Quand François Ruffin présente un projet stratégique dans L’Obs

mardi 29 novembre 2022.
 

Dans l’Obs n°3031 du 10 au 16 novembre 2022, nous avons pu découvrir un riche interview de François Ruffin portant, pour l’essentiel, sur les questions stratégiques auxquelles est confrontée la gauche aujourd’hui. Ci-dessous quelques extraits de cet interview intéressant à discuter. Notre site a attendu deux semaines avant de publier ces extraits significatifs.

L’entretien avec Ruffin a été titré en couverture par L’Obs "Je suis social-démocrate" Le nouveau Ruffin. Le député Alexis Corbière a donné son avis dans le texte suivant [Pourquoi je ne suis pas social-démocrate, par Alexis Corbière->43242

Vous avez récemment déclaré : « Je vais me “soc-démiser”. » Qu’entendez-vous par là ?

Je suis de gauche, et j’en embrasse toutes les traditions. Souvent, je blaguais avec les socialistes, je leur disais : « La social-démocratie, c’est une belle chose… Le problème, c’est que ça fait des décennies que vous n’êtes plus ni sociaux ni démocrates ! Moi, je le suis ! » Je prends l’expression au sérieux. Le social, ce n’est pas instituer la précarité du travail et la modération salariale. La démocratie, ce n’est pas de s’asseoir sur les 55 % de Français, 80 % d’ouvriers, qui ont voté non au référendum européen de 2005. Je fais mienne l’histoire de la gauche jusqu’en 1983. C’est le moment où Jospin [alors premier secrétaire du Parti socialiste, NDLR] déclare : « Nous ouvrons une parenthèse libérale. » Cette parenthèse ne s’est jamais refermée. S’y ajoute, par ailleurs, un tempérament personnel : je suis dans les petits pas, dans le concret, plutôt que dans l’horizon inatteignable. Jamais je n’ai promis le grand soir.

François Ruffin ne croit pas à la révolution ?

D’où je parle ? J’ai derrière moi vingt-trois années de reportages en Picardie, dans les usines qui ferment en série, auprès des auxiliaires de vie qui touchent 843 euros par mois… Quand tu baignes là-dedans, tu te demandes : « Comment je peux améliorer l’existence des gens ? » Un monde meilleur ou juste « moins pire », ce serait déjà pas mal ! Notre peuple est comme un malade en convalescence démocratique, politique, économique, gangréné par la résignation. Si vous lui dîtes "voilà l’horizon", il n’y croit pas ; il ne s’en sent pas la force. En revanche, un premier pas, on peut le faire ensemble. Et après, peut-être un deuxième pas, un troisième et puis on relèvera le nez. Maintenant, ça ne signifie être mou, être passif. Quand ça bouge dans une raffinerie, sur les ronds-points des gilets jaunes, chez les caristes de geodis, j’en suis, j’y vais, partout, toujours. Je soutiens les citoyens, les salariés qui redressent la tête.

Vous vous définissez comme un "réformiste révolutionnaire". En quoi consiste cette doctrine ?

J’emprunte cette formule à Jaurès... Le réformisme révolutionnaire", c’est à la fois le premier pas et l’horizon. Se bagarrer aujourd’hui pour la rénovation thermique, pour augmenter les manutentionnaires, pour investir dans le rail, c’est quoi ? C’est du réformisme, sans honte. Le mot "réforme", jusque dans les années 1970, c’est un mot de gauche, des syndicats, qui réclament des réformes et qui dénoncent alors les "contre-réformes" de la droite. Avant que les libéraux ne retournent le mot, ne nous en écoeurent.

Une réforme, pour être acceptée, nécessite un compromis...

Je suis pour le compromis.

Qui n’en fait pas depuis au moins vingt ans ? Nos dirigeants. Les Français ont-ils voulu le grand déménagement du monde ? Non. Les Français ont-ils voulu qu’on ferme un quart des lits d’hôpitaux ? Non. C’est une démocratie sans le démos, voire contre le démos.

Des tas de compromis peuvent être passés. Taxer les super-profits ? Sept Français sur dix sont pour. Indexer les salaires sur l’inflation, 87% des Français sont pour. Sur des réformes positives, on peut obtenir un consensus assez large. Au fond, je suis pour l’union nationale. Face à la crise climatique, aujourd’hui géopolitique, il faut tous tirer dans le même sens, les entreprises, les travailleurs, les classes supérieures... mais il ne peut y avoir d’union nationale sans justice sociale.

Que manque-t-il à l gauche pour gagner ?


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