En 2022, TotalEnergies a investi massivement dans le chaos climatique

dimanche 8 janvier 2023.
 

À rebours de la communication de TotalEnergies, qui affirme réaliser sa transition écologique, Mediapart a dénombré que le groupe avait, rien qu’en 2022, acté, lancé ou étendu une vingtaine de nouveaux projets ayant trait à l’extraction d’énergies fossiles.

Le 11 novembre dernier, Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies, s’est rendu à la CO27 de Charm el-Cheikh (Égypte) défendre l’action de l’industrie pétrolière face aux dérèglements climatiques.

Le patron de la compagnie fossile française y a alors affirmé : « Notre monde vit d’énergies fossiles. Croire qu’on va changer le système en une nuit, ça ne marche pas. Donc, il faut prendre le temps de s’organiser et il faut que des acteurs, comme nous, s’engagent à construire ce système décarboné. »

Dès l’assemblée générale de TotalEnergies de mai 2021, Patrick Pouyanné avait assuré vouloir transformer le groupe en « une major de l’énergie verte » pour faire face à « la révolution énergétique en cours ». Pour traduire cette ambition, l’entreprise Total a changé son nom en TotalEnergies, puis, en mars 2022, a élaboré un plan climat qui vise la neutralité carbone d’ici à 2050.

Mais le pétrolier tricolore déploie une tout autre politique énergétique sur le terrain. Rien que pour l’année 2022, Mediapart a comptabilisé vingt nouveaux projets, découvertes de réserves ou contrats ayant trait à l’extraction d’énergies fossiles.

Cette expansion pétrolière et gazière de TotalEnergies est à rebours des recommandations scientifiques et de celles des Nations unies qui exhortent que, pour maintenir le réchauffement global à + 1,5 °C, la production mondiale de pétrole et de gaz devrait diminuer respectivement de 4 % et 3 % par an d’ici à 2030.

L’Agence internationale de l’énergie préconise quant à elle depuis mai 2021 l’arrêt immédiat du développement ou de l’extension de tout nouveau projet pétro-gazier afin de contenir le changement climatique.

Forages en pagaille

Durant cette année 2022, TotalEnergies a lancé a minima neuf nouveaux projets de production d’hydrocarbures.

En mai, TotalEnergies a démarré la première phase du développement du vaste champ pétrolier de Mero, situé à 150 kilomètres au large de Rio de Janeiro (Brésil). « Ce démarrage permettra d’augmenter la production de TotalEnergies dans le bassin pré-salifère de Santos, une zone de croissance clé pour la compagnie […], de 120 000 barils par jour à fin 2022 », s’est alors réjoui Patrick Pouyanné.

Le groupe a aussi en 2022 approuvé le développement du champ pétrolier de Ballymore, à 120 kilomètres des côtes de la Louisiane (États-Unis) ou encore, signé avec la compagnie QatarEnergy un accord pour ériger au Qatar le plus grand projet de gaz naturel liquéfié au monde.

C’est toutefois sur les ressources fossiles du continent africain que TotalEnergies a essentiellement jeté son dévolu. Dès le 1er février 2022, le groupe a annoncé sa décision finale d’investissement pour le forage de 400 puits de pétrole en Ouganda ainsi que la construction de l’East African Crude Oil Pipeline (EACOP) – le plus grand oléoduc chauffé au monde, long de 1 440 kilomètres – pour acheminer l’or noir jusqu’aux côtes tanzaniennes. Le projet devrait entrer en production dès 2025.

Puis en juillet, l’industriel a finalisé l’investissement pour développer en Angola cinq puits pétroliers d’ici à 2024 et deux projets de production de gaz fossile. Idem au Nigeria où TotalEnergies a annoncé le même mois le démarrage de la production du champ pétrolier d’Ikike.

Résultat : TotalEnergies est actuellement le premier développeur de pétrole et de gaz en Afrique, alors que le continent, responsable de moins de 4 % des émissions mondiales, subit déjà de plein fouet les conséquences des dérèglements climatiques.

Champion fossile de l’année 2022

Mediapart a par ailleurs inventorié huit annonces de découverte et d’exploration de nouveaux gisements de pétrogaziers de la part de TotalEnergies, traduisant la volonté farouche de la compagnie de perpétuer sa production d’énergies fossiles.

Le groupe a ainsi réalisé en 2022 des découvertes significatives d’hydrocarbures au large de la Namibie, de Chypre, du Brésil ou du Suriname. En mars 2022, la multinationale a obtenu du gouvernement sud-africain l’autorisation d’effectuer des études de prospection pendant quatre mois au large du pays. Puis, en juillet, TotalEnergies a déposé un rapport d’impact environnemental en vue de forer jusqu’à cinq puits d’exploration dans les eaux profondes sud-africaines.

Enfin, Mediapart a dénombré trois accords internationaux aux États-Unis, en Corée du Sud et en Algérie pour étendre les capacités de production ou d’importation de gaz fossile du groupe.

Une entreprise privée envisage de faire capoter l’Accord de Paris ratifié par la quasi-totalité des États du monde.

Le collectif de chercheurs et chercheuses toulousain·es Atécopol Au total, si l’intégralité du pétrole et du gaz des projets dans lesquels TotalEnergies a investi en 2022 est brûlée, cela représenterait au minimum 500 millions de tonnes de CO2 largués dans l’atmosphère. Soit 1,25 fois plus que les émissions annuelles de gaz à effet de serre de la France.

« Dans son plan climat de 2022, l’entreprise annonce et justifie poursuivre l’ouverture de nouveaux gisements fossiles. Les émissions liées au pétrole et le gaz qui en seront extraits signifient ni plus ni moins de faire une croix sur l’Accord de Paris, a souligné le 15 décembre dernier le collectif de chercheurs et chercheuses toulousain·es Atécopol (Atelier d’écologie politique). Une entreprise privée annonce ainsi qu’elle envisage de faire capoter un accord international ratifié par la quasi-totalité des États du monde en mettant en jeu rien moins que l’habitabilité de la planète. »

Pour l’année 2022, TotalEnergie est le champion mondial de l’approbation de nouveaux projets d’extraction de pétrole et de gaz, bien loin devant d’autres géants industriels comme Shell ou ExxonMobil. Et à l’horizon 2030, le groupe français produira deux fois plus d’énergies fossiles que ce que recommande le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations unies (GIEC).

Mais qu’on se rassure. À la COP27 de Charm el-Cheikh, Patrick Pouyanné a tenu à souligner : « On sait bien que les énergies fossiles font partie des problèmes. Je crois fondamentalement qu’on fait partie des solutions. »

Mickaël Correia


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