Grenoble attaque l’État français pour « son inaction » face à la pollution de l’air

dimanche 5 mars 2023.
 

À l’occasion d’une conférence de presse à l’hôtel de ville de Grenoble ce jeudi 23 février, la municipalité a annoncé déposer un recours auprès du tribunal administratif de la ville contre l’État. En ligne de mire : le troisième Plan de protection de l’atmosphère adopté l’année dernière.

« L’État« L’État est responsable de la santé et du bien-être de sa population. Il a le devoir de la protéger. » La municipalité de Grenoble a annoncé, ce jeudi 23 février, « attaquer l’État pour son inaction ». Cette inaction concerne le troisième plan de protection de l’atmosphère (PPA) national adopté par la préfecture de l’Isère en décembre 2022 mais refusé par la municipalité grenobloise. Elle demande notamment son « annulation et sa réécriture ».

Incorporé dans le Code de l’environnement, le PPA consiste à diminuer les émissions de polluants atmosphériques, notamment les particules fines, et est obligatoire dans les villes de plus de 250 000 habitant·es. Ce plan décentralisé passe le flambeau de la régulation des émissions aux localités, ici la Dreal (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) de l’Isère. Dans le département, il concerne 297 communes et 850 000 habitant·es.

Ce plan vise à « ramener la concentration en polluants dans l’atmosphère au niveau conforme aux normes de qualité de l’air ». Le PPA concerne notamment « la réduction de 50 % des émissions de particules fines PM2.5 » issus des chauffages au bois, « l’augmentation des fréquences des contrôles des émissions des installations, des véhicules », et la possibilité pour les autorités locales de « réduire ou suspendre des activités polluantes » ou limiter la circulation des voitures (ici et là).

Pour Pierre-André Juven, adjoint à la santé de la municipalité, le PPA adopté par la préfecture ressemble « au geste d’un mauvais élève qui refuse de revoir sa copie ».

Déjà en mars 2022, la majorité de la ville de Grenoble avait accusé ce plan de ne présenter que des « demi-mesures » (voir vidéo à partir de 2 h 36 mn 06 s) et avait rendu « un avis défavorable » sur le plan de protection de l’atmosphère élaboré par le préfet de l’Isère.

40 000 morts par an

Il faut dire que Grenoble est particulièrement touchée par la pollution atmosphérique, malgré la mobilisation affichée de la ville dans la lutte contre la pollution de l’air, sous l’égide d’Éric Piolle (Europe-Écologie Les Verts) à la tête de la municipalité depuis 2014.

Dans son rapport 2021, l’Atmo, l’observatoire de la qualité de l’air en Auvergne-Rhône-Alpes, alerte que la population du département de l’Isère « est concernée par un risque sanitaire en PM2.5 [particules fines – ndlr], tandis que 62 % l’est pour le NO2 [dioxyde d’azote – ndlr]. » Des types de particules et composés chimiques reconnus comme augmentant les risques de cancers du poumon.

Santé publique France indique quant à lui que la pollution de l’air ambiant aux particules fines occasionnerait 40 000 décès par an en France. Plus localement, l’agglomération recense « plus d’un décès prématuré par jour » lié au dioxyde d’azote et aux particules fines.

Le Réseau Action Climat et Unicef ont démontré en 2021 que les enfants les plus pauvres étaient « les plus vulnérables à la pollution de l’air ». Un constat que fait la ville de Grenoble : « Les zones en proximité routière sont particulièrement exposées à la pollution de l’air. » L’association Respire avait notamment noté qu’entre 2015 et 2019, 8 000 établissements scolaires en région Auvergne-Rhône-Alpes « dépassaient les recommandations de l’OMS en matière de pollution aux particules fines et [dioxyde d’azote] ».

Dans son plan municipal de santé de 2016-2020, la Ville établit d’ailleurs que les quartiers prioritaires sont les plus concernés par le remboursement des antidiabétiques oraux. « Aujourd’hui, il y a une inégalité très forte face aux expositions toxiques », déplore Pierre-André Juven.

En 2020, la Commission européenne avait mis en demeure la France pour dépassement des valeurs limites de concentrations du dioxyde d’azote dans l’air. Ce PPA qui en est à sa troisième édition n’est « pas pris au sérieux », selon l’adjoint à la santé de Grenoble. « Entre le deuxième plan et le troisième, seuls 1,9 % du dioxyde d’azote et 3 % des particules fines ont été réduits dans la région. Pourtant, l’OMS appelle à diviser par quatre ces émissions. On est loin du compte. »

Dans son dossier de presse, la Ville souhaite donc que les engagements pris par la préfecture soient revus « à la hausse » afin de « mieux protéger les Grenoblois·es de l’exposition aux particules fines ». La municipalité considère notamment ne pas avoir été écoutée lors des réunions de travail, enquête publique et délibération qui ont eu lieu en 2022.

L’adjoint à la santé appuie que « des erreurs techniques » rendent « insincère » le plan de protection de l’atmosphère adopté par la préfecture de l’Isère.

Pour Pierre-André Juven, ce recours juridique est surtout une manière de « forcer l’État à prendre soin de la population comme le garantit la décision du Conseil d’État de septembre 2022 de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».

Jade Bourgery


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