Panique sur l’huile de tournesol

samedi 14 mai 2022.
 

Une panique sur l’huile de Tournesol, frappant tous les distributeurs, des petites enseignes aux grossistes, est en cours dans le pays. La situation actuelle provient essentiellement d’un surstockage, car tout le monde anticipe une pénurie. Les prix mondiaux s’envolent et les Français sont directement frappés au porte–monnaie.

Situation révoltante pour le cinquième producteur mondial ! La situation ne peut que nous pousser à bifurquer de modèle agricole afin que notre souveraineté alimentaire devienne notre premier objectif, tout en permettant de réduire considérablement le transport de marchandise et donc notre impact sur le climat.

Huile de tournesol : une pénurie liée au surstockage

Un scénario se reproduit un peu partout en France : le rayon d’huile de tournesol est vide, et les huiles de substitution prises d’assaut. Pourtant, les effets de la guerre en Ukraine ne sauraient expliquer à eux-seuls ces ruptures. Bien sûr l’Ukraine en est le premier producteur mondial, et également le premier exportateur, avec plus de la moitié des exportations. Pour notre malheur, son belligérant Russe est lui le deuxième producteur, avec une production sensiblement équivalente, et en est le deuxième exportateur (avec une part moindre, à hauteur des 30%.) À ce jour, c’est ainsi les deux poids lourds du marché mondial qui sont mis hors circuit, ou quasiment.

La Fediol, l’association européenne des industriels d’huiles végétales, affirme que seules « des petits volumes de graines et d’huiles de tournesol quittent l’Ukraine par voie terrestre et ferroviaire ». La principale voie d’acheminement est hors service puisque « les ports ukrainiens ne sont plus opérationnels après les bombardements russes ». La Russie a, elle, tout bonnement cessé ses exportations depuis le premier avril. Pour autant, ce ne sont pas les causes des ruptures constatées.

Pascale Hébel, Directrice du CRÉDOC, un organisme d’étude de la consommation des Français indique que « les consommateurs, (…) ont peur, de ne plus avoir accès à cette denrée. Alors ils en achètent plus pour constituer des stocks, c’est du surstockage ». Michel-Edouard Leclerc a confirmé cela sur BFM TV début avril en évoquant seulement des « ruptures » et a indiqué que les stocks présents en France permettent un approvisionnement garanti jusqu’à l’été. De son côté, l’IRI a observé une hausse de la consommation d’huile de tournesol de 65 % entre mars 2021 et mars 2022, appuyant ce diagnostic.

Les conséquences de cette situation incertaine : hausse des prix, jusqu’à 8 voir 10€ le litre !

Cette situation troublée a provoqué un emballement des prix sur les marchés mondiaux, avec une hausse de 60% du cours mondial, le prix de la tonne d’huile atteignant son record historique à plus de 2250 dollars en mars contre 1500 dollars en février dernier (chiffres INSEE). Cette flambée frappe de plein fouet les consommateurs, ménages comme professionnels, puisque le bidon peut parfois être vendu le double du prix d’avant crise. On peut même observer sur les sites de vente en ligne des huiles de qualité ordinaire vendus à des prix exorbitants, à 8 voire 10 € le litre. Les tensions sont fortes car pour certains restaurateurs, type snack, une carence provoque un arrêt d’activité.

Cette situation a également amené les autorités à permettre aux professionnels de l’industrie agroalimentaire de changer la composition de leurs produits, en substituant l’huile de tournesol sans pour autant changer l’emballage. Pour cela, il est nécessaire d’obtenir une dérogation auprès de la direction de la répression fraudes. L’emballage devra tout de même être modifié au bout de six mois.

La panique gagne l’ensemble de la planète. Cet embrasement des prix du tournesol suscite par ricochet une bouffée sur l’ensemble des cours des autres types d’huile. Et les incertitudes qui planent sur l’avenir ont poussé l’Indonésie à suspendre ses exportations d’huile de palme depuis le jeudi 28 avril. C’est un coup de tonnerre, car elle en est le premier producteur mondial, et représente 35% des exportations. Elle souhaite s’assurer de la bonne distribution et de la maitrise des stocks pour son marché intérieur, dans un pays de 270 millions d’habitants où elle est largement consommée.

En France, une pénurie qui sonnerait le désaveu de notre modèle agricole

En France, ces ruptures, si elles venaient à se transformer en pénurie, décrédibiliseraient notre modèle agricole, tournée vers la valorisation marchande. Quelle désagréable mésaventure pour la France, cinquième producteur mondial d’huile de tournesol, avec 500 000 tonnes par an (un chiffre globalement stable sur ces 30 dernières années), de venir à manquer !

Ceci est pourtant envisageable, car nous exportons une part importante de notre production, environ 40% avec 200 000 tonnes annuelles. Les importations nous sont donc devenues nécessaires pour couvrir la demande intérieure. Pourtant notre production dépasse de très loin notre consommation (excédent de 100 000 tonnes). Nous devrions cependant éviter cette pénurie, car la France pourrait facilement pallier au manque grâce à sa production d’huile de colza, très largement la première production oléagineuse en France (environ 4 fois supérieure à celle du tournesol).

Aller vers la souveraineté alimentaire, pour assurer nos estomacs et le climat

Reste que l’intérêt des flux commerciaux concernant l’huile de tournesol ne saute pas aux yeux. Le climat, lui, en paye le prix fort. En effet, nous importons un produit essentiel dans la consommation courante, tout en étant largement autosuffisants. Les rejets de gaz à effets de serre résultant du transport, tant vers l’import que l’export constituent des dommages évitables. Il est urgent d’adopter une agriculture visant l’autosuffisance, avant tout afin de sécuriser nos besoins. Cela nous évitera d’être tributaire des perturbations et crises, serait-elles mondiales. Visiblement, les leçons du Covid, où nous manquions de masque devenus vitaux, n’ont pas été tirées !

Songeons tout de même que la Finlande, pays pourtant peu propice à l’agriculture, puisqu’un tiers de son territoire se situe au nord du cercle polaire, est sur le point de parvenir à l’autosuffisance alimentaire. C’est par une volonté politique affirmée, et grâce aux enseignements de la seconde guerre mondiale, qu’elle est désormais autosuffisante en viande et en céréales, contrairement à la Suède, sa voisine.

En France, la nécessité écologique nous presse à changer de modèle. Comme le soulignait le programme de l’Union Populaire, dès novembre dernier, l’autosuffisance et la recherche de circuits courts sont une priorité pour gagner la bataille pour le climat, en réduisant drastiquement les transports de marchandise inutiles. Plus globalement, l’Union Populaire souhaite instaurer une « agriculture relocalisée, diversifiée et écologique » *, qui amènerait forcément à revoir les grandes exploitations en monoculture tournées vers l’exportation, car elles ont un impact défavorable sur les écosystèmes locaux par leurs pratiques culturales.

Lance L’Âme


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message