Le cancer de l’hôpital public : les cabinets de conseil privés

samedi 16 juillet 2022.
 

Comme tous les banquiers d’affaire, Emmanuel Macron adore les cabinets de conseil. Si le scandale McKinsey a fait beaucoup parler, à l’Hôpital public aussi le recourt à des cabinets de conseil sanguinaire devrait attirer l’attention médiatique. Ces cabinets répondent à un seul et unique objectif : réduire les dépenses publiques. Peu importe l’humain, peu importe les morts dans les couloirs d’hôpitaux faute de moyen. Le comble : l’appel à ces cabinets, censés réduire la dépense publique, représente des couts faramineux pour l’État. Les coûts de « consulting », comme disent les initiés, explosent. Une folie toute macronienne. Notre article sur ce qui devrait constituer un scandale d’État.

Imaginez. Chaque matin, vous arrivez au travail avec un objectif : sauver la vie d’autres êtres humains. Pas d’une manière indirecte, en fabriquant ou commercialisant un objet qui peut-être, un jour, servira à quelqu’un à se tirer d’un mauvais pas qui pourrait lui être fatal. Non. Littéralement. Sauver des vies. Votre métier, soigner. Chaque jour, examiner, échanger avec ses collègues, décider, agir avec tout un collectif et parfois, souvent, sauver une vie. Pour un temps bien sûr, puisqu’il faudra recommencer, jusqu’à l’échec final. Cependant, ce temps, c’est celui de nos parents, de nos amis, de nos enfants. Du temps en plus à profiter de la vie, à donner et recevoir l’amour de ses proches.

Imaginez, un matin, au milieu de tous ces humains qui s’échinent à sauver la vie d’autres humains, vous découvrez une espèce étrangère. Un corps sain, souriant, bien habillé. Difficile de se méfier. Pourtant, sans que vous ne le sachiez, ce corps, si semblable en apparence, mais en même temps foncièrement étranger, veut votre perte. Dans votre domaine, cela porte un nom. Un nom terrible, qui ôte parfois le goût de vivre à ceux qui le touchent. Un nom qui concentre des efforts immenses de la recherche médicale depuis des dizaines d’années, avec des petites victoires, pour beaucoup de morts.

Imaginez. Vous, membre du personnel soignant d’un hôpital public de la fin des années 90 ou du début des années 2000, venait de rencontrer un membre d’un cabinet de conseil privé.

Vous ne le savez pas encore mais votre vie professionnelle est sur le point de basculer. Vous parlez de vie. Il parle de coût. Vous parlez de gagner du temps pour votre patient. Il parle d’efficience. Vous parlez de problème d’organisation, de manque de soutien psychologique ou politique, de matériel vétuste. Il parle d’optimisation de la logistique hospitalière. Vous espérez pouvoir mieux soigner. Il voit des gros billets.

Ouvrez les yeux, nous sommes en 2022. Vous savez qui compte les dépressions des collègues à bout de force et les traumatismes des patients dont les opérations ont été repoussées par manque de moyens dans le système de santé public. Une question simple, cruciale, puissante s’impose à votre esprit : Comment a-t-on pu en arriver là ?

Décennie 90, première métastase, baptisée MEAH pour Mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers. Sur l’impulsion du gouvernement, celle-ci construit les conditions parfaites pour que les gros cabinets de conseil s’immisce dans le fonctionnement des hôpitaux. Ainsi débute le « phénomène tentaculaire« , tel que le décriront les sénateurs chargés d’une mission d’enquête sur les cabinets de conseil, qui mettra à terre l’un des systèmes de soins les plus avancées de l’histoire de l’humanité.

Fin des années 2000, le cancer des cabinets de conseil entre dans sa deuxième phase.

Les budgets de consulting explosent. Des équipes « jeunes et dynamiques », préambule de la start-up nation jupitérienne s’infiltrent à tous les étages, rôdent, furètent, à la recherche de la moindre économie possible, du plus petit temps de répit laissé aux soignants ou aux patients. Peu à peu la logique court-termiste du capitalisme financier mondialisé remplace la déontologie médicale.

Malgré des résultats plus que mitigé, des consultants aux compétences souvent médiocre, malgré des décisions parfois aberrantes comme le partenariat public-privé du Centre hospitalier sud-francilien, regroupement des hôpitaux d’Evry et de Corbeil-Essonnes en Essonne, et un effet nette sur la perte de compétences interne des personnels de la fonction publique hospitalière, le nouveau gouvernement élu en 2012 persiste et signe.

Phase terminal : Copermo, pour Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers. Un objectif affiché : réduire de 20% le nombre de lit.

Les cabinets de conseil deviennent un passage obligé pour obtenir la signature du ministère des finances pour tous les projets d’ampleur.

A partir de 2018, les alertes s’enchaînent. La cour des comptes pointent un recours mal maitrisé au cabinet de conseil. Malheureusement pour les soignants, le nouveau président n’est pas du genre à se laisser détourner de ses lubies par de menus fonctionnaires. Le nouveau locataire de l’Elysée a été formé dans une banque d’affaire où il a naturellement tissé des liens forts avec plusieurs cabinets de conseil, notamment McKinsey. Alors, quand il arrive au pouvoir, pas question de gâcher la fête. Emmanuel Macron ouvre grand les vannes du financement public au cabinet de conseil privé. Toujours dans le but de réduire les dépenses publics, ne l’oublions pas.


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