« J’ai rencontré une maman seule qui rationne tout » – Récits des caravanes populaires qui ont sillonné le pays cet été

mardi 6 septembre 2022.
 

Cet été, pendant que certains avaient la chance de partir en vacances, les insoumis ont sillonné le pays. Les caravanes populaires sont allées à la rencontre des Français·es. Quartiers populaires, zones rurales, partout les témoignages sont les mêmes : la France est en état d’urgence sociale.

L’Insoumission a rencontré Leïla Ivorra et Clarence Mac Dougall, respectivement 27 et 24 ans. Ces deux insoumis ont tous deux participé aux 20 étapes sur les deux caravanes populaires du jeudi 11 au samedi 20 août (retrouvez la carte du trajet des caravanes ici). Un récit concret pour mesurer le pouls du pays. Entretien croisé.

Leïla et Clarence, pouvez-vous nous expliquer brièvement le concept des caravanes populaires ?

Clarence : Les caravanes populaires ont été créées par Mathilde Panot en 2016. Les campagnes sont parfois différentes, mais le format reste le même : une ou plusieurs caravanes partent pendant plusieurs jours pour aller au plus proche des gens, dans les quartiers et discuter avec eux, être à leur écoute notamment en porte-à-porte. On se rend la plupart du temps dans des endroits où l’abstention est forte, là où les pouvoirs publics ont abandonné nos concitoyens. L’enjeu est d’être en campagne permanente et que nous, militants insoumis, soyons toujours au plus proche du peuple sans jamais quitter le terrain.

Cet été, nous avons choisi de faire campagne sur le pouvoir d’achat. Nous avons aussi annoncé notre grande marche contre la vie chère qui aura lieu courant octobre.

Leïla : Chaque jour, nous faisons une nouvelle ville, on arrive sur place à 16h, toujours accueillis par les militants locaux. On monte un stand afin de créer un espace convivial de discussions. Très vite, nous partons en porte-à-porte avec les militants. Le porte-à-porte est le meilleur moyen de toucher un maximum de personnes. Les études le montrent : en tractage c’est une personne sur cent qui sera réceptive à la discussion, alors qu’en porte-à-porte, c’est une personne sur dix !

Le thème choisi pour ces caravanes était donc le pouvoir d’achat, mais nous sommes avant tout à l’écoute des gens et de leurs préoccupations.

Vers 19h, on se retrouve avec les militants et quelques habitants au point fixe afin de partager un apéritif citoyen. Quand un député est là, il prend la parole pour rendre compte de son travail parlementaire et prolonge les discussions qui ont eu lieu en porte-à-porte

Pouvez-vous nous livrer votre ressenti global après ces caravanes à travers le pays ?

Leïla Ivorra : Lors de ces caravanes, les gens se demandaient pourquoi on était là, alors qu’il n’y avait pas d’échéance électorale derrière. Quand on arrive comme ça en plein été dans les quartiers populaires, il ne reste que celles et ceux qui n’ont pas pu partir en vacances. Lors de ces caravanes, on a pu beaucoup discuter des préoccupations sociales des habitants, de leur situation aussi. On a un peu tout fait ! Ça nous a aussi conduits à aider des habitants très isolés dont le siphon était bouché ou dont la lampe avait grillée… Autant de manières de rencontrer des gens, d’engager la conversation et de se montrer utile.

« Les gens se demandaient pourquoi on était là, alors qu’il n’y avait pas d’échéance électorale derrière »

On a rencontré beaucoup de mères seules avec des enfants en bas âge, ainsi que beaucoup de personnes âgées avec de trop petites retraites pour pouvoir partir en vacances. On a eu de très bons retours avec la plupart des gens qui nous ont félicités et encouragés dans notre action. Quand on vient discuter en dehors des périodes électorales sur une thématique comme celle du pouvoir d’achat, de la lutte contre la vie chère, forcément ça parle ! Les quartiers où on est allés sont fortement marqués par l’abstention et la pauvreté. On essaie de recréer de la confiance dans la politique.

Clarence Mac Dougall : Oui effectivement. Parfois les gens se demandaient pourquoi on était là, alors qu’il n’y avait pas d’échéance électorale à venir. Après leur avoir expliqué que nous serons toujours sur le terrain pour les écouter, ils étaient davantage contents de nous voir. Partout en France, les militants insoumis s’étaient engagés à revenir après la présidentielle et les législatives et nous avons tenu notre promesse !

Très souvent, les gens nous parlaient d’eux-mêmes du pouvoir d’achat comme tout le monde est touché par la hausse des prix. Les propositions de la NUPES comme le SMIC à 1500 euros net, le gel des loyers et le blocage des prix faisaient immédiatement écho.

Pouvez-vous nous raconter ces témoignages qui vous ont marqué ?

Leïla Ivorra : Avant de raconter, je tiens à dire qu’on a parfois rencontré des gens dont les témoignages étaient très durs à encaisser psychologiquement. Et je tiens à ajouter, car on ne l’a pas dit tout à l’heure, qu’on a fait beaucoup d’étapes avec des députés insoumis où on expliquait comment le député pouvait être un relai pour aider. « Quand on voit l’état de la France dans certains quartiers, on se dit que l’urgence est partout »

Clarence MacDougall : Certains témoignages sont parfois pénibles à entendre. Je me rappelle d’un retraité lors de l’étape de Tarascon-sur-Ariège (commune rurale de 6 000 habitants, en Ariège, NDLR) qui vient discuter avec nous sur notre stand après le porte-à-porte. Il sort une feuille A4 et commence à écrire le montant de sa retraite : 1 360 euros. Puis, il écrit tous ces prélèvements : loyer, assurance pour sa voiture, gaz, électricité, eau… À la fin, il ne lui reste que 60 euros pour vivre. Il y a beaucoup de colère. Je me rappelle qu’il nous a dit : « si ça continue comme ça, à la fin, ça va être une révolution, nous n’aurons pas d’autre choix ».

Je me rappelle que la même personne avait ajouté qu’elle avait de la chance, malgré ses 67 ans, car elle pouvait toujours travailler au black tandis que d’autres « étaient plus dans la merde que lui », car arrivés à la retraite, ils sont épuisés et touchent une véritable retraite de misère. Vous voyez le problème ! Nous, on veut des retraites pour toutes et tous, à 60 ans, à taux plein et revalorisées. Ça suffit que des gens se crèvent à la tâche pour des salaires de misère jusqu’à leurs vieux jours. Il y a un droit au repos !


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message