Manifeste contre l’indécence (des gouvernants)

mercredi 21 septembre 2022.
 

Par Johann Chapoutot (Professeur, Sorbonne Université) et Dominique Bourg (Professeur honoraire, Université de lausanne)

L’été 2022 n’aura représenté, à l’échelle de l’hémisphère Nord, qu’un été de plus, une n-ième confirmation de ce que nous savons depuis plus de 30 ans, depuis le premier rapport du GIEC ; une répétition de ce que nous expérimentons depuis 2018. Le dérèglement climatique n’est plus une abstraction, mais une dévastation (500’000 hectares de forêts brûlées en Europe occidentale), chaque année plus importante. En ce sens il ne surprend plus, ne nous apprend plus rien, mais il touche, au sens physique et émotionnel, des pans toujours plus vastes de la population : la tristesse, l’effroi et le désarroi dominent, qui peuvent déboucher, au plan psychique, sur des accablements bien compréhensibles et, sur le plan politique, sur une colère qui peut confiner à la rage.

Le « pouvoir, ou l’impuissance assumée

Jamais le pouvoir politique n’a aussi peu mérité son nom. En Allemagne, une coalition hétéroclite est empêchée d’agir par la minorité de blocage que constitue le FDP, le parti libéral-démocrate qui, depuis toujours, est la voix de l’industrie automobile, si puissante outre-Rhin, de la banque et des besserverdienende, « ceux qui ont réussi » (à hériter, généralement) et qui gagnent sensiblement plus que la moyenne, par la rente ou le salaire. Parti minoritaire de la coalition entre verts, sociaux-démocrates et libéraux, le FDP est le Juniorpartner le plus puissant de cet attelage dit du « feu tricolore » (Ampelkoalition vert-rouge-jaune) ou rien n’est possible sans l’approbation de Christian Lindner, ministre des finances et vice-chancelier effectif, qui a obtenu, de surcroît, le portefeuille des transports pour un des siens : tout ce qui est hostile à la berline du rentier ou du manager allemand (limitation de la vitesse sur autoroute, taxes sur le diesel, fin des privilèges fiscaux exorbitants pour l’usage d’une voiture de service, etc…) est exclu. Lindner reste obstinément rivé à son crédo néolibéral : baisse des impôts, déconstruction de l’État social, privatisations, dérégulation. Pour le reste, c’est l’innovation qui y pourvoira : la technologie sauvera le « climat » ou la « planète » (qui continuera fort bien de tourner après l’extinction du vivant…). En attendant, au cœur d’un été qui a éprouvé l’Allemagne et les Allemands comme jamais (et ce n’est qu’un début), Lindner a célébré avec faste un mariage clinquant sur l’île chic et (devenue) beauf de Sylt, où le taux de Mercedes et de BMW au km2 défie l’imagination.

En Grande-Bretagne, l’échec de Boris Johnson a laissé place à une compétition interne au parti conservateur, dont les 200’000 membres, généralement âgés et aisés, doivent choisir un nouveau Premier Ministre. Chassé du pouvoir pour son mépris des principes élémentaires de la démocratie (respecter des règles que l’on a soi-même fixées, durant le confinement, par exemple, et éviter des faire des fiestas à tout casser au 10 Downing Street quand tout rassemblement est interdit dans un pays placé à l’isolement…), pour son rapport plutôt distant à la vérité, à l’honnêteté et à la dignité, Johnson a dû annoncer son retrait face à une fronde, tardive à vrai dire, de son parti. Curieuse situation : au lieu d’être décidée par le peuple britannique, par de nouvelles élections, la politique du pays le sera par un suffrage de fait censitaire (être à jour de cotisations des Tories) et selon un principe oligarchique (le pouvoir des 200’000) et non démocratique. Pour se gagner les faveurs de ce singulier électorat, les compétiteurs rivalisent d’outrances droitières : xénophobie, europhobie, fantasmes sécuritaires, sermons sur la nécessité de travailler plus (si doux aux oreilles des retraités), vitupérations contre le système social, etc. Un lamentable festival de démagogie où excelleraient les Ciotti, Wauquiez et autres Darmanin.

Aux États-Unis, le succès, mesuré mais réel, des démocrates et de Joseph Biden, qui sont parvenus à faire adopter une législation sociale et écologique minimale, ne doit pas masquer le fait que le trumpisme reste puissant, avec ou sans Trump d’ailleurs, en raison d’un mode de suffrage qui ignore la majorité et qui, dans les États républicains, est, depuis 2020, littéralement bricolé et trafiqué pour empêcher le vote de populations modestes et noires réputées voter pour les Démocrates. Ajoutons à cela le verrou de la Cour suprême où, en raison des hasards démographiques, un « président » raciste, violent, misogyne, complotiste et séditieux, a pu nommer trois juges, créant une majorité issue de la droite religieuse inconnue depuis le XIXe siècle. La situation juridique et judiciaire est résumée par ce tragique bon mot : pour les juges de la Cour suprême, qui réduisent le droit à l’avortement et la protection de l’environnement tout en encourageant la circulation des armes, la vie d’un être humain débute avec la fécondation et s’achève dans une fusillade, si l’on n’est pas mort auparavant, empoisonné par l’eau polluée du fracking ou l’air irrespirable des incendies. Le trumpisme est un possible de notre avenir politique, tant les « communicants » européens ont les yeux rivés sur tout ce qu’il se fait de pire outre-Atlantique. L’extrême droite, quant à elle, a pour le milliardaire violent et factieux, caricature extrême et bouffie du boomer égocentrique, jouisseur et inconséquent, la même tendresse que pour Poutine.

En France, contentons-nous, pour le moment, d’observer que si l’entre-deux-tours de la campagne présidentielle a été marqué par des promesses de verdissement tous azimuts, pour capter un électorat de gauche dont le ralliement était nécessaire afin de battre la candidate d’extrême-droite, ainsi que par la confession, stupéfiante, du candidat à sa réélection que, oui, enfin, il avait compris les enjeux du dérèglement climatique (mais sur quelle planète vivait-il donc auparavant ?), rien n’a été fait, comme durant les cinq ans qui avaient précédé, cinq ans marqués par une politique pro-chasseurs éhontée (ne sont-ils pas les « premiers écologistes de France » ?), par un discours du « travailler plus » et de la « croissance » hors d’époque, et une ironie lourde et sotte à l’égard des « amish » et autres amis des « lampes à huile ». Une promesse de jouissance bête, soutenue par un idéal matérialiste et consumériste obtus, sans autre vision ni horizon que l’accumulation d’argent (« Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires[1] ») et la jouissance vulgaire et veule d’un moteur polluant et bruyant. Après avoir nommé au portefeuille de l’écologie une automate sans âme, revendiquant une « écologie du quotidien » et autres balivernes de communicante, le contempteur des amish a porté son dévolu sur quelqu’un de plus connu pour sa dilection pour les pesticides que pour sa sensibilité écologique. L’insignifiance du personnage, aux abonnés absents pendant que la France brûlait – qui rappelait ce ministre de la santé de 2003 qui, en pleine canicule, répondait posément, en petit polo, de son jardin du Var, aux questions d’un JT –, a fini par devenir gênante pour le gouvernement lui-même. L’« écologie des solutions » et « du quotidien » n’avait manifestement rien à dire face à la catastrophe en cours, sinon qu’il fallait bien veiller à éteindre sa box avant de partir en vacances (rappel : plus de 50 % des Français ignorent ce que signifie partir en vacances). La solution aux méga-feux qui frappaient pour la première fois le territoire était toute trouvée.

Un petit geste pour la planète

Ce bref tour d’horizon politique pourrait se poursuivre avec le trumpisme tropical d’un Bolsonaro et l’opiniâtreté guerrière d’un Poutine assassin de masse qui, au moment où sa propre Sibérie brûle été après été, ne trouve rien de mieux à faire que d’ajouter la destruction à la dévastation, en agressant un pays voisin, l’Ukraine, où ses obus et ses missiles tuent plus sûrement et plus rapidement encore. Ce panorama trop bref a pour objet de montrer que l’on ne peut se contenter de céder au pessimisme anthropologique, une tentation bien présente, résumée par la phrase célèbre que Kant écrit dans ses considérations sur l’histoire humaine :

« On ne peut se défendre d’une certaine humeur quand on regarde la présentation de leurs faits et gestes sur la grande scène du monde, et quand, de-ci, de-là, à côté de quelques manifestations de sagesse pour des cas individuels, on ne voit en fin de compte dans l’ensemble qu’un tissu de folie, de vanité puérile, souvent aussi de méchanceté puérile et de soif de destruction [2] ».

Que de vanité, de puérilité et de dévastation, en effet. Le pays brûle, et les moteurs vrombissent toujours plus. Le capitalisme consumériste, en danger de mort, invite plus que jamais à barboter dans le néant, à consommer, consumer et détruire tant et plus, car c’est la logique et c’est le projet de ceux qui, niant ou masquant le désastre, continuent à faire de l’argent – sur du vide ou de la cendre –, et ne veulent pas entendre raison, ni entendre les mots de sobriété ou de décroissance.

On peut céder au pessimisme anthropologique et, jugeant que l’on a affaire à une espèce suicidaire (certains biologistes et éthologues ont franchi le pas) ou misérable (réflexe de tant de moralistes), se réfugier douillettement dans un bonheur isolé (littéralement, sur une île, intellectuelle, artistique, familiale…) en abandonnant le vulgum pecus, ce troupeau qui ne mérite rien d’autre, à sa perte. Cet aristocratisme se défend : n’y a-t-il pas mieux à faire que raisonner un imbécile juché sur son jet ski ?

Que la majorité de l’espèce, rivée à un matérialisme sordide, soit inamendable, est une hypothèse défendue par des auteurs qui, après tout, avaient des arguments solides : Hannah Arendt pouvait préférer la « vie de l’esprit » à la « condition de l’homme moderne ». La vie contemplative, la pensée, la création continuée d’une vie bonne, soucieuse des mots, du monde et des morts, n’est peut-être pas accessible à tous. Imaginez Hannah Arendt devant une émission de télé-réalité ou consultant le compte d’un influenceur quelconque, fiscalement exilé à Dubaï… La vulgarité, le ravage croissant, la jouissance immonde et insensée de toutes les « potentialités » d’une action « libre » – tout cela, et bien plus, peut bien sûr légitimement amener à désespérer de l’humanité.

On peut aussi considérer que toutes ces horreurs (de l’influenceuse décérébrée au crétin en quad) sont promues et vendues par des supports médiatiques et financiers qui ont un intérêt pécuniaire à leur diffusion massive – pour vendre des produits et sous-produits acheminés par des porte-conteneurs, désastreux pour tous, et pour nourrir des comptes offshore.

L’expression courante le trahit bien : on « vend du rêve », ou plutôt un mirage, celui des écrans, d’un monde hors-sol, déterritorialisé, soutenu par des ressources censément illimitées et une croissance supposément infinie, dont le signal hypnotique des « pubs » et des « portables » veut nous faire accroire la réalité. Il y en a une : ces pétromonarchies du désert, où l’on construit des stades climatisés qui ne serviront qu’une fois, pour un événement absurde, et au prix de milliers de morts[3], ces skylines du désert, absurdement non viables et promises à l’abandon, paradis défiscalisés pour créatures de l’internet ou pour ex-présidents-conférenciers en quête de cachets replets.

Anthropocène, capitalocène, etc.

Il est donc facile, et faux, de désespérer in toto de l’espèce humaine qui n’en peut mais. On retrouve cette réflexion dans les débats autour de la notion d’anthropocène : depuis la fin du XVIIIe siècle, armé par une puissance thermique et mécanique inédite dans l’histoire humaine, mais aussi géologique, le genre humain est devenu une puissance tellurique, capable de déplacer, concasser, broyer et conformer plus de matière que les seuls phénomènes naturels.

Nombreux sont les auteurs à proposer d’autres termes pour désigner cette période catastrophique, des mots plus adéquats, plus propres à identifier les responsabilités et à spécifier le phénomène – car c’est moins les êtres humains qui ont broyé et détruit qu’un certain type d’humanité, mû par le désir, la compulsion, de posséder, d’exploiter et de dominer. De détruire, aussi.

On peut ainsi désigner la période que nous vivons, depuis deux siècles, par le terme de capitalocène, car la maîtrise de la vapeur a inauguré l’ère thermo-industrielle des manufactures, des usines, de la colonisation et du capital-roi – toute action humaine (préférée à toute forme de réflexion ou de méditation, du reste) ayant pour seul objectif l’accumulation d’argent, à la seule fin que cet argent lui-même en engendre encore plus, dans une course dont on voit mal le sens sinon, pour les psychanalystes, la négation désespérée de la finitude et de la mort.

On peut donc identifier l’ère géologique hâtivement attribuée à l’humanité dans son ensemble au système économique, social et culturel si particulier, si contingent, si limité qui l’a fait advenir (le capitalisme) et ce, sans exclusive (le stalinisme productiviste et prométhéen visait lui aussi l’accumulation primitive de capital, au besoin par des famines provoquées dans des régions privées de grains réservés à l’exportation, pour faire rentrer des devises…)[4]. On peut aussi la désigner par la manière dont le capitalisme colonial a mis en coupe réglée le monde, en établissant des plantations partout.

Le plantationocène est bien décrit par l’écrivain Éric Vuillard dans Une sortie honorable (Actes Sud, 2022). Maîtrise et domination de la flore, exploitation sans scrupule ni limite de la faune, dont les indigènes font d’ailleurs partie : si l’on détruit les espèces endémiques, quand elles se révèlent nuisibles à l’exploitation coloniale, on réduit les animaux bipèdes en esclavage. Eric Vuillard, là encore, le décrit admirablement à l’exemple des exploitations d’hévéas en Indochine française, pour le compte de Michelin et de ses pneus, justification majeure d’une guerre coloniale absurde et meurtrière :

« Le chemin s’enfonça dans la forêt, et les voyageurs éprouvèrent, en même temps qu’une sorte d’enchantement, une indicible angoisse. Des deux côtés de la route, c’était un défilé immobile et implacablement répété (…). Ce n’était pas une forêt comme les autres, ce n’était ni une forêt tropicale, broussailleuse ou sauvage, ni l’épaisse forêt des songes, la forêt obscure où les enfants se perdent ; c’était une forêt plus étrange encore, plus sauvage peut-être, plus obscure. À son entrée, le voyageur frissonne. Il semble que dans cette forêt, par un curieux sortilège, tous les arbres poussent exactement à la même distance les uns des autres. Un arbre, puis un autre arbre, toujours le même, et un autre, et encore un autre, comme si la forêt n’était composée que d’un seul et unique spécimen se multipliant à l’infini. La nuit, aux heures froides, des hommes marchent régulièrement d’arbre en arbre. Ils tiennent un petit couteau. En cinq secondes, ils font quelques pauvres pas, se baissent, se relèvent, et laissent une entaille dans l’écorce de l’arbre. Cela leur prend au maximum quinze secondes, et ainsi, environ toutes les vingt secondes, l’homme atteint un autre arbre, et sur la rangée voisine un autre homme le suit, et sur des centaines et des centaines de mètres, des centaines d’hommes, pieds nus, vêtus de toile, avancent, une lanterne à la main, le couteau dans l’autre, et entaillent l’écorce (…). Et chaque nuit, chaque homme saigne environ mille huit cents arbres, mille huit cents fois l’homme dépose son couteau sur l’écorce (…). Et cependant que nos inspecteurs du travail traversent en voiture l’in- terminable plantation, cependant qu’ils admirent la rationalité à l’œuvre, comment Taylor et Michelin sont parvenus à conjurer “la flânerie naturelle” de l’ouvrier annamite par une organisation rationnelle du travail, cependant que les inspecteurs admirent à quel point cette forêt, l’organisation impitoyable de cette forêt, représente une lutte inouïe contre le temps perdu, le regard attiré par l’immensité glacée de l’œuvre, ils éprouvent une sorte d’effroi ».

D’autres termes sont aussi proposés : poubellocène, pyrocène… – car nous vivons dans ce monde dégradé que nous avons fait advenir : celui de l’objet proliférant, du déchet omniprésent et du feu qui dévore toujours plus.

L’extrême-centre, ou le règne des forcenés.

Face à cela, on est médusé par la démission d’un pouvoir qui n’est qu’impuissance. Il y a ceux qui nient, et dont la veulerie criminelle servira jusqu’au bout les intérêts et les pulsions les plus sordides. Trump, dans sa bêtise minérale et son égocentrisme pathologique, est l’archétype de ceux qui n’apprennent rien et comprennent moins encore. Leur clientèle électorale participe de cette veulerie : déni face à la catastrophe, ou négationnisme assumé leur permettent de défendre pied à pied un mode de vie qui sème la mort à grandes brassées. On placera dans la même catégorie tous les autoritaires et les illibéraux qui, de la Chine, dont la capitale est inhabitable une grande partie de l’année, à la Russie, en passant par la Turquie, les pétromonarchies ou le Brésil de Bolsonaro, qui détruit activement la forêt amazonienne, ont partie liée avec l’industrie fossile qui les finance – des carbofascistes qui lient, dans un même geste, mépris des droits humains et destruction du vivant, comme naguère les nazis[5].

Il y a aussi le trumpisme plus raffiné, moins vociférant, plus photogénique dans ses costumes ajustés, des libéraux allemands, britanniques ou français. Pour être plus présentables, ceux-là n’en sont pas moins redoutables. Là où Trump possède la franchise de l’imbécile, cette bêtise à front de taureau qui tonitrue sans complexe, les autres finassent, trichent et prétendent « travailler pour les Français », « chercher des solutions », vouloir une « écologie pragmatique », etc. L’ami de Benalla est, jusqu’à la caricature, l’incarnation de ce pouvoir qui se prétend « en même temps » de droite et de gauche, tout en menant la politique la plus brutalement droitière depuis Chirac, Pasqua et Pandraud (1986-1988). La dévalorisation du langage (il s’agit de dire absolument n’importe quoi, pourvu que cela rapporte des voix, comme citer le slogan du NPA en plein meeting…), le brouillage des repères (appeler au « barrage » contre l’extrême-droite avant de gouverner, de facto, avec elle en la retrouvant sur de nombreux textes au Parlement) et le mépris du bien commun (de l’abolition de l’ISF jusqu’à l’inaction climatique, en passant par le démantèlement de l’ONF et de Météo-France) atteint avec le « pouvoir » actuel des niveaux inégalés depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy, véritable matrice d’une brutalité post-politique et post-démocratique qui, à l’abri d’institutions archaïques et monarchisantes, trouve pleinement à s’épanouir depuis 2017. Le « voyou de la République », comme l’avait surnommé l’hebdomadaire Marianne, ne s’y est du reste pas trompé : « Macron, c’est moi, en mieux[6] ».

Les analystes les plus sagaces de ce qui, politiquement, se joue sous nos yeux (en France, certes, mais aussi dans d’autres démocraties libérales anciennes et, croit-on, solides) sont l’économiste Bruno Amable, qui observe la calcification d’un « bloc bourgeois » de moins en moins amendable[7], et l’historien Pierre Serna, qui a forgé la notion, a priori paradoxale, d’extrême-centre[8].

Le « centre », avec calme et componction, ne cesse de renvoyer dos-à-dos, et hors de l’espace politique, les « extrêmes », de « droite » et de « gauche ». C’est le cas, en France, depuis 1795, à un moment où, las des émotions révolutionnaires, un juste milieu, le « marais » de l’Assemblée, s’est rallié des conventionnels en quête de repos et d’oubli pour créer un parti de la raison, qui renvoyait les Jacobins et les Royalistes, ces « terroristes » (le mot est d’époque) aux marges de la République. C’est dans un général talentueux et un brin mégalomane, Bonaparte, qu’ils ont trouvé leur homme, dans une marche au pouvoir à laquelle les élections de 2007 et de 2017 ont été du reste comparées par des éditorialistes courtisans. Ce centre-là n’est pas centriste au sens où il serait un point d’équilibre, modéré, entre deux antipodes. Il veut concentrer le pouvoir à son seul profit, il veut le centraliser par des institutions autoritaires dont la constitution de 1958-1962 est un exemple rêvé. Cette volonté de pouvoir est extrême, et n’a rien de tempérée : il s’agit de défendre des intérêts sonnants et trébuchants, un état de la société et une marche du monde qui convient à merveille à ces gens-là.

L’extrême-centre peut bien fustiger l’extrême-droite, mais il s’allie à elle systématiquement contre la gauche car, avec celle-ci, il a trop à perdre. Avec les ultranationalistes ou les fascistes, on peut s’entendre sur l’essentiel : anticommunisme, écrasement du mouvement syndical et ouvrier, défense des patrimoines fiscaux, nationalisme, xénophobie, conservatisme social, promotion des égoïsmes de classe ou de race… Au Parlement français, à l’été 2022, la fin de la redevance audiovisuelle, qui finance un service public d’une qualité telle qu’il caracole dans les audiences, a été votée par la droite au pouvoir et par l’extrême-droite, qui la réclamait depuis longtemps, sans coup férir. Ce n’est qu’un exemple, et cela va continuer. On peut être sûr d’une chose : le « pouvoir » actuel maintiendra son alliance objective avec l’extrême-droite pour faire voter tout ce qu’il y a de pire en matière écologique et sociale. Ils iront au bout de leur logique : totem de la « croissance », destruction de l’État social et des services publics, xénophobie et polémiques absurdes pour amuser la galerie et parler d’autre chose.

On craignait une « chambre introuvable », alors qu’elle est toute trouvée : la droite qui est aux affaires s’allie à chaque fois avec la droite qui ne gouverne pas (LR), et avec l’extrême-droite (RN). Ces droites, de salon, présentables ou extrêmes, sont d’accord sur l’essentiel : la destruction de l’audiovisuel public, la destruction des services publics, la captation des richesses au profit de la minorité qui les finance, la course à la « croissance », l’usage politicien de la « dette » et, bien sûr, la démission générale face aux enjeux climatiques. L’État, aux mains de ceux qui, du reste, le détruisent avec méthode, poursuit donc sur son erre : l’inaction climatique avérée, actée par de multiples condamnations devant des juridictions administratives[9], la dissolution du lien social, l’aggravation logarithmique des injustices[10].

Du devoir d’action des États

Rien ne se fera, alors que ce n’est pourtant pas difficile : il suffirait de quelques mots, jetés sur le papier d’un décret, pour encadrer, pour normer, voire interdire, l’usage de véhicules à moteur thermique dont on sait la nocivité. La puissance mécanique, son perfectionnement et sa diffusion massive depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ont fait de n’importe quel quidam qui a les moyens de se l’offrir, un délinquant, voire un criminel objectif – un contributeur actif à la dévastation en cours. L’interdiction des jets privés, des SUV et autres 4×4 (ces engins démesurés dont l’usage ne peut se justifier quand dans les zones les plus difficiles d’accès) en ville et sur autoroute relève de plus élémentaire bon sens.

Est-ce à l’industrie automobile de décider du sort d’une vie qu’elle contribue à éteindre ? Le pouvoir réglementaire devrait s’intéresser au volume et au poids des voitures individuelles : par quel mystère grossissent-elles autant ? Comment justifier que la mobilité d’un corps de 70 kg exige la construction d’un monstre caréné d’une tonne, voire plus ? Au-delà, pourquoi ne pas appliquer l’obligation du contrôle technique aux motos individuelles, comme l’exige la loi européenne, que la France a décidé de violer ouvertement[11], pour ne pas s’aliéner les mordus du guidon ? Le deux-roues motorisé est un bien curieux engin : pour un seul individu, combien de nuisances sonores, de puanteur et de pollution ? Sans même évoquer le danger que les motards assument et font courir à autrui, le deux-roues à moteur thermique est la matérialisation d’un narcissisme technophile parfaitement hors de propos – archaïque, égoïste, destructeur. La liste est longue : des quads, ces horreurs qui sèment bruit, dégâts et accidents pour satisfaire la pulsion de n’importe quel abruti emporté par l’illusion de la puissance, aux jet ski, ces quads des mers promus par les locataires de Brégançon, une longue liste de réglementations et d’interdictions s’impose.

On criera à la dictature, certes, comme les libéraux américains hurlent dès que l’on prétend encadrer la détention et l’usage de leurs armes. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : d’armes qui détruisent le vivant, massivement et inexorablement, en sus de semer la laideur, le malheur et la désolation. Quiconque dispose de quelques centaines ou milliers d’euros à investir dans un tel loisir se trouve armé par des machines dont la puissance de nuisance et de destruction est inédite dans l’histoire humaine.

Dictature ? Ma liberté ne s’arrête-t-elle pas là où je commence à nuire à autrui, en l’occurrence à l’humanité et plus largement aux conditions de déploiement de la vie sur Terre ? En quoi emprunter le train ou l’avion de ligne au lieu d’un jet privé blesserait-il la dignité de Bernard Arnaud ? Sa dignité dépasserait-elle celle du vulgum pecus ? Sa conception des droits humains est-elle fondée sur l’épître aux Galates, la théologie de Salamanque, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ou sur le bon plaisir obtus de celui qui fait parce qu’il peut, sans aucune autre considération que l’exercice de ce petit pouvoir ? Interdire à un individu de massacrer le climat à coup de dizaines de tonnes de carbone sans aucune nécessité serait-il punitif, comme le répètent des cohortes de commentateurs ignares ?

On criera au fou, également, car, remarquez-le, le réflexe immédiat est de renvoyer au délire celui qui est tout bonnement raisonnable, et d’irréaliste celui qui, humblement, rappelle les conditions du réel : la limite, la finitude, l’impossibilité, dans un monde fini, de courir une course à la croissance infinie. Prononcez le mot « décroissance » sur un plateau de télévision, on vous traitera de malade. Rappelez le droit imprescriptible de l’homme à arroser le vaste green d’un golf pendant que des éleveurs, à deux pas, abattent leurs bêtes par manque d’eau, vous obtiendrez un brevet de bienséance.

Le rappel, pourtant évident, des limites inhérentes à toute existence humaine, à toute habitation d’un monde fini, rend de plus en plus agressifs ceux qui croient, ou feignent de croire, à l’absence de limites, que ce soit par « l’innovation », par les fantasmes transhumanistes ou par l’échappée belle, vers des planètes inhabitables, comme Mars. Comme les fantasmes spatiaux de milliardaires immatures et hors sol sont difficiles à vendre sur les plateaux (ils ne concernent, de toute manière, qu’une petite caste suffisamment riche pour s’envoyer en l’air à un coût écologique désastreux), on préfère prêcher la confiance technophile dans l’innovation, mot récent dans son acception actuelle, mais omniprésent[12]. L’idée derrière ce sermon est que la seule ressource illimitée est la matière grise, qui viendra à bout de toute finitude. L’autre idée est qu’il faut répondre à la saturation d’artefacts par un nombre encore accru d’artefacts – milliers de satellites, panneaux réflectorisants géants, missiles tirés dans les nuages pour faire tomber la pluie… Nous crevons littéralement sous les objets, et nous allons en rajouter, pour nous priver de ciel.

Ce qui détruit l’habitabilité de la Terre, c’est le volume toujours croissant de nos économies, nos flux d’énergie et de matière : la masse d’objets et de services que nous produisons, les infrastructures que nous aménageons, notre alimentation trop carnée et l’artificialisation des sols, généralement irréversible (on goudronne en masse, on ne dégoudronne jamais) ; à quoi s’ajoute le poids écosystémique de la masse démographique humaine. Autrement dit, pour l’essentiel, nos richesses matérielles. La consommation de ressources croît plus vite que le PIB mondial depuis le début des années 2000[13]. Les 10 % les plus riches, dont nous faisons partie, émettent de 34 à 45% des gaz à effet de serre mondiaux, et les 50% les plus pauvres n’en émettent que 13 à 15%[14]. Alors innovons ? Mais que produit d’autre l’innovation technique si ce n’est des gains de productivité qui abaissent l’accès au marché et le coût de l’usage des biens et services et nourrissent ainsi la croissance ? Ou encore l’invention de nouveaux objets et services qui accroissent derechef les flux d’énergie et de matière ? Credo aussi grotesque et stupide que de croire que, incapables de préserver la vie sur Terre, il suffit de la créer ex nihilo sur Mars, dont la gravité rend à jamais impossible toute terraformation.

Quelles perspectives d’action pour les citoyens ?

Que faire face à la violence tranquille, assumée, du déni, de la bêtise et du saccage ?

Rappelons que le « pouvoir » est délégué et consenti à des institutions et à des représentants en vertu du contrat social. Ce contrat social stipule que je renonce à une liberté absolue pour vivre dans un espace politique qui assure ma survie et ma vie, ainsi que celle de toutes et de tous. Dès lors que la survie des membres de la société n’est plus assurée, que la réduction de l’habitabilité de la Terre est même organisée et promue, le contrat social est rompu, et chacun recouvre sa liberté naturelle. La démonstration se trouve chez tous ces philosophes et juristes contractualistes qui, de Hobbes à Rousseau en passant par Locke, ont accouché de nos constitutions et institutions. L’État dispose d’un monopole de la violence physique légitime si et seulement s’il respecte scrupuleusement ce contrat.

Nombre de nos contemporains estiment que ce n’est plus le cas, que l’incompétence, l’inaction et l’irresponsabilité écologiques des « gouvernants » menacent la survie des écosystèmes et des citoyens. C’est ce raisonnement, imparable, qui fonde, au minimum, l’appel à la désobéissance civile[15]. C’est également ce raisonnement qui pourrait fonder le recours à l’action directe chez des militants qui, choqués par la répression qui frappe les mouvements de protestations pacifiques, sont de plus en plus tentés par des actions de sabotage (de golfs, de jets privés, de SUV, de mégabassines…) qu’ils préfèrent appeler, et à juste titre, désarmement.

Notre code civil et notre code pénal sont en retard de quelques décennies sur la réalité des enjeux : les tribunaux qui auront à connaître de ces faits de désarmement n’auront d’autre choix, au regard du droit positif, du droit tel qu’il existe aujourd’hui, que de condamner les auteurs, au nom de l’atteinte aux biens. La propriété est sacrée, et la possession d’un quad me donne le droit d’en user et abuser. Il faudrait beaucoup d’audace et de courage aux juges pour invoquer l’état de nécessité (écologique et vital) et relaxer les auteurs de désarmements – ils seraient réformés en appel ou en cassation. Les juges n’en peuvent mais : le droit les lie, il faut donc changer le droit. C’est au législateur d’agir, par la loi, ou au pouvoir exécutif de prendre des mesures réglementaires, par décret.

L’inaction radicale des néolibéraux face à un enjeu qu’ils ne comprennent pas et dont ils perçoivent bien que le traitement pourrait menacer leur jouissance et leur patrimoine est délétère, car elle porte en elle rien moins que la dislocation de la société.

Dislocation par un activisme qui pourrait croître en colère et en violence et dont la pointe avancée, chez des éléments particulièrement convaincus et désespérés, pourrait déboucher sur un terrorisme qui n’est souhaitable pour personne et qui contribuerait localement à l’aggravation de la destruction environnementale et au malheur de la mort.

Dislocation par l’éloignement progressif de celles et ceux qui, devant un monde objectivement devenu fou, sombrent dans la folie pure et parfaite des récits complotistes. Quand un pouvoir se proclame « camp de la raison » alors qu’il refuse de faire le minimum qui s’impose face à la catastrophe en cours, qu’il défend l’indéfendable (Benalla fut un moment révélateur à cet égard) et qu’il tord le langage en permanence, quand les garants de la démocratie refusent de faire campagne et appellent à voter contre l’extrême-droite pour, le soir même des résultats, appeler à une collaboration avec eux au Parlement, il n’est pas étonnant que nombre de nos contemporains ne trouvent pas plus délirant que le monde soit mené par une cohorte de reptiliens hostiles dévoreurs d’enfants… Où se situe le délire ? Chez ceux qui parfois peu armés intellectuellement et culturellement, adhèrent à des explications baroques, ou chez ceux qui violent ouvertement toutes les règles de la décence politique, manipulent le langage et, oui, complotent, car les complots existent bel et bien. Comment qualifier autrement les petites manigances avec Uber, ou les cabinets de conseil qui contribuent gratuitement à la campagne électorale de 2017 avant de récolter miraculeusement des commandes publiques prodigieusement rémunérées avec l’argent du contribuable[16] ?

Sécession et séparatisme de « ceux qui ont réussi », sacrifice de « ceux qui ne sont rien »

Dislocation, enfin, par la sécession cynique de ceux qui s’estiment tout permis. L’été 2022 aura contribué, s’il en était encore besoin, à révéler l’indécence inouïe de ceux qui s’émancipent de tout sens commun et qui ignorent activement toute notion élémentaire de l’intérêt général. L’usage inconsidéré des vols en jet privé, les dérogations accordées pour l’arrosage des cours de golf, lors d’une sécheresse historique, auront choqué bien au-delà du public informé – de même que le refus obstiné, obtus, capricieux du gouvernement de taxer les surprofits inquiétants des compagnies pétrolières.

La pointe avancée de cette sécession, de ce séparatisme, ce sont les libertariens américains qui financent et soutiennent la frange radicalisée du parti dit républicain. Un compagnon de la première heure d’Elon Musk, le financier Peter Thiel, investit déjà dans des îles artificielles, réservées aux super-riches, où aucune norme ne viendra faire obstacle à la loi du plus fort et du plus bête : aucune fiscalité, aucune règle sociale ou sanitaire, aucune solidarité, aucune régulation concernant les armes à feu. Il s’agit de préparer la survie de quelques-uns dans le contexte d’un désastre assumé comme inévitable : « long before we go to Mars », annonce la communication de ce projet, appelé Seasteading, nous allons vivre, enfin ceux qui peuvent se l’offrir, sur des cités flottantes, seul recours technique après la dévastation des terres[17]. Un miroir aux alouettes de plus : les publicités du projet mettent en scène un océan calme par temps clair, une météo apaisée et bien peu crédible dans le contexte du dérèglement global. L’illimitisme de ces individus, par peur de la mort, par hantise de la finitude (des hommes et des ressources naturelles), par ignorance, aveugle et brutale, conduit à ce genre de dystopies sinistres, dont les scénarios ont été anticipés par ce que le cinéma a produit de plus visionnaire et de plus inquiétant, de Mad Max au Fils de l’homme ou à 2012.

L’étape d’après, nous le savons par ceux qui fantasment encore le pays de Cocagne, c’est Mars – mais pour quelques élus seulement : le darwinisme social est, lui aussi, pleinement assumé. Laissez-nous jouir et détruire, adaptez-vous comme vous le pouvez, et regardez-nous préparer notre fuite, notre grand sauve-qui-peut océanique puis spatial. Ce délire-là, qui assume le coût écologique exorbitant de vols spatiaux Potemkine ainsi que la privatisation du ciel, est financé à coups de millions de dollars.

Tout cela relève certes de l’initiative isolée – on ne peut soupçonner l’existence d’un grand plan visant à laisser faire avant de fuir, au détriment du plus grand nombre. Mais les logiques sont bien à l’œuvre : technophilie, déni, culte de l’argent et de la « liberté », darwinisme social. Si certains ne voient pas aussi loin que Mars, ils peuvent être tentés, par le laisser-faire et le laisser-aller qui est une de leurs marques, de jouer la politique du pire : celle de la dégradation des conditions de vie, d’une protestation sociale de plus en plus massive, suivie d’une répression accrue – bref, un durcissement croissant de la logique néolibérale (atomisation de la société et protection des profits et patrimoines de quelques-uns par une force « publique » de fait privatisée), qui confie la gestion des externalités négatives à la police ou à l’armée.

A l’instar de celles et ceux qui, sur les plateaux de télévision, se font les messagers du fossile, on a affaire ici à de véritables forcenés qui ne peuvent être amenés à la raison ou, du moins, à un comportement raisonnable, que par la contrainte réglementaire ou légale. De cette contrainte, entend-on, il ne saurait être question en régime (néo-)libéral, où la « responsabilité individuelle », la « bienveillance » spontanée, le mécanisme autorégulateur du marché, le tout mis en musique par des « chartes d’éthique » ou des « codes de bon comportement » sont censés tout régler. La contrainte (opposée à ceux qui ont abdiqué toute décence commune) est insupportable : à la hard law de la contrainte d’État, on préfèrera une soft law molle et duveteuse, qui ne sera bien entendu jamais respectée. Dans un univers social en dérégulation accélérée depuis le triomphe du néolibéralisme aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne au début des années 1980, aucune barrière n’est opposée à tous ces passagers clandestins qui jouissent de la société sans vouloir en payer le prix. De l’évasion fiscale à l’arrosage des golfs, en passant par l’abolition de l’ISF, il y a une continuité adamantine – et dévastatrice.

Le refus principiel de la contrainte est extravaguant, et difficile à faire entendre à une société qui, par décret, a été confinée, parfois totalement, pendant de longs mois, à l’occasion d’une pandémie récente. Par rapport à la Covid, les dimensions de la catastrophe géoclimatique sont démentielles. La contrainte la plus dure s’impose déjà à toutes celles et ceux qui perdent leur lieu de vie dans les incendies, et leur maison dont les murs, placés sur des sols argileux en voie de dessiccation, se fendent. Sans parler de ceux qui perdent leur santé, voire leur vie, dans des agglomérations rendues inhabitables par la pollution de l’air et la canicule. Parler d’« écologie punitive », opposée, par les éléments de langage dominants, à « l’écologie des solutions » n’a aucun sens : la punition est déjà là, dans l’enfer des chaleurs extrêmes, des sécheresses récurrentes, de la tropicalisation des mers, avec des phénomènes jusqu’alors rares ou inconnus (récoltes en bernes, mégafeux, inondations hors normes, grêles dévastatrices, tornades, orages d’une violence inédite, glissements de terrain, etc.).

De même que l’on a su mettre sous cloche un pays pour éviter la saturation d’hôpitaux détruits par les politiques « d’économies », d’ « austérité » et de « réduction de la dette », au prix d’une dette surmultipliée (on admire, au passage, le réalisme de cette gestion exemplaire qui préfère fermer des lits), il serait possible de prendre immédiatement les mesures qui s’imposent, infiniment moins contraignantes que les confinements sanitaires ou que les conséquences de l’inaction climatique : réduction drastique du trafic aérien (on se passera des week-ends à Barcelone), de la circulation des moteurs thermiques, de l’agrochimie dont la nocivité sanitaire et écologique est avérée, etc… Il y aurait des débats et des désaccords, c’est le cas en démocratie, mais le consensus social autour de mesures que la logique la plus élémentaire impose serait massif en regard des conséquences qui sont désormais partout visibles sur le territoire.

L’irresponsabilité des « responsables » politiques

Il faudrait pour cela des « responsables » politiques vraiment responsables, et non des managers décérébrés ou des politiciens occupés courir sans cesse derrière l’extrême-droite.

La question de l’inscription dans le temps est, ici, décisive. On sait que les « responsables » politiques ont parfois du mal à penser le long, voire le moyen-terme, car ils sont rivés au court-terme des élections. Quant à la « science » économique, la longue durée est un élément qu’elle n’intègre pas, car, comme le remarquait plaisamment Keynes, à long terme, nous sommes tous morts.

Dans le cas présent, la contradiction entre l’horizon borné des « décideurs » et la réalité des phénomènes est béante : les mesures qu’ils prendraient aujourd’hui n’auraient que peu d’effets avant une ou deux décennies, en raison de l’effet d’inertie des phénomènes géoclimatiques et du caractère cumulatif de processus que nous avons provoqués, mais que nous ne maîtrisons pas. En clair, l’arrêt total des émissions de gaz à effet de serre n’empêcherait pas la forêt de brûler ou la banquise de fondre avant longtemps.

En clair aussi, pour les générations auxquelles appartiennent les auteurs de ces lignes, c’est déjà trop tard, et peut-être même pour celle de leurs enfants : les incendies en Bretagne, en Anjou, dans les Vosges et même dans le Jura vont se répéter et s’intensifier. Ce constat décourageant peut apparaître comme une incitation à perpétuer un laisser-aller désastreux, une jouissance (pré-)apocalyptique, molletonnée dans un déni veule et confortable.

C’est un choix possible, qui semble être majoritairement celui de « décideurs » qui ne décident rien du tout, ou rien qui soit à la hauteur des enjeux. Le « pouvoir » actuel, qui n’est qu’une immense impuissance, n’a rien à dire sur le désastre écologique en cours, sinon prêcher la résignation et appeler à la nécessaire « adaptation », ce mantra néolibéral bien étudié par Barbara Stiegler[18], et qui consiste à demander d’accepter l’inacceptable, dans le domaine fiscal, social, écologique… S’adapter est le pendant d’un autre verbe, ce j’assume qu’ils ne cessent de répéter, et qui signifie : oui, c’est faux, oui, c’est mal et je le sais, mais c’est mon bon plaisir et, au fond, je m’en moque totalement. Entendons-nous : l’adaptation est écologiquement nécessaire, mais in fine inutile si nos émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter chaque année, comme c’est le cas, à l’exception de l’année 2020, marquée par les confinements.

Difficile d’éduquer ces gens au désintéressement, voire à la sobriété, qu’impliqueraient des décisions réellement pertinentes et courageuses : leur inscription dans le temps est superficielle et faible et leur logiciel, métaphore informatique qui leur est chère, les rend parfaitement intempestifs, étrangers à notre temps, à ses enjeux et à ses questions. De quoi les « pouvoirs » actuels sont-ils contemporains ? Leur univers mental est quasi-unanimement néolibéral, ce qui les rend contemporains de ceux qui, entre 1945 et 1950, voulaient ressusciter le libéralisme économique, si violemment pris en défaut depuis la crise de 1929 et la Grande Dépression, pour faire face au danger communiste soviétique et à la social-démocratie keynésienne qui, à leurs yeux, était peut-être pire encore que les lointaines exclamations de Khrouchtchev. Les néolibéraux qui nous gouvernent sont donc fermement arrimés aux années 1950 ou, au mieux, à ces années 1980 qui ont vu Thatcher et Reagan réciter les textes que des universitaires épouvantés par la création de la Sécurité sociale avaient écrits pour eux trente ans auparavant. Le logiciel du « nouveau monde » est celui de la guerre froide, élaboré par des hommes qui prônaient l’exploitation illimitée des ressources et du « capital humain » pour faire advenir une société d’abondance où la consommation généralisée, la satisfaction matérielle universelle, conjureraient tout risque d’avènement de la gauche ou des communistes.

La période de haute croissance qui marqua l’occident à partir de 1945, ces fameuses « trente glorieuses » exaltées par des néolibéraux qui rêvent toujours de les retrouver, a abouti à des désastres écologiques sans précédents dans l’histoire de l’humanité, et dont la réalité est apparue manifeste dès le début des années 1970[19]. Les connaissances, les données, les « évidences », pour employer un anglicisme, étaient déjà là. On sait qu’elles furent sciemment étouffées par des intérêts privés qui assumaient, déjà, de tuer, et de tuer en masse, pour maintenir un taux de profit acceptable. L’industrie pétrolière a, on le sait désormais à l’exemple d’Exxon, à sa mesure de Total, été aussi criminelle que l’industrie du tabac, en s’opposant à toute diffusion publique d’une information scientifique et sanitaire pourtant vitale et d’intérêt public[20].

Les « décideurs » actuels, qui ne sont pas de notre temps, continuent à nous faire perdre un temps précieux. Celui qui, par opportunisme de communication, a inventé le consternant Make the Planet great again, un assemblage de mots qui fait souffrir les anglicistes et les anglophones, car il ne veut littéralement rien dire, est le même qui a demandé au président ougandais de faciliter à Total la réalisation de 400 forages pétroliers dans des zones naturelles protégées de son pays[21] et dont les gouvernements, condamnés pour inaction climatique, ont encouragé l’usage des pesticides[22]. Le contraste entre les pitreries d’un marketing politique bon marché, de slogans intellectuellement et linguistiquement aberrants, et la réalité des actes révèle un cynisme qui dépasse l’entendement.

Nous sommes tous affectés par la catastrophe

Face à ce cynisme et à cette malhonnêteté, un nombre croissant de citoyens se trouve démuni, en réelle souffrance intellectuelle et morale.

La terreur que l’on peut légitimement éprouver face à l’emballement des processus climatiques est un affect à prendre au sérieux. Il conduit à une neurasthénie, à une dépression massivement constatée, notamment chez les jeunes générations[23] : la destruction des lieux de vie, des patrimoines naturels et humains, des conditions mêmes de l’habitabilité de la Terre est une perspective, ou plutôt une réalité, qui conduit au recroquevillement et au retrait. La dépression est un choc anaphylactique de l’intelligence et de la psyché : pour éviter de souffrir démesurément, la psyché se met en veille, comme le corps face à une agression violente et brutale. Cette souffrance massive est en soi inacceptable. Elle a de surcroît un coût humain et social terrible : combien de renoncements, de démissions, d’abandons de postes chez les plus sensibles et les plus éclairés de nos contemporains, dont l’activité dans les domaines de l’éducation, du soin, de l’intelligence en général, fait tenir le lien social ? Les brutes fascinées par la domination, la puissance et l’exploitation sont généralement moins sensibles aux désastres en cours : par leur fuite en avant, ils l’alimentent, par leur aveuglement, ils l’ignorent.

La terreur peut également se traduire en un autre affect, une colère immense, salutaire, productrice d’action politique – si tant est que les institutions le permettent et que le débat public ne soit pas saturé par les discours de ceux qui croient avoir tout intérêt au statut quo : ceux qui, coûte que coûte, veulent jouir de leur puissance mécanique, de leur argent, au mépris de l’intérêt général. Dans le cas contraire, le verrouillage des institutions et des canaux d’expression peut conduire à une rage incontrôlable, source de violence et de malheur pour tous, sauf à parier sur le succès d’une révolution que, face à malhonnêteté d’un pouvoir veule qui abîme la démocratie, beaucoup peuvent désormais légitimement souhaiter.

Par manque d’imagination et d’empathie, par leur bêtise et leur inculture, par leur incapacité à projeter et se projeter, par leur cynisme et leur médiocrité, nos « gouvernants » sabotent un régime démocratique déjà fragile et abimé. Leur rôle serait de servir l’intérêt général et non de voler au secours des intérêts particuliers qui les financent, qui les conseillent et les influencent. Entendre un ministre défendre les vols en jet privé car « cela crée des emplois », c’est pousser décidément bien loin l’indécence : en abolissant la peine de mort, on a aussi supprimé des dizaines d’« emplois ». L’emploi, le salariat, l’économie en général ne sont rien en soi : il faut s’interroger sur leur sens et sur leur contenu moral, social, humain. Faciliter les caprices d’un quelconque puissant qui brûle du kérosène et les territoires qu’il survole sans même les voir n’a aucun sens. C’est de la pyromanie. A suivre ce raisonnement, félicitons les incendiaires qui ajoutent l’étincelle décisive aux grille-pains que sont devenues nos forêts : ils font travailler les pompiers, les journalistes et les psychothérapeutes. Eux aussi créent de l’emploi, de la richesse et du PIB.

Ce sont plusieurs fois par jour que celles et ceux qui devraient éclairer, nourrir le débat et montrer l’exemple prennent ouvertement leurs concitoyens pour des imbéciles. Au lieu de parler et d’affronter l’essentiel (la destruction de nos vies, la casse du lien social par la destruction des services publics et l’explosion des inégalités sociales), ils amusent la galerie par des polémiques stupides, des punchlines indignes ou des propositions insensées. On croule littéralement sous les exemples, car la machine à enfumer tourne à plein. Récemment, on a vu un ancien avocat devenu ministre et qui, naguère, protestait légitimement contre les conditions de détention indignes imposées par les prisons françaises, emboîter le pas à l’extrême-droite à propos d’activités offertes aux détenus de Fresnes – une prison où les effets de la canicule sont aggravés par la surpopulation et par l’impossibilité de dératiser les bâtiments… Ledit ministre a ainsi annoncé une enquête administrative sur des activités approuvées par toute la chaîne de décision, jusqu’à son cabinet : la prison, ce ne sont pas des vacances, paraît-il. Il est pourtant bien placé pour mesurer l’indécence du propos dans un pays qui est régulièrement condamné pour traitement inhumain et dégradant en raison de l’état lamentable de ses prisons[24], où le sens de la peine (l’amendement et la réinsertion) a été sacrifié.

Être plongé au quotidien dans un tel bruit, dans une telle suite de mots incohérents, de décisions absurdes et d’inactions coupables est plus qu’éprouvant pour tout citoyen raisonnable et décent. L’espace public est saturé par ces sottises et les commentaires sans fin qu’ils engendrent, pendant qu’un scandale chasse l’autre et que l’atmosphère brûle. On y reconnaît là une tactique éprouvée de l’extrême droite américaine qui, par la voix de Steve Bannon, conseiller de Trump et orateur recherché au FN/RN, expliquait élégamment qu’il fallait noyer les gens dans la merde (sic) pour qu’ils ne sachent plus quoi faire ni à quoi réagir, version scatologique de l’écran de fumée dont son maître, twitteur compulsif, usait à merveille[25]. On est interdit, médusé, face à un tel abaissement voulu, mais aussi de plus en plus systématique, algorithmique, du débat public, escamoté, subtilisé, pour permettre l’impardonnable. Le langage du « pouvoir » ne peut être un mensonge permanent, une hypocrisie structurelle, une indécence « assumée », une négation effrontée des évidences et des urgences de l’heure – au risque que le lien politique se délite.

On pourrait y voir une politique du pire tranquillement « assumée » : après tout, face à des processus irréversibles et immaîtrisables à moyen terme, autant sauver les intérêts de leur monde (au détriment de ceux du monde) en l’armant au mieux (par les avantages fiscaux, les dérogations permanentes, et par la répression d’État), aggraver la sécession et préparer une fuite, bien improbable, quand la catastrophe aura rendu toute vie commune impossible. « Ceux qui ont réussi » imaginent bien pouvoir s’en tirer en laissant derrière eux « ceux qui ne sont rien ».

La démocratie délibérative et parlementaire est une chance, précieuse et unique, dans l’histoire politique – une chance rare, minoritaire dans le vaste champ des régimes jusqu’ici adoptés par les sociétés humaines. Elle ne doit pas être gâchée par le jeu d’intérêts privés si manifestement contraires à l’intérêt général, par l’action incontrôlée des lobbies, par la mainmise de cabinets de conseil incapables de penser la réalité des problèmes, prompts à dégainer, pour chaque situation, peu importe le lieu ou le cas, des process préétablis, dogmatiques et ineptes, inspirés par une idéologie sclérosée, celle du profit et de la monétarisation générale, hostile aux communs et au vivant. Elle requiert, également, un minimum d’honnêteté intellectuelle et morale devant la somme proprement himalayenne des données récoltées, des savoirs accumulées et des conclusions qui, toutes, montrent le caractère mortifère d’une civilisation thermo-industrielle, capitaliste et consumériste sans frein. La démocratie a toujours été un pari, un pari risqué. C’est plus vrai aujourd’hui que jamais : ceux qui en ont la charge, au sommet des institutions, l’abiment de manière irresponsable.

Rappelons que, le 15 mars 1944, le programme du Conseil National de la Résistance, face au traumatisme de la défaite, de l’occupation et de Vichy, voulait rétablir « la liberté de la presse, son honneur, et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères » et instaurer « une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ». On en est toujours là, et là encore, plus que jamais.

* * *

Le tour de force de l’extrême-centre est de faire passer pour raisonnable, pour modéré, pour un juste milieu ce qui est une aberration délétère, une folie dogmatique dont on voit les ravages croissants : l’impuissance politique organisée devant la catastrophe en cours, la perpétuation et défense de ce qui détruit la vie sur Terre, le laisser-faire quasi-intégral mâtiné de techno-solutionnisme béat et de destruction méticuleuse des services publics. Tout le monde sait ce qu’il en est de l’hôpital, de l’école, de la justice… mais la destruction, pour des raisons d’ « économies », touche aussi Météo-France et l’Office National des Forêts : après avoir disloqué l’hôpital en fermant des lits au cœur même de la pandémie de Covid[26], les génies qui nous « gouvernent » révèlent une fois encore leur sens de l’opportunité. Est-on nécessairement un islamo-gauchiste impénitent, un amish rétrograde ou un dangereux irréaliste quand on le dénonce ? Qui est irréaliste en l’espèce, et qui, au contraire, prend la juste mesure du réel ?

L’extrême-centre et le néolibéralisme consistent à organiser l’impuissance de l’État, de l’État tiers en surplomb, dont la fonction est d’empêcher une minorité qui se croit tout permis de se sur-enrichir au point de faire exploser la société et, désormais, de rendre la vie proprement invivable. Rien de bien révolutionnaire à cela, simplement l’expression de la pensée politique de Hegel[27] au début du XIXe siècle… Et évidemment cette organisation de l’impuissance, qui laisse filer les inégalités, a pour seul horizon la fin de la démocratie et de l’État de droit[28], comme l’illustre à merveille le trumpisme, coup de boutoir violent administré à une démocratie toujours vulnérable[29].

Précisons que les signataires de ce texte ne sont pas d’accord sur tout, c’est le cas dans toute démocratie libérale, et qu’ils en débattent. Mais ils s’accordent sur le minimum rationnel, sur l’évidence des preuves et des données, disponibles en surnombre : quelqu’un qui nierait que le feu brûle nous surprendrait beaucoup ; sauf sur certains plateaux de télévision, dans certaines matinales, ou dans les colonnes de certains journaux, où ceux qui nient ont table ouverte.

Par ailleurs, les auteurs pourraient se considérer comme des bénéficiaires de l’impuissance politique dénoncée, ne serait-ce que fiscalement : la destruction de l’État allège leur feuille d’impôts (puisqu’il faut les baisser à tout prix, tout en remboursant la dette !). Mais la bêtise ambiante ne les a pas encore conduits à préférer l’achat de quelques babioles supplémentaires à la préservation d’une vie digne sur Terre. Et le darwinisme social odieux, violent, inhumain, qui distingue « ceux qui ont réussi » de « ceux qui ne sont rien » leur fait horreur ; comme la dévastation en cours et les perspectives cauchemardesques promues par des imbéciles d’abord inconscients et, désormais résignés devant les méga-feux qui nous frappent. Nous ne nous résignons pas.

NOTES

[1] https://www.lesechos.fr/2015/01/emm... . Et, bien entendu, il « assume » : https://www.europe1.fr/politique/Ma...

[2] Immanuel Kant, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, prologue.

[3] https://www.amnesty.fr/actualites/d...

[4] Nicolas Werth, Les grandes famines soviétiques, Paris, Puf, Que sais-Je, 2020.

[5] https://www.cairn.info/revue-vingti...

[6] https://www.lexpress.fr/actualite/p...

[7] Bruno Amable, Stéfano Palombarini, L’illusion du bloc bourgeois, Paris, Raisons d’agir, 2018.

[8] Pierre Serna, L’extrême centre ou le poison français, Seyssel, Champ Vallon, 2019, 296 p. et La République des girouettes, 1789-1815, et au-delà : une anomalie politique, la France de l’extrême centre, Seyssel, Champ Vallon, 2005.

[9] https://www.vie-publique.fr/en-bref... et https://www.oxfamfrance.org/laffair...

[10] Voir Lucas Chancel, Insoutenables inégalités. Pour une justice sociale et environnementale, Paris, Les Petits matins, 2021.

[11] https://www.conseil-etat.fr/actuali...

[12] On pourra écouter François Jarrige sur ce sujet : https://www.youtube.com/watch?v=7T6...

[13] Heinz Schandl et al., Global Material Flows and Resources Productivity : Assessment Report for the UNEP International Resource Panel, Nairobi, UNEP, 2016.

[14] IPCC AR6 WG 3, B.3.4 : “Globally, the 10% of households with the highest per capita emissions contribute 34–45% of global consumption-based household GHG emissions,21 while the middle 40% contribute 40–53%, and the bottom 50% contribute 13–15%. (high confidence) 2.6, Figure 2.25.”

[15] Voir Dominique Bourg, Clémence Demay & Brian Favre (dir.), Désobéir pour la terre. Défense de l’état de nécessité, Paris, Puf, 2021.

[16] http://www.senat.fr/notice-rapport/...

[17] https://www.theguardian.com/environ...

[18] Barbara Stiegler, « Il faut s’adapter ». Sur un nouvel impératif politique, Paris, Gallimard, NRF Essais, 2019.

[19] Voir le collectif intitulé Une autre histoire des trente glorieuses. Modernisation, contestations et pollutions dans la France d’après-guerre, Paris, La Découverte, 2013, 320 p.

[20] https://www.sciencedirect.com/scien...

[21] https://www.mediapart.fr/journal/ec...

[22] https://www.lemonde.fr/planete/arti...

[23] Voir The Lancet Planetary Health : https://papers.ssrn.com/sol3/papers...

[24] https://www.lemonde.fr/societe/arti...

[25] https://www.lemonde.fr/politique/ar...

[26] https://www.lemonde.fr/societe/arti...

[27] Voir Dominique Bourg, Le marché contre l’humanité, Paris, Puf, 2019.

[28] Voir Johann Chapoutot, Le meurtre de Weimar, Paris, Puf, 2010, rééd. Paris, Puf, Quadrige, 2015.

[29] Voir pour les USA : Anne Case & Angus Deaton, Morts de désespoir. L’avenir du capitalisme, Paris, Puf, 2021 (2020) & Michael J. Sandel, La tyrannie du mérite, Paris, Albin Michel, 2021 (2020). Pour les inégalités en général, https://wir2022.wid.world/www-site/....

Rédigé par : J. Chapoutot & D. Bourg


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