2 octobre 2022 Premier tour des présidentielles brésiliennes

lundi 3 octobre 2022.
 

Dimanche 2 octobre, les Brésiliens sont appelés à choisir entre le président sortant Jair Bolsonaro et l’ancien chef d’État de gauche Luiz Inácio Lula da Silva. Après un mandat marqué par les violences, les outrances et une politique économique favorable aux plus riches, Lula affirme vouloir réconcilier le pays. Avec l’espoir de l’emporter dès le premier tour.

LeLe Brésil est appelé à voter dimanche 2 octobre pour élire son prochain président lors d’un scrutin où le vote est obligatoire : si onze candidats se présentent, deux se détachent largement, le président sortant d’extrême droite Jair Bolsonaro et le dirigeant de gauche qui a occupé la fonction de 2003 à 2010, Luiz Inácio Lula da Silva, plus connu simplement comme Lula.

Donné favori, ce dernier n’avait pu se présenter au dernier scrutin de 2018, car il était en prison, condamné à près de dix ans de réclusion pour corruption. Mais l’ancien président qui dénonçait un complot politique a finalement été libéré en novembre 2019 et la Cour suprême fédérale a annulé sa condamnation en 2021 au motif que le juge Sergio Moro, qui avait dirigé l’enquête, n’avait pas été impartial.

Le voilà de retour face à celui qu’il n’avait pu affronter il y a quatre ans. « Il y a une dynamique du vote utile pour Lula », relève Maud Chirio, historienne et maîtresse de conférences à l’université Gustave-Eiffel, autrice de La Politique en uniforme. L’expérience brésilienne (1960-1980) (2016, Presses universitaires de Rennes).

Appel à l’apaisement

Après un mandat marqué par les frasques, les déclarations à l’emporte-pièce, les violences de Bolsonaro et une politique économique favorable aux plus riches – un ancien haut magistrat, Celso de Mello, a évoqué « la figure embarrassante d’un politicien mineur, sans stature présidentielle » –, Lula « porte un discours sur le retour au bonheur, sur le rejet de la haine, des divisions et des fractures, bref des aspects sombres représentés par Bolsonaro », poursuit Maud Chirio, qui a dirigé le livre Mon cher Lula. Elle relève qu’il existe « toute une communication autour du retour du bonheur populaire. Lula appelle également à la réconciliation ».

Illustration dans un clip de campagne avec les explications de l’intéressé : « J’ai 76 ans, j’ai vécu tout ce qu’un homme peut vivre dans la vie. Je n’ai pas de place pour la haine, pour la vengeance, pour ne pas croire que demain sera meilleur. »

Le candidat du Parti des travailleurs cherche donc à attirer les électeurs et électrices bien au-delà de la gauche. Il s’est choisi un vice-président de droite, l’ancien gouverneur de São Paulo, Geraldo Alckmin, qui avait affronté Lula au second tour de la présidentielle en 2006 et avait soutenu la destitution de celle qui lui avait succédé, Dilma Rousseff.

Preuve de ce climat de réconciliation, un des youtubeurs les plus célèbres du Brésil, Felipe Neto, a annoncé avoir présenté ses excuses à Dilma Rousseff, dans une vidéo où il est au bord des larmes, pour avoir participé à la curée lors du coup d’État institutionnel qui a conduit à sa chute en 2016.

Dans un clip de campagne pour Lula (voir ci-dessous), on l’entend déclarer sur des images de Bolsonaro jouant avec un fusil : « Alors que leurs armes sont des pistolets et des fusils, notre arme est le vote. Et dans cette élection, voter pour Lula va bien au-delà du vote pour le candidat. C’est voter pour la paix, pour le respect, pour un pays plus juste et plus uni. »

Pour Silvia Capanema, historienne et maîtresse de conférences à l’université Sorbonne Paris Nord, « c’est une campagne très polarisée entre le projet fascisant de Bolsonaro et celui de Lula qui se place dans la défense de la démocratie ».

Du côté de Bolsonaro, rien n’a changé. On l’a vu lors du dernier débat organisé par la chaîne TV Globo jeudi soir. Il a attaqué Lula, le traitant de « menteur, ancien prisonnier et traître à la patrie ». « On retrouve toujours les mêmes thèmes, sur les complots, sa volonté d’apparaître comme antisystème, mais on peut observer que la dimension religieuse est devenue prédominante. On est passé d’une guerre culturelle à une guerre religieuse », relève Maud Chirio.

« Bolsonaro parle aux siens, il défend les élites économiques, tout en essayant de parler à une partie de la population, à la partie la plus conservatrice, les évangéliques en particulier », souligne Silvia Capanema. Les évangéliques représentent 30 % de la population du Brésil. Lors de la dernière élection présidentielle, ils ont massivement voté en faveur de Jair Bolsonaro.

Méthode trumpienne

Bolsonaro, qui a placé comme candidat à la vice-présidence un de ses alliés, le général Walter Braga Netto, reprend la stratégie utilisée par Donald Trump lors de la dernière élection états-unienne : dénoncer une fraude à venir en attaquant le système d’urnes électroniques en vigueur depuis 1996 et distiller le poison des fausses nouvelles, tout en n’excluant pas un coup d’État. La presse a révélé les messages de patrons de très grandes entreprises brésiliennes sur un groupe WhatsApp, qui appelaient à un putsch en cas de victoire de Lula. La justice s’en est mêlée.

L’armée, particulièrement choyée sous le mandat de Bolsonaro, a été autorisée à mener ses propres enquêtes pour éviter toute fraude. Dans ces conditions, Lula se présente comme le défenseur des institutions et de la démocratie du pays. Mais la grande question est de savoir s’il obtiendra la majorité absolue, ce qui lui permettrait d’être élu dès le premier tour. Cependant, la présence des candidats dits de la « troisième voix » – une option plus centriste que Bolsonaro et Lula, selon eux –, l’ancien ministre des finances Ciro Gomes et la sénatrice Simone Tebet, pourrait lui enlever les quelques points nécessaires.

En cas de second tour, qui interviendrait le 30 octobre, la campagne devrait être très tendue. « Bolsonaro a un discours de haine qui peut conduire à ce que la situation dégénère si jamais il y a un second tour », juge Silvia Capanema. Lula a déjà expliqué vendredi craindre des troubles s’il l’emportait avec une transition difficile jusqu’au 1er janvier, date prévue pour l’investiture. « Ce sera beaucoup plus difficile qu’en 2002 [lors de sa première victoire à la présidentielle – ndlr], quand on avait vécu une transition extraordinaire, pacifique, avec le PSDB [Parti de la social-démocratie brésilienne (centre-droit) – ndlr]. Je crains qu’on n’ait pas la même facilité avec Bolsonaro », a insisté Lula.

Le 2 octobre, les Brésilien·nes désigneront également 27 des 81 sénateurs et sénatrices et les 513 député·es.

L’issue de l’élection brésilienne aura également un impact certain sur le paysage politique latino-américain après les victoires récentes de la gauche au Chili et en Colombie.

François Bougon


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