Sur la sociologie dans les années 1980-2010 en France Par Philippe CORCUFF (Maître de conférences à l’Institut d’Études Politiques de Lyon)

jeudi 30 juin 2016.
 

Où en sont les débats sociologiques dans la France des années 1980-2010 ? Partant de l’opposition centrale pour la sociologie entre le collectif et l’individuel, cet ouvrage propose un tableau des façons renouvelées d’envisager le problème au moyen des notions de relations sociales et de construction sociale.

Il répond à quelques questions majeures : comment passer des structures sociales aux interactions de face-à-face et vice-versa ? comment analyser la formation des groupes et des catégories ? comment rendre compte des individus singuliers et pluriels de nos sociétés individualistes ?

Cette 2ème édition, entièrement refondue, présente des ressources inédites et pose des questions originales au sein des sciences sociales dynamiques en dialogue permanent avec la philosophie.

Les nouvelles sociologies : de 1995...

La première édition des Nouvelles sociologies date de 1995 (Nathan, collection « 128 »). Elle essayait de tracer l’état des déplacements et des débats nouveaux dont la sociologie française avait été le théâtre à partir des années 1980, dans les problématisations originales comme dans les usages d’auteurs étrangers parfois plus anciens. La sociologie y était appréhendée comme une science théorique-empirique, c’est-à-dire une production de connaissances sur la réalité observable, filtrée par des concepts et outillée de méthodes d’enquête. Cette édition initiale a rencontré un certain succès dans les différents stades de l’enseignement universitaire de la sociologie et plus largement des sciences sociales. Il a également touché un public citoyen qui voulait en savoir plus sur les outils actuels de connaissance du monde social. Par ailleurs, il a connu différentes traductions (successivement en portugais en 1997, en espagnol en 1998, en chinois en 2001, en langue portugaise pour le Brésil en 2001, en russe en 2002 et en roumain en 2005), qui ont porté ses questionnements au-delà de nos frontières nationales et des publics francophones dans un monde davantage globalisé.

...à 2007

Comme toute réalité humaine la sociologie française constitue une forme sociale changeante. Qu’en est-il alors, douze ans après, des « nouvelles sociologies » ? Tout d’abord, cette 2ème édition des Nouvelles sociologies (Armand Colin, collection « 128 ») s’est largement inscrite dans la continuité de la précédente. Les paradigmes théoriques ne naissent pas et ne meurent pas si souvent et si rapidement. Par rapport aux choix de 1995, les courants et les auteurs principaux sont ainsi toujours là, car ils ont continué à alimenter débats et recherches, qu’il s’agisse de références plus anciennes (comme Alfred Schütz et Norbert Elias), déjà consolidées (comme Peter Berger et Thomas Luckmann, Pierre Bourdieu, Harold Garfinkel, Aaron Cicourel ou Anthony Giddens) ou plus récentes (comme Michel Callon et Bruno Latour, Luc Boltanski et Laurent Thévenot ou François Dubet). Seulement ils ont pu connaître des inflexions, de nouveaux développements et/ou des lectures renouvelées.

De nouveaux courants et auteurs ont toutefois fait leur entrée dans cette édition refondue. C’est tout particulièrement le cas du champ de travaux en développement autour des notions apparentées de singularité individuelle et d’individualisme (dans le chapitre 4). Il a aussi été tenu compte de trois autres secteurs actifs dans la dernière période : l’analyse des réseaux sociaux (dans le chapitre 1), les problématiques de « la construction sociale de l’économie », alimentant une sociologie économique en expansion (dans le chapitre 2) et les travaux féministes, notamment dans des appropriations des Gender Studies anglo-américaines (dans le chapitre 3).

Cette 2ème édition est dédiée à Pierre Bourdieu, Luc Boltanski, Laurent Thévenot et Jean-Claude Passeron qui m’ont successivement ouvert de nouveaux horizons sociologiques, hors des limitations « marxistes » de ma jeunesse, et qui, dans le même temps, m’ont fourni des ressources pour ébaucher une autonomie vis-à-vis d’eux.


VIENT DE PARAÎTRE EN SEPTEMBRE 2007

LES NOUVELLES SOCIOLOGIES - Entre le collectif et l’individuel

Par Philippe CORCUFF

Paris, Armand Colin, collection « 128 », 2ème édition entièrement refondue, 2007, 9 euros, ISBN : 978-2-2003-4484-9.

* SOMMAIRE DÉTAILLÉ :

Introduction : De l’héritage philosophique au programme relationnaliste et au langage constructiviste

1. Des couples de concepts hérités de la philosophie 1.1 Idéalisme et matérialisme 1.2 Le sujet et l’objet

2. Au cœur de la sociologie : le collectif et l’individuel 2.1 Un holisme méthodologique 2.2 Un individualisme méthodologique

3. Une troisième voie en sociologie : le programme relationnaliste et le langage constructiviste 3.1 Un relationnalisme méthodologique nouveau et... ancien 3.2 Le langage constructiviste

4. Anthropologies philosophiques et sociologie : une question en suspens

Chapitre 1 : Des structures sociales aux interactions

1 - Un pionnier actuel : Norbert Elias (1897-1990) 1.1 Des ressources pour déplacer l’opposition entre « individus » et « société » 1.2 Des points aveugles

2 - Le constructivisme structuraliste de Pierre Bourdieu (1930-2002) 2.1 Un constructivisme structuraliste, entre habitus, champ et violence symbolique 2.1.1 Constructivisme structuraliste et rupture épistémologique 2.1.2 Habitus et champ 2.1.3 Violence symbolique 2.2 Une sociologie de l’action 2.2.1 Logique de la pratique 2.2.2 Sociologie réflexive 2.3 Le poids déterminant des structures objectives 2.4 Des points d’appui anthropologiques (au sens philosophique)

3 - Des prolongements critiques de la sociologie de Pierre Bourdieu 3.1 Structures de domination et pratiques populaires : les questions de Claude Grignon et Jean-Claude Passeron 3.2 La plasticité des structures : la sociologie des crises politiques de Michel Dobry 3.3 Vers d’autres rapports action/réflexivité

4 - La théorie de la structuration d’Anthony Giddens 4.1 Dualité du structurel et compétence des acteurs 4.2 Les conséquences non intentionnelles de l’action 4.3 Critique de l’évolutionnisme 4.4 Le micro réabsorbé par le macro

Chapitre 2 : Des interactions aux structures sociales

1 - La Construction sociale de la réalité de Peter Berger et Thomas Luckmann 1.1 Un constructivisme d’inspiration phénoménologique : en partant d’Alfred Schütz (1899-1959) 1.1.1 La sociologie phénoménologique de Schütz 1.1.2 De Schütz à Berger et Luckmann 1.2 La société comme réalité objective et subjective 1.3 Après Berger et Luckmann : la sociologie économique dans le sillage constructiviste

2 - Éclairages ethnométhodologiques 2.1 L’éthnométhodologie d’Harold Garfinkel 2.2 De nouveaux passages entre le micro et le macro chez Aaron V. Cicourel

3 - La sociologie des sciences et des techniques de Michel Callon et Bruno Latour 3.1 Points de départ 3.2 Traduction, déplacements, réseaux, forums hybrides 3.3 Quelques interrogations

Chapitre 3 : Construction des groupes sociaux et catégorisation sociale

1 - Un ouvrage de référence : La Formation de la classe ouvrière anglaise d’Edward P. Thompson

2 - Luc Boltanski et l’objectivation des groupes sociaux 2.1 Les Cadres comme matrice constructiviste 2.2 Déplacements

3 - Renouvellement des travaux sur les groupes et les catégorisations 3.1 Socio-histoires 3 .1.1 Apports dynamiques 3.1.2 Angles morts 3.2 Des classifications et des identités englobant les intérêts : Mary Douglas (1921-2007) et Alessandro Pizzorno

4 - Recherches féministes autour du genre

Chapitre 4 : Des individus singuliers, individualisés et pluriels

1 - Des individus sociaux et singuliers 1.1 Des parallèles entre philosophie et sociologie dans le traitement de l’individualité 1.1.1 Identité-mêmeté/habitus individuel (Pierre Bourdieu) 1.1.2 Identité-ipséité/quant à soi (François Dubet) 1.1.3 Moments de subjectivation/agapè (Luc Boltanski) 1.2 Au carrefour des normes sociales et de la subjectivation : pistes à partir de Michel Foucault (1926-1984)

2 - Des individus sociaux et individualisés 2.1 Des mises en perspective historiques 2.1.1 Éclairages historiques (Louis Dumont, Norbert Elias, Charles Taylor, Robert Castel) 2.1.2 Précautions méthodologiques 2.2 Lectures de l’individualisme contemporain 2.2.1 Un pôle critique (Richard Sennett, Christopher Lasch, Alain Ehrenberg) 2.2.2 Un pôle compréhensif (Anthony Giddens, François de Singly) 2.3 Individualité et critique compréhensive 2.3.1 Individualisation et inégalités (Ulrich Beck, Jean-Claude Kaufmann) 2.3.2 Critiques du néocapitalisme (Axel Honneth, Philippe Corcuff)

3 - Des individus sociaux et pluriels 3.1 Une pluralité dispositionnelle : de Pierre Bourdieu à Bernard Lahire 3.2 Des compétences, des corps et des choses : la sociologie pragmatique de Luc Boltanski et Laurent Thévenot 3.2.1 - Un nouveau paradigme pragmatique en sciences sociales 3.2.2 - Une diversité de régimes d’action explorés

Postface à la 2ème édition (juin 2007) : Des « nouvelles sociologies » déplacées Permanences et novations de la 2ème édition « La construction sociale de la réalité » : questions épistémologiques Apports et limites des analogies : Hacking, Passeron, Wittgenstein Le relationnalisme méthodologique comme déplacement Où en sont, où vont les sociologies françaises au début du XXIème siècle ? De quelques effets inhibiteurs de la professionnalisation sociologique Le savant et la politique Tendances hégémoniques du vocabulaire de l’« intérêt » Rigueur et imagination

Bibliographie : Quelques textes de synthèse


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