La presse locale ubérisée

samedi 12 novembre 2022.
 

A Saint-Nazaire, le 18 octobre, plusieurs centaines de manifestants étaient réunis pour demander un meilleur partage des richesses. Parmi eux, des Correspondants Locaux de Presse (CLP) qui dénonçaient l’ubérisation de la presse locale. Peu le savent mais la presse quotidienne et hebdomadaire, régionale et locale, utilise environ 30 000 « CLP » pour couvrir les conseils municipaux, réaliser des reportages, des portraits de personnalités, donner diverses informations dont sont friands les lecteurs. Un travail rétribué, en honoraires, entre 4 et 30€ selon la longueur de l’article.

À l’origine ces CLP étaient principalement des retraités mais face aux exigences des journaux, beaucoup de retraités jettent l’éponge et laissent la place aux étudiants, aux femmes au foyer et aux personnes précaires.

En moyenne, un CLP gagne 300 euros par mois pour 15 heures de travail par semaine*, surtout le soir et le week-end. Cette maigre rétribution est souvent indispensable pour les correspondants, qui multiplient les heures et le nombre de communes qu’ils couvrent. Certains font même de la correspondance leur activité principale, comme Elodie qui travaille pour Ouest-France depuis 6 ans : « Il m’arrive de travailler plus de 40 heures par semaine, pour au résultat gagner moins d’un SMIC, sans droits à la retraite ou à des congés. Si j’enlève mes frais de route, il ne reste vraiment pas grand-chose. J’aime ce métier, mais ce n’est pas une raison pour être payée une misère ».

Elodie, qui était le 18 à Saint-Nazaire, a créé en 2021 un Collectif national des CLP pour améliorer les conditions de travail, obtenir des grilles tarifaires décentes et le respect des droits d’auteur. En effet, rares sont les titres de presse qui acceptent que le correspondant signe ses articles et photos. « C’est plutôt hypocrite comme système. Les journaux pour lesquels nous écrivons dénoncent dans leur colonnes le travail dissimulé chez Uber alors qu’ils ont recours exactement aux mêmes procédés ».

Le collectif rassemble aujourd’hui des CLP de plus de 40 titres de presse. Il demande aux parlementaires de faire évoluer la loi de 1987 qui régit le statut du correspondant, comme le précise Arnaud, CLP à Sud-Ouest depuis 13 ans : “Cette loi ouvre la porte à l’exploitation des correspondants par les titres de presse. Alors que les CLP sont censés faire de la simple collecte d’information, les titres de presse nous demandent d’effectuer le travail d’un journaliste, sans la rémunération adéquate en face. Il faut que ça change”.

Edith Trémière

*Selon un sondage réalisé par le Collectif National des Correspondants Locaux de Presse (CNCLP) en octobre 2021 auprès de 644 CLP.


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