« Il nous reste la colère » : le film sur la lutte de Poutou et de ses camarades contre la fermeture de l’usine Ford de Blanquefort

lundi 19 décembre 2022.
 

Jamila Jendari et Nicolas Beirnaert ont suivi pendant 4 ans Philippe Poutou et ses camarades dans leur lutte contre la fermeture de leur usine Ford de Blanquefort. Ils en ont tiré un film « Il nous reste la colère » sorti ce mercredi 7 décembre 2022 au cinéma. Une lutte qui aura duré 13 ans, idéal type des ravages du capitalisme financiarisé et de l’inutilité de Bruno Le Maire face au grand capital. Un film qui interroge sur la folie de notre « modèle » économique : des travailleuses et des travailleurs qui veulent continuer à travailler, un repreneur, Punch Powerglide, prêt à reprendre l’usine, un ministre de l’Économie en soutien au projet, mais une multinationale toute puissante qui fermera quand même l’usine.

Un film qui affronte la réalité du pays : sa désindustrialisation, ses délocalisations, l’effondrement du syndicalisme, le rapport de force du capital sur le travail, du capital sur l’État, mais aussi la force de la lutte. Un film qui rend visible les invisibles d’en bas. Un film qui rend visible la folie du capitalisme financier. Notre article.

Il nous reste la colère. La rage du peuple. Celle des Gilets Jaunes, des ouvriers, des exploités, des oubliés, des invisibles, des abandonnés. De celles et ceux qu’on ne voit jamais dans les médias, qu’on ne montre jamais. Des travailleuses et des travailleurs qui se battent pour pouvoir continuer à travailler. Pour que leur usine ne ferme pas. Des citoyens devenus invisibles.

Les personnages du film, vous ne les voyez jamais à la télé. Ni ceux d’en bas, les ouvrières et les ouvriers Ford de Blanquefort, ni ceux d’en haut, les actionnaires de Ford.

Nous vivons dans un monde d’invisibles, les invisibles d’en bas, et les invisibles d’en haut (lire notre série sur les assistés d’en haut qui détruisent les humains et la planète, mais que vous ne voyez jamais). Une poignée de personnes prennent la lumière, occupent les plateaux télés, et l’immense majorité est invisible.

Le film de Jamila Jendari et Nicolas Beirnaert a le mérité de montrer ce qu’on ne vous montre jamais, la réalité du pays : sa désindustrialisation, ses délocalisations, l’effondrement du syndicalisme, le rapport de force du capital sur le travail, du capital sur l’État.

Pendant les manifestations contre la loi Travail, Jamila Jendari, gréviste, descend dans la rue. Avec sa caméra. Elle va immortaliser une lutte historique contre la destruction du droit du travail. Le serviteur du capital à l’origine de cette loi, s’est fait élire par le peuple de gauche. Il s’appelle François Hollande. Il va enfanter un certain Emmanuel Macron. À travers la loi El Khomri, l’ancien banquier de Rothschild va commencer son entreprise de démolition du travail au service du capital.

Dans le cortège, Jamila Jendari observe deux choses. Une répression plus forte, les prémices du maintien de l’ordre sauce Castaner et Lallement, des mains arrachées et des yeux crevés des Gilets Jaunes. Cette stratégie de maintient de l’ordre est née sous un gouvernement de « gauche », grâce à un certain Manuel Valls. Elle observe une deuxième chose : la méfiance vis-à-vis des organisations syndicales, là aussi prémisse de ce qui se passera pendant les Gilets Jaunes.

Avec Nicolas Beirnart, ils vont croiser dans le cortège les syndicaliste de l’usine Ford de Blanquefort. Ils vont suivre Philippe Poutou, Gilles Lambersend, Vincent Alauze, Patricia Laujac, Thierry Jeans, Jérôme Coutelle et leurs camarades de lutte pendant 4 années. Leur lutte en aura durées 13 au total. Un combat féroce contre la direction de Ford, mais aussi contre le désespoir de leur propre camp, de leurs collègues résignés et prêts à négocier de l’argent avec la direction. Un combat qui met en lumière l’inutilité du gouvernement Macron face à la toute puissance des multinationales.

Et qui devrait faire sauter au plafond chacune et chacun des spectateurs sur la folie de notre époque : des travailleuses et des travailleurs qui veulent continuer à travailler, un repreneur, Punch Powerglide, prêt à reprendre l’usine, un ministre de l’Économie en soutien au projet, mais une multinationale toute puissante qui fermera quand même l’usine.

Une fin qui interrogera sûrement chacune et chacun des spectateurs : face à une telle folie, pourquoi l’État ne pourrait-il pas nationaliser ou réquisitionner l’usine pour qu’elle puisse continuer à tourner ? Quelle règle absurde oblige l’usine à fermer, les travailleuses et travailleurs à basculer dans la souffrance du chômage, alors même qu’un repreneur est là et que l’État le soutient ? On n’est pas dans un roman de Kafka, mais bien dans le modèle économique totalement fou encore défendu par quelques rares illuminés, heureusement de plus en plus minoritaires.

Le marché c’est le chaos, le marché ne marche plus : la crise sanitaire est venu terriblement le rappeler à ceux qui l’auraient oubliés.

Même le président de la première puissance capitaliste du monde, vient de mettre 400 milliards d’euros sur la table pour l’industrie et la souveraineté énergétique des États-Unis d’Amérique. Emmanuel Macron, dernier gaulois réfractaire, continuerait seul à pousser la France dans les bras fous de la mondialisation, de la féroce compétition européenne, dans des traités de libre échange, dans la folie d’un grand déménagement du monde ? Alors même que ce « modèle » économique est voué à l’agonie pour une raison simple : le pic pétrolier et l’épuisement des énergies fossiles.

Oui il va falloir relocaliser, ré-industrialiser, mettre en place un protectionnisme écologique et social, rouvrir toutes les usines Ford de Blanquefort du pays, se servir de tous les savoirs faire de tous les Philippe Poutous, tous les Gilles Lambersend, Vincent Alauze, Patricia Laujac, Thierry Jeans, Jérôme Coutelle du pays. Non, leur lutte n’aura pas été vaine. Oui ce film de Jamila Jendari et Nicolas Beirnaert est une œuvre de salubrité publique pour l’intérêt général humain. Face à leur folie, la lutte va payer.

Par Pierre Joigneaux.


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