Le PS ou l’opposition en gants blancs, par François Delapierre

dimanche 30 septembre 2007.
 

Divisés sur bien des sujets, les socialistes sont au moins d’accord sur un point. Tous jugent leur parti incapable pour l’heure de s’opposer. A partir de ce diagnostic unanime, le débat pourrait s’engager sur les causes du mal. Il est à peine engagé. Certains accusent le "sabir" abscons du PS, ses statuts, ses éléphants, l’âge du capitaine ou celui des lieutenants, le silence sur les "vraies questions que se posent les Français"... Mais rien n’est dit du fait qu’un membre du gouvernement sur cinq avait au début de l’année sa carte du PS et déclare, aujourd’hui, agir en conformité avec cet engagement. C’est pourtant un fait sans précédent. Il est impossible de le cacher sous le tapis. Alors ne tentons pas de le faire.

Que sont allés faire ces socialistes au gouvernement ? Sont-ils des agents doubles, traîtres à multiples faces ? Des opportunistes piétinant convictions et intérêt supérieur du parti pour quelques bénéfices personnels ? Ou des brebis égarées qui ont cédé à la tentation mais bénéficieront du pardon si elles rentrent au bercail ?

La liste considérable des personnalités socialistes impliquées dans l’ouverture, dont beaucoup occupaient des fonctions éminentes auprès de François Hollande, dément la thèse du dérapage individuel. Leur proximité idéologique aussi. La qualité des personnes également. Dès lors, il faut admettre qu’ils agissent avec conviction. En intégrant le gouvernement ou en acceptant une mission confiée par Nicolas Sarkozy, ces "personnalités d’ouverture" sont convaincues de rester fidèles à leurs convictions pour la bonne raison qu’elles les pensent compatibles sur des points essentiels avec celles de la droite.

ORIENTATION DÉMOCRATE

Cette idée n’est pas neuve. Elle a été mise en forme par la droite du Parti démocrate américain autour de Bill Clinton, où sont nés dès les années 1980 les appels à rompre avec les "clivages du passé". Elle a inspiré Tony Blair puis Gerhard Schröder, Romano Prodi et tant d’autres. La France ne vit pas à l’écart de ces influences. Elle y a même des relais de poids. Ce vieux refrain a été repris mot pour mot par Ségolène Royal pendant sa campagne : "Je n’aime pas les étiquettes. La France souffre de ces logiques d’affrontement. Je suis dans le dépassement des clichés traditionnels." "J’évite les formules dépassées, comme l’idée que tout ce que fait la gauche est bon et que tout ce que faire la droite est mauvais."

Dès lors les partisans de l’ouverture ne manquent pas d’arguments. Ne sont-ils pas en train de dépasser pour de bon ces "vieux clivages" ? Au lieu d’applaudir de loin la réduction de l’Etat social mise en oeuvre dans toute l’Europe par leurs amis sociaux-démocrates, ne la soutiennent-ils pas pour de vrai dans notre pays ? Il faut donc admettre que l’incapacité du PS à s’opposer renvoie à un problème politique. Comment assumer le clivage droite-gauche, remettre au premier plan le partage des richesses, s’opposer au recul de l’âge de départ en retraite, rompre le consensus sécuritaire... sans entrer en contradiction avec l’orientation démocrate qui inspire le noyau dirigeant du PS ?

Dès lors, rien d’étonnant que la contestation de Nicolas Sarkozy se limite pour l’essentiel à une critique de son style. La privatisation de GDF ? Un problème de transparence (François Hollande). La harangue des ambassadeurs sur le choc entre l’Occident et l’Islam ? Un discours de bonne tenue, mais des contradictions avec ses déclarations passées (Pierre Moscovici). Nicolas Sarkozy favorable au "divorce par consentement mutuel en matière de contrat de travail" devant l’université d’été du Medef ? Cela manque de concret (Michel Sapin). Les premiers cent jours du gouvernement ? Attention à l’immobilisme (Ségolène Royal). M. Sarkozy dénonçant le trop-plein de droits en matière sociale ?

Un discours prudentissime (Jean-Marc Ayrault).

Il est donc urgent pour tous ceux qui attendent du Parti socialiste une opposition frontale à la droite de mettre en cause l’orientation démocrate qui le gouverne aujourd’hui. Car celle-ci a sa cohérence, qui condamne ceux qui y adhèrent, quels que soient leur âge ou leur figure, à une opposition bon chic bon genre.

François Delapierre est membre du bureau national du PS.


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