BOLIVIE : A la croisée des chemins

mardi 9 octobre 2007.
 

La droite se mobilise en Bolivie et bloque le processus constitutionnel. Seul un approfondissement des mesures progressistes pourra faire sortir le gouvernement de ce piège.

Depuis le début du mois de juillet, la vie politique bolivienne est marquée par la campagne que mène l’opposition pour déplacer la capitale du pays, de La Paz, siège actuel du pouvoir exécutif et législatif, à Sucre, siège du pouvoir judiciaire et capitale du pays jusqu’en 1899. La droite veut ainsi déplacer la capitale dans une ville conservatrice, éloignée de l’épicentre des luttes politiques, mais elle cherche aussi à polariser le débat politique sur une question qui divise les régions.

Mi-août, une crise a éclaté suite à la décision des élus du Mouvement vers le socialisme (MAS, parti du président Evo Morales) à l’Assemblée constituante d’empêcher la discussion sur cette question lors des sessions. Le gouvernement a également décidé de faire passer en jugement quatre membres du Tribunal constitutionnel pour corruption. Ces deux questions sont utilisées par la droite comme prétexte pour déclencher une série de mobilisations déstabilisatrices.

La convocation d’une Assemblée constituante par le gouvernement Morales a pour origine la volonté d’un changement en faveur des secteurs indigènes et populaires. Le gouvernement a convoqué rapidement la Constituante, mais il fait d’importantes erreurs de fond, qui expliquent l’enlisement actuel. Il l’a convoquée à travers une loi spécifique, dont le contenu est très critiquable. Elle ne donne pas la possibilité aux organisations sociales d’être représentées directement, rend difficile la formation de groupes d’électeurs en dehors des partis existants, et requiert la majorité des deux tiers pour approuver un texte. Cela a permis à l’opposition de droite de ressusciter politiquement, et d’obtenir, aux élections de juillet 2006, plus d’un tiers des sièges. À partir de là, la droite et l’oligarchie ragaillardies ont réussi à imposer l’ordre du jour des débats politiques.

Dès le début des travaux, en août, les activités de la Constituante se sont enlisées dans de grandes polémiques procédurales, qui ont duré jusqu’en février 2007. Dans une atmosphère perturbée et désorganisée, les travaux ont été prolongés jusqu’au 14 décembre. La campagne de déstabilisation de la droite a réussi, et les séances ont dû être suspendues pendant un mois, en septembre. Si l’Assemblée réussit à terminer ses travaux, la nouvelle Constitution, qui devra être ratifiée par référendum, sera une amélioration par rapport à l’existant. La portée des changements s’est cependant significativement rétrécie, et les réformes partielles de la Constitution sont bien en deçà des aspirations exprimées lors des luttes de la période 2000-2005.

Ce processus illustre les contradictions et les limites stratégiques du gouvernement du MAS. Il se retrouve pris au piège par sa propre volonté de vouloir remettre les changements politiques sur les rails d’une voie parlementaire et institutionnelle « ordonnée ». Quand il a recours à la mobilisation populaire, comme lors du calbido (« conseil municipal ») massif du 20 juillet à La Paz contre le déplacement de la capitale, ou lors des marches de Sucre, le 10 septembre, en défense de la Constituante, c’est seulement de façon défensive.

Le gouvernement doit opérer un tournant dans sa stratégie. Il faut approfondir les changements sociaux et économiques progressistes et sortir de la dynamique parlementaire institutionnelle et des débats imposés par la droite. Il faut relancer une politique qui s’appuie sur la mobilisation des secteurs indigènes et populaires. Ces secteurs doivent redescendre dans la rue, renforcer leur organisation pour se mobiliser contre la droite et, simultanément, pousser le gouvernement du MAS à sortir des limites qu’il s’est pour l’instant refusé à franchir.

De La Paz, Josep Maria Antentas et Esther Vivas, traduit par Jack Radcliff


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