Lettre des "Socialistes russes contre la guerre"

mardi 4 octobre 2022.
 

« Nous vous demandons de devenir notre voix commune dans les ténèbres et le silence »

Un courrier m’arrive de Russie. Dans le contexte je lui donne la première place sur ce post. Car l’heure est très grave. Vladimir Poutine veut annexer un bout de l’Ukraine par un de ces soi-disant « référendum » dont le modèle a été fourni par celui qui a servi à créer le Kosovo. Poutine menace aussitôt de guerre nucléaire qui toucherait militairement à cette nouvelle prétendue partie de la Russie. L’ancien président Medvedev l’a dit exactement de cette façon. Il mobilise sous les armes le tiers de la population russe qui peut l’être.

L’état d’extrême alerte doit mobiliser toutes les vigilances. Et toutes les solidarités avec ceux qui luttent contre cette guerre en Russie même. Car notre devoir est de rappeler sans cesse que notre pays ne fait pas la guerre au peuple russe. Notre cible est le régime de l’oligarchie russe et la stratégie ultra nationaliste qu’elle a construite avec Vladimir Poutine. Dans ce contexte j’ai reçu, venant de Russie, un message de « socialistes contre la guerre ». Je décide de la publier en entier sans commentaire. Je suis à cet instant, selon eux, le seul moyen pour eux de pouvoir tout simplement exprimer publiquement une pensée politique interdite sur place.

« Jean-Luc,

Aujourd’hui la « mobilisation » a été déclarée en Russie. Cela s’était produit deux fois dans l’histoire : en 1914 et en 1941. Ne serait-ce que le contexte dans lequel ces deux dernières « mobilisations » ont été déclarées, nous invite à prendre les choses au sérieux. En surenchérissant, l’administration poutinienne place et notre pays et le monde entier au bord d’une guerre mondiale.

Nous voyons que la guerre prend les traits d’une guerre totale non seulement ici, mais aussi en Occident. Les hommes politiques parlent de plus en plus souvent de la nécessité d’écraser la Russie, et pas uniquement Poutine. Le danger c’est que cela permet au régime du Kremlin de maintenir son pouvoir sur un peuple effrayé et névrosé. Alors que tout cela n’est que mensonge.

Des millions de Russes ne portent pas la responsabilité de l’aventure criminelle dans laquelle les dirigeants ont entraîné notre pays. La « mobilisation » est extrêmement impopulaire. Malgré l’atmosphère de répression et de terreur qui sévit, des dizaines de milliers de personnes sont sorties manifester dans la rue. On sait déjà qu’il y a eu plus de 1300 arrestations. Mais ces chiffres ne reflètent pas l’ampleur du mécontentement. Des millions de personnes sont terrorisées à l’idée de devenir la chair à canon d’une boucherie impérialiste. Ces personnes ne sont pas organisées. Elles n’ont pas leur propre voix. Elles vivent dans la terreur des informations et des répressions parfaitement réelles. Et pourtant très vite les choses vont devenir claires : les gens violemment envoyés dans les casernes ne vont pas se laisser faire par les milliardaires qui les poussent dans les tranchées.

Mais pour que la peur se transforme en colère et en détermination, nous avons besoin de soutien et de solidarité.

Nous vous demandons de déclarer clairement et expressément que cette guerre ne peut pas être une guerre contre le peuple russe. Dans tous les cas elle ne doit pas l’être. Et que, si le peuple russe se soulève contre cette dictature, ce n’est pas pour se retrouver dans un pays détruit, occupé, découpé, avec une marionnette au pouvoir mise en place par une coalition occidentale. Et que les simples citoyens de notre pays ont des amis en Occident, qui voient en eux des camarades, des partenaires et non des ennemis.

Ce seraient des mots très importants. Mais il y a peu de déclarations qui ne s’accompagnent d’autre chose. Nous tous, et ici en Russie et là-bas en Occident, avons besoin d’un programme clair pour sortir de l’impasse dans laquelle nous a conduits le monde d’inégalité et de dictature mis en place par des oligarques éloignés des peuples. Reconnaissons-le, le problème en Russie ne concerne pas que Vladimir Poutine. Son régime est le simple résultat d’une expérimentation néolibérale, où le pouvoir d’une poignée de millionnaires a été imposé à un pays immense. Et ce n’est pas un problème local, qui ne concernerait qu’un seul pays pris séparément. Le poison vient des différents blocs politiques qui obligent des peuples entiers à choisir des « maîtres » parmi des prédateurs impérialistes. Cela constitue le nœud du problème de tout le monde néolibéral. Et on ne peut pas résoudre ce problème par de vieilles méthodes. Il faut proférer à la face des peuples de nouveaux buts et de nouveaux enjeux.

Le plus important : ce qu’il faut ce n’est pas une victoire militaire sur la Russie, mais une autre Russie. La clique de Vladimir Poutine doit être chassée. Seuls les Russes eux-mêmes peuvent y arriver. Mais pour ce faire, ils ont besoin d’aide. Le renversement de Poutine ne doit pas signifier que l’OTAN encercle la Russie et lui dicte sa volonté. Pour que la Russie cesse d’être une dictature qui menace le monde entier, elle doit se transformer en même temps que le monde lui-même.

Vladimir Poutine n’est que le pantin d’une Bête énorme qui a pour nom la classe dirigeante. Cent mille familles pour le luxe et les privilèges desquelles la dictature a été installée et la guerre a été déclarée, continuent de se sentir en sécurité. Elles possèdent des actifs de plusieurs milliards de dollars y compris dans des comptes occidentaux. Elles doivent être immédiatement expropriées et ce y compris pour le redressement de l’Ukraine. Cela nécessite de renoncer au fétichisme de la propriété privée, ce qui fait peur aux élites occidentales, qui sont liées à l’oligarchie russe par mille liens. L’Ukraine aujourd’hui a réellement besoin d’aide. Mais ce qui cimente cette aide ne peut pas être un régime nationaliste. Cette aide doit être une aide au peuple, et pas seulement aux dirigeants. La condition de cette aide est l’arrêt des politiques répressives et une démocratisation profonde du pays : une démocratisation économique, sociale et culturelle.

Dernier point. En Russie il y a dès maintenant des millions de militants opposés à la guerre. Et il va y en avoir encore plus. Ces opposants doivent devenir membres d’une coalition globale contre la guerre. La coalition des vainqueurs. Mais aujourd’hui cette coalition n’existe pas. A la place il y a différentes coalitions d‘élites dirigeantes. Notre but commun est de créer ce front des peuples contre la guerre. Un front qui enfin proposera un programme de paix.

Nous vous demandons de prendre la responsabilité de cette initiative et de porter ces idées.

Nous vous demandons de devenir notre voix commune dans les ténèbres et le silence. »

Amis lecteurs, faites votre part en diffusant ce texte sur vos propres réseaux. Le moment venu je vous dirai ce que nous faisons au niveau du national Insoumis.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message