Rentrée scolaire : le chaos libéral

dimanche 18 septembre 2022.
 

Le vendredi 15 juillet à Bobigny, à l’occasion d’une rencontre avec les parlementaires NUPES de la Seine-Saint-Denis, le ministre Pap Ndiaye assumait une prochaine rentrée scolaire « avec les moyens du bord ». Jeudi 1er septembre, la rentrée des classes l’a confirmé. Pénurie d’enseignants, d’AESH, de chauffeurs de bus, recours précipité et massif aux contractuels, coûts qui explosent pour les familles, promesses de revalorisation floues, la blanquerisation de l’Éducation nationale se poursuit et s’aggrave. Déjà, plusieurs syndicats d’enseignants s’organisent et appellent à la grève le 29 septembre.

La pénurie permanente

A l’Education nationale, la « fin de l’abondance » annoncée par Emmanuel Macron a des airs de déjà-vu. Les enseignants ne la connaissent que trop bien depuis qu’ils ont commencé leur carrière, à différentes sauces, toutes libérales. Pour cette rentrée, le nouveau ministre de l’Education nationale et les promoteurs macronistes l’avaient martelé partout : « Un professeur devant chaque classe dans toutes les écoles de France ». Vraiment ? Derrière le slogan politique, la réalité est tout autre. 4000 postes n’ont pas été pourvus aux concours sur 27 300 postes ouverts, soit plus que les années précédentes. Sur le terrain, les syndicats le confirment. Les résultats de l’enquête menée par la SNES-FSU – principal syndicat du 2nd degré – montrent que plus de la moitié des établissements ayant répondu comptent au moins un professeur qui manque à l’appel. En parallèle, la promesse d’une revalorisation salariale très attendue du corps enseignant reste incertaine, repoussée à 2023 et d’ores et déjà soumise à condition d’un « pacte » aux contours flous. La feuille de route a été clairement établie par Emmanuel Macron le 25 aout : les professeurs sont « désabusés » mais les dysfonctionnements du système éducatif « ne se règlent pas par simplement plus de moyens ». En somme, le « choc d’attractivité » promis par PapNdiaye a déjà vécu.

Face à la pénurie, le gouvernement répond donc par sa méthode bien huilée de l’ubérisation qu’il applique désormais au métier d’enseignant. Par des « jobs datings », des entretiens parfois limités à 30 minutes, des contractuels sont propulsés dans des classes à la vitesse grand V, sans formation. Face à son ministre, le recteur de l’Académie de Créteil l’a clairement assumé : « Notre politique a été de fidéliser les contractuels et de les faire passer avant les titulaires ». Résultat : en cinq ans, la part de contractuels à l’Education nationale est passé de 14,5% à 22%.

Sur la page consacrée au recrutement des contractuels, l’Académie de Versailles liste 3 conditions pour postuler : « être titulaire, a minima, d’une licence », avoir un casier vierge et « être mobile au sein du département dans lequel (on sera) recruté ». Trois conditions qui en disent long sur l’œuvre de disqualification du métier par les promoteurs libéraux. Dans de telles conditions, pourquoi ne pas recourir systématiquement aux listes complémentaires ? Pourquoi ne pas coupler l’annonce du pré-recrutement à bac +3 avec le statut de fonctionnaire, et non d’alternant, pour accompagner les futurs enseignants jusqu’à l’obtention du master ?

La rentrée de la pénurie ne s’arrête pas là. Il manque des psychologues – on en compte 1 pour 1500 élèves d’après un rapport de l’Education nationale de 2021– mais aussi des CPE, des assistants éducatifs, des infirmières, des assistantes sociales etc... La crise du recrutement touche aussi le transport scolaire – 8000 chauffeurs de bus manquent à l’appel – et là aussi, la raison tient à la condition du métier : horaires fractionnés et rémunération au lance pierre : 700 euros par mois dans certaines régions. Même chose pour les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) dont la grande majorité, des femmes, se voient proposer des contrats de 24h par semaine pour la bagatelle de 800 euros par mois. En Seine-Saint-Denis, les syndicats estiment que près de 1000 AESH manquent alors même que les besoins s’accroissent. Là aussi, la précarité du métier explique tant la difficulté à recruter mais aussi les démissions en cascade. Le 26 aout, à une semaine de la rentrée, le ministre Pap Ndiaye annonçait en recruter 4000 mais combien de postes seront-ils réellement pourvus ? Pourquoi ne pas mettre fin aux PIAL, ces pôles « inclusifs » qui font qu’un AESH court d’un établissement à l’autre, changeant de profils et de lieux tous les quatre matins ? Une solution pérenne serait, comme le propose la NUPES, d’intégrer les AESH à un corps de fonctionnaires, proposition à laquelle le gouvernement reste sourd depuis 5 ans.

Fausses annonces et vrais dangers pour l’Ecole publique

Le 25 aout, dans un exercice à haut degré de cynisme, Emmanuel Macron déclarait que « l’Ecole de la République n’est plus à la hauteur », et qu’il importait de « changer de méthode ». Mais laquelle ? Après 5 ans de saccage de l’école publique, 7500 postes d’enseignants supprimés dans le 2nd degré, le désastre de Parcoursup, la réforme du BAC, le démantèlement de la filière professionnelle, la Macronie prépare le chantier de « l’Ecole du futur ». Comprendre : à partir de cet autonome, l’exécutif prévoit de généraliser une expérimentation lancée à Marseille en 2021 destiné à donner « davantage de liberté et d’autonomie aux équipes pédagogiques ». L’objectif est de rendre les établissements autonomes et concurrents entre eux. D’un établissement à l’autre, les programmes ne seront donc plus les mêmes et la valeur du diplôme aura la même stabilité qu’un crédit subprime : rien. C’est là un coup terrible portée à l’école publique, car on le sait, sans homogénéité du système scolaire, il n’y a pas de République de citoyennes et de citoyens égaux en droits.

L’inflation, accélérateur de la lutte des classes à l’Ecole

La spirale inflationniste n’épargne pas l’Ecole. Pour cette rentrée, le prix des fournitures scolaires s’envole – il a bondi de 4,5% en 2022 faisant grimper le budget moyen par élèves à 208€ d’après la Fédération d’association Familles de France. Après la file alimentaire, de nombreuses familles sont donc contraintes de faire la file aux fournitures auprès d’associations. La flambée des prix se répercute aussi sur les tarifs de la restauration scolaire, non sans inquiétudes des parents. Pour les communes, faute d’une aide de l’Etat, le budget cantine explose surtout pour celles qui se chauffent ou qui cuisinent avec du gaz. D’après le vice-Président de l’Association des maires de France (AMF), près de la moitié d’entre elles vont appliquer une augmentation des frais de cantine scolaire en raison d’une augmentation du coût de revient de 5 à 10%. Alors que faire ? On ne peut pas étudier le ventre vide. Une fois de plus, la proposition portée par Jean-Luc Mélenchon d’une cantine gratuite et biologique gagne en pertinence. Elle s’inscrit d’ailleurs dans l’une des mesures de la proposition de loi « pour garantir la gratuité de l’éducation » portée par les députés de la NUPES et visant à garantir la gratuité des cantines, des transports, mais aussi des activités périscolaires, des manuels ainsi que des fournitures. C’est là une perspective d’une autre école, pour un autre monde pour assurer une éducation de qualité à tous les enfants de France.

Sylvain Noel


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