme à prétention égalitaire. D’impétueuses activités de service de pointe se sont dévellopées telle que la banque, les placements off-shore argentins, le lavage de l’argent sale brésilien, l’importation de produits suffocant la production locale désuète, et toutes les merveilles qui caractérisent une économie souple, flexible et ouverte.

Parallélement se sont aussitôt épanouies d’autres activités de services de base dont personne n’avait eu l’idée jusque là. Telles que, par exemple, livreurs de pizzas, porteurs de sacs, promeneurs de chiens, manucure de rue, ramasseurs d’ordures, trieur de boites de conserve vides, conducteurs de charette à cheval pour déménager les déchets, gardien de place de parking. Bien sur, ceux qui le voulaient ont pu travailler davantage pour gagner plus. Comme d’habitude, certains ne voulaient rien faire. Il va de soi qu’on les a responsabilisés à mort en leur refusant le confort de l’assistanat. Mais, comme dirait Bill Clinton, rien n’empêche tous ceux qui le veulent de "donner" pour changer le monde. Un doyen de faculté m’a raconté qu’avec son épouse et ses enfants ils préparaient le soir pour le lendemain des petits paquets de farine, de pois et de lentilles qu’ils distribuaient aux personnes qui venaient jusqu’à cinq fois par jour mendier à leur porte pour avoir de la nourriture.

Tout avançait donc, vaille que vaille, avec courage, chacun à sa place et tachant de faire pour le mieux jusqu’à ce que .....patatras ! Malheureusement en effet, en 2002, l’intense connexion du système bancaire à la planète financière bienfaisante et oxygénante a permis une contagion incommodante en Uruguay des conséquences de la crise Argentine. Celle-ci venait après celle du Brésil et celle qui est résultée de la catastrophe sanitaire de la fièvre aphteuse rendant le bétail invendable. Aussitôt les riches ont été magnifiques de sang froid pour défendre le droit fondamental à la propriété privée, la leur evidemment. Ils ont sortis du pays un montant de milliards supérieur au total de la dette nationale. Le système bancaire s’est effondré, notemment parce que certains banquiers sont partis avec la caisse à la faveur du chaos qui a tout emporté. Le pays a connu une baisse du PIB de 13 % en un an et le chomage s’est envolé à 19% de la population active. Aussi lamentablement, le système des deux anciens partis plus que centaire s’est écroulé avec le reste de ce petit paradis de la concurrence libre et non faussée.

L’ARCHAISME

Les gens s’entêtant à vouloir manger, se vétir et se soigner alors qu’ils n’en avaient pas les moyens, un gouvernement démagogique de gauche a été installé à la faveur d’une victoire éléctorale compulsive sans précédent dans l’histoire politique du pays. Depuis cette date commence une histoire lamentable bien connue. Les salaires ont été augmenté, l’impôt sur le revenu a été créé et la tva baissée, une couverture maladie universelle a été mise en place, des allocations familiales au pro rata du nombre d’enfants instaurées, et la protection médicale des travailleurs étendue à leurs enfants.

Non content de toutes ces folies quasi bolchéviques, le gouvernement a créé une école pour former les fonctionnaires de l’Etat, très mauvais signal donné aux marché. Puis il a mis au pas le système de perception des impots avec une telle violence que les entreprises ont été obligées (on croit rêver !) de payer leurs impôts et même les arriérés. Les finances publiques ont pu ainsi se donner l’illusion d’un confort ouvrant sur toutes les démagogies. Comme la croissance est repartie à la hausse avec près de 7 points annuels, et que les prêts du FMI ont été remboursés en 2006 les démagogues en ont profité pour décréter l’école obligatoire et gratuite à partir de l’âge de trois ans. Sous prétexte que le chômage est retombé à 8% de la population active et que les caisses sont pleines, le gouvernement a mis la touche finale à cette orgie en créant un RMI local. Et pourquoi pas les 35 heures pendant qu’ils y sont ? C’est déjà tellement daté d’avoir voté une loi protégeant les délégués syndicaux du licenciement ! Le résultat n’a pas trainé : la centrale syndicale des travailleurs a vu le nombre de ses adhérents multiplié par six et atteindre les 350 000 adhérents qui aujourd’hui gachent l’esprit d’entreprise.

Ici commence l’enfer socialiste. Le président Tabarré Vasquez est en effet sournoisement membre du parti socialiste local, un ramassis d’irresponsables qui refusent de se dire sociaux démocrates, d’insulter Chavez et même Castro. Vais je devenir Uruguayen ? Ca me tente.


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