La domination de classe par l’hégémonie intellectuelle (Gramsci 2)

mercredi 28 février 2018.
 

C’est au moment de son emprisonnement que la pensée politique de Gramsci atteint sa maturité. Cependant, c’est une fois incarcéré que le socialiste révolutionnaire forme sa pensée, devenant le théoricien du marxisme le plus original.

Sa pensée est rassemblée dans les 3000 pages des Cahiers de Prison. Un ensemble de notes sur l’histoire italienne, la politique, la littérature et la culture, le fascisme, l’église catholique, le marxisme, la philosophie, les théories de l’éducation, Croce, Machiavel et les intellectuels.

Selon Gramsci, la famille, l’école, l’Église, les partis, les professions, l’institution scientifique, universitaire, artistique, les moyens de communication de masse constituent une forme de domination de classe. Elle se réalise au sein d’un mode de vie et de pensée, d’une forme de la culture et des rapports sociaux. Dans les plis et replis de l’existence quotidienne se fabriquent l’adhésion et le consentement qui assurent l’hégémonie. Pour Gramsci, le pouvoir de l’État n’est donc pas la source de l’hégémonie mais son résultat. En cela, il ne fait que suivre l’histoire de l’Église catholique, modèle type de l’institution qui a multiplié au cours des siècles, les formes de domination.

Gramsci explique en quoi la notion d’hégémonie est indispensable à tout processus de conquête du pouvoir. Dans sa pensée, les intellectuels jouent un rôle déterminant dans la constitution et le maintien de cette hégémonie. Schématiquement, le parti communiste serait à l’intellectuel marxiste, ce que l’Église est à l’intellectuel dit traditionnel catholique. Il montre déjà la dimension religieuse du parti, bien que le parti aspire à devenir l’État là où l’Église est déjà sinon l’État ou une instance semblable à l’État. C’est ainsi qu’il théorise la fonction de l’intellectuel organique et la notion de métapolitique. C’est-à-dire que la conquête du pouvoir politique passe d’abord par la conquête de l’hégémonie culturelle.

Dans les sociétés occidentales, il est impossible de prendre le pouvoir politique sans contrôler d’abord le pouvoir culturel. C’est pourquoi il convient d’adapter les théories marxistes de révolution et de dictature du prolétariat à la réalité sociale.

De même, la prise du pouvoir étatique à l’aide d’une insurrection politique est impossible dans les mêmes sociétés évoluées, s’il n’y a pas préalablement un long travail idéologique de préparation du terrain au sein de la société civile.

Pour Gramsci, l’avènement du socialisme ne passe ni par le putsch, ni par l’affrontement direct, mais par la subversion des esprits. Il faut donc contrôler la "culture" parce qu’elle est la clé des valeurs et des idées. En effet, dans nos sociétés, la société civile joue un rôle décisif par rapport au politique, et l’hégémonie idéologique et sociale l’emporte, souvent, sur la domination politique et sur la force.

S’inspirant de Machiavel, Gramsci assigne dès lors une tâche déterminante aux "intellectuels" ; par un travail de termite, ils doivent saper les valeurs de la société traditionnelle et capitaliste. Ayant une fonction sociale et politique, ils doivent être ralliés ou détruits.


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