Nicolas Sarkozy est condamné en appel pour corruption dans l’affaire Bismuth

mercredi 24 mai 2023.
 

Pour la première fois dans l’histoire de la République, un ancien chef de l’État a été reconnu coupable en appel dans une affaire de corruption. Nicolas Sarkozy a été condamné, mercredi 17 mai, par la cour d’appel de Paris, à trois ans de prison, dont un ferme sous bracelet électronique à domicile.

Pour la première fois dans l’histoire politique et judiciaire française, un ancien chef de l’État vient de voir sa culpabilité pour des faits de corruption et de trafic d’influence confirmée par une cour d’appel. Ce mercredi 17 mai, Nicolas Sarkozy a été reconnu coupable de ces deux délits, théoriquement passibles de dix ans de prison, dans l’affaire dite « Paul Bismuth ». Au terme de cinq mois de délibéré, la cour d’appel de Paris l’a condamné à une peine de trois ans de prison, dont un ferme avec détention à domicile sous bracelet électronique. La peine est assortie de trois ans de privation des droits civils et civiques.

Cette condamnation deviendra définitive, sauf cassation. À l’énoncé de la décision, Nicolas Sarkozy faisait des petits « non » de la tête en fixant la cour. Selon la présidente de chambre Sophie Clément, les délits qui lui sont reprochés sont « d’autant plus graves qu’ils ont été commis par un ancien président de la République, garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ».

Également rejugé aux côtés de l’ex-président de la République, son avocat et ami Me Thierry Herzog a écopé de la même peine que Nicolas Sarkozy, avec trois ans d’interdiction d’exercer son métier. Il semblait sonné par cette décision. Quant à l’ancien haut magistrat Gilbert Azibert, il a été condamné, lui aussi, à une peine de trois ans de prison, dont un ferme, avec trois ans de privation des droits civils et civiques.

Les trois condamnés ont d’ores et déjà annoncé leur décision de se pourvoir en cassation.

Le 13 décembre dernier, après avoir décrit une « affaire d’une gravité sans précédent au cours de la Ve République », l’avocat général n’avait réclamé que des peines assez modestes contre les trois prévenus : trois ans de prison avec sursis pour chacun, assortis de cinq ans d’interdiction d’exercer contre Me Herzog et cinq ans de privation des droits civiques pour Nicolas Sarkozy et Gilbert Azibert.

Nicolas Sarkozy avait protesté avec fougue de son innocence. « Je ne m’excuserai pas pour un délit que je n’ai pas commis. Je me battrai jusqu’au bout parce que je suis innocent ! », avait notamment déclaré l’ancien chef de l’État à la clôture de son procès en appel. « Il vous faudra du courage, pour me juger non pas sur ce que je fus comme homme politique, mais sur ce que j’ai fait », avait-il encore lancé à ses juges, les yeux dans les yeux, en leur demandant une relaxe.

En première instance, en décembre 2020, le Parquet national financier avait requis des peines de quatre ans de prison, dont deux ans ferme, contre Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog et Gilbert Azibert. En mars 2021, le tribunal correctionnel les avait condamnés à trois ans de prison, dont un an ferme, soit une peine de prison ferme aménageable et devant être purgée à domicile sous surveillance électronique.

La cour d’appel de Paris a donc jugé elle aussi que Nicolas Sarkozy s’était, en 2014, rendu coupable d’avoir utilisé son avocat et ami Thierry Herzog, mais également le haut magistrat Gilbert Azibert, afin d’obtenir illégalement des informations sur des enquêtes judiciaires en cours et d’avoir, en contrepartie, promis d’appuyer la candidature du même Azibert à un poste au Conseil d’État de Monaco.

À l’époque, Gilbert Azibert les informe, d’une part, de l’évolution de la procédure Bettencourt, dans laquelle Nicolas Sarkozy avait obtenu un non-lieu et réclamait – par un pourvoi en cassation – la restitution de ses agendas en invoquant l’immunité présidentielle. Mais le magistrat leur apprend d’autre part le vif intérêt de la commission d’instruction de la Cour de justice de la République pour l’exploitation du contenu de ses précieux agendas dans la procédure visant Christine Lagarde dans l’affaire de l’arbitrage Tapie.

Selon les écoutes téléphoniques, dont des extraits ont été diffusés par la cour d’appel de Paris lors des débats, Gilbert Azibert se propose non seulement de se renseigner sur les chances de succès du pourvoi mais aussi d’intervenir discrètement auprès de quelques collègues de la Cour de cassation, pour se rendre agréable à Thierry Herzog et à Nicolas Sarkozy.

« La preuve du pacte de corruption ressort d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants résultant des liens très étroits d’amitié noués entre les protagonistes, des relations d’affaires renforçant ces liens, M. Thierry Herzog étant l’avocat de M. Nicolas Sarkozy, des intérêts communs tendant vers un même but, celui d’obtenir une décision favorable aux intérêts de M. Nicolas Sarkozy, et des écoutes téléphoniques démontrant les actes accomplis et la contrepartie proposée », avait notamment jugé le tribunal correctionnel.

Le prédécesseur de Nicolas Sarkozy à l’Élysée avait été sanctionné par la justice, mais pour des faits moins graves pénalement. Le 15 décembre 2011, Jacques Chirac avait été condamné à deux ans de prison avec sursis dans l’affaire dite des emplois fictifs de la mairie de Paris.

À 79 ans, l’ancien président de la République était reconnu coupable d’abus de confiance, de détournements de fonds publics et de prise illégale d’intérêts, pour avoir fait supporter par les contribuables parisiens les salaires de plusieurs chargés de mission qui travaillaient soit au siège du RPR, soit pour le candidat gaulliste à l’élection présidentielle. Il n’avait pas fait appel de sa condamnation.

Plus fourni, le parcours judiciaire de Nicolas Sarkozy est loin d’être achevé. Il a été condamné à un an de prison ferme dans l’affaire Bygmalion, pour des faits de financement illégal de campagne électorale, en septembre 2021. Il a fait appel de cette condamnation.

L’ex-président de la République est en outre mis en examen pour « association de malfaiteurs » et « corruption » dans le scandale des financements libyens, un dossier dans lequel le Parquet national financier vient de requérir son renvoi en correctionnelle. Enfin, le nom de Nicolas Sarkozy est cité avec insistance dans l’affaire du « Qatargate » et du rachat du PSG, ainsi que dans l’affaire Mimi Marchand.

Michel Deléan


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