SMIC : Une augmentation indispensable et bénéfique

dimanche 3 avril 2022.
 

Selon un sondage de 2021, 76% des Français·es sont pour l’augmentation du SMIC à 1400€ net par mois[1] ! Mais qui cette augmentation concerne-elle ? Est-ce possible, souhaitable, et comment la mettre en œuvre ? Cet article revient sur ces questions.

1/ Qui sont les français·es payé·es au SMIC et où travaillent -ils-elles ?

La France compte 2 millions de salarié·es payés au SMIC[2]. Ils et elles représentent 12% des salarié·es du privé, mais 100% de travailleurs et travailleuses pauvres !

On constate une chose : la précarité appelle la précarité. Plus on est jeune, plus on est à temps partiel, moins on a de diplômes, plus l’entreprise est petite, et plus on a de risques d’être au SMIC.

Ainsi on retrouve plus de smicard·es parmi les temps partiels (27%) que les temps complets (8%). Plus parmi les jeunes de moins de 25 ans (25%) que parmi les personnes de 55 ans (7%). Plus dans les TPE de moins de 10 salariés (24%), et les PME de 10 à 250 salariés (12%) que dans les grandes entreprises de plus de 250 salariés (6%).

Les “smicards” sont avant tout des smicardes : 60% de femmes, alors qu’elles ne représentent que 45% des salarié·es du privé.

Ils et elles sont très majoritairement dans les secteurs des services et autres secteurs non-délocalisables et non soumis à la concurrence internationale : 430 000 dans l’hôtellerie-restauration-tourisme, 380 000 sans le sanitaire et social, 210 000 dans le commerce de détail alimentaire, 135 000 dans le BTP, 100 000 dans les services à la personne. On retrouve ainsi une très forte proportion de smicard·es dans les secteurs de la restauration rapide (59%), des services à la personne (55%), de la coiffure (41%), et des soins à domicile (40%).

En revanche, seulement 3% à 5% des salarié·es des industries métallurgiques, chimiques, pharmaceutiques ou plastiques sont au SMIC. Ces secteurs exposés au risque de délocalisation sont donc très peu sensibles à une augmentation du salaire minimum.

2/ Faut-il augmenter le SMIC ?

Aujourd’hui le Smic est fixé par décret du Président de la République en Conseil des Ministres à 10,57€ bruts par heure de travail (soit 8,30€ nets) ce qui fait 1603€ bruts par mois pour un salarié à temps plein, soit 1269€ net.

L’augmentation du SMIC est non seulement une mesure d’urgence sociale mais une nécessité économique. Alors que le seuil de pauvreté est de 1063€/mois, le SMIC permet à peine à ces 2 millions de Français de survivre ! Afin de remédier à cela, le programme l’Avenir en commun prévoit de le porter immédiatement à 1400€ nets (1770€ bruts), soit une augmentation de plus de 10%, puis de continuer à l’augmenter chaque année en plus de la revalorisation automatique liée à l’inflation.

Car depuis plus de 10 ans le montant du SMIC a été bloqué par les différents gouvernements, suivant à peine l’inflation, entraînant l’ensemble des salaires dans la stagnation et plongeant toute une partie de la population dans l’enfer de la baisse du pouvoir d’achat face à l’augmentation des prix de l’énergie ou de l’alimentation.

Suivant une logique d’austérité, le blocage des salaires freine la consommation des Français et entraîne ainsi toute l’économie dans une spirale de dumping social et de récession généralisée : compression des coûts, licenciements, baisse des impôts et cotisations prélevés, diminutions des moyens alloués aux services publics… Si ce sont d’abord les plus pauvres qui subissent ces mesures de plein fouet, c’est bien l’ensemble de la population et de l’économie qui en pâtit.

La France avait pourtant connu une période d’augmentation du SMIC entre 1997 et 2002 (+18%), pendant laquelle l’économie française n’avait jamais autant créé d’emplois !

De nombreux économistes et gouvernements dans le monde ont pris conscience de cet échec austéritaire et réclament ou mettent en place des mesures d’augmentation des salaires. Situation encore impensable il y a 15 ans dans les très (ordo)libérales économies allemandes et britanniques, les gouvernements allemands et britanniques ont mené ces dernières années des politiques d’augmentation importante du salaire minimum.

Alors que la France a été pendant des décennies un “modèle” en termes de niveau des bas salaires pour avoir non seulement instauré un salaire minimum mais aussi pour l’avoir placé à un montant relativement élevé par rapport aux autres économies mondiales, les cures d’austérité successives de ces 10 dernières années l’ont fait progressivement passer derrière le Royaume-Uni et l’Allemagne dans ce domaine.

Ainsi depuis 2015 le salaire minimum britannique a été augmenté de +45%, passant de 6,50 livres (9 €) à 9,50 livres (11,3 €). Le salaire minimum allemand a lui augmenté de +40%, passant de 8,50€ à 12€. Tout cela sans provoquer aucun chaos économique ni supprimer d’emplois, bien au contraire : devant la réussite de cette politique, les gouvernements allemands et britanniques entendent même poursuivre ces augmentations ! Tandis que dans la même période en France le SMIC ne faisait que suivre péniblement l’inflation (+10%), passant de 9,61€ en 2015 à 10,57€ en 2022, sans aucun effet bénéfique sur l’emploi.

3/ Quels effets attendus ?

L’augmentation du SMIC est une mesure ciblée qui n’impacterait que 12% des emplois des entreprises, emplois très majoritairement non délocalisables (services, BTP…), mais profiterait directement à 100% des travailleurs les plus pauvres de notre pays.

Les effets attendus de cette augmentation seraient globaux : les économistes le disent, 1€ versé aux plus pauvres profite bien plus à la population et à l’économie qu’1€ versé aux plus riches. Les plus pauvres “consommeront” cet argent, le réinjectant immédiatement dans la production et générant une augmentation du carnet de commande des entreprises et des impôts perçus par l’Etat (TVA…). Tandis que les plus riches, vivant déjà dans l’abondance, épargneraient majoritairement, plaçant leur augmentation dans la bulle financière sans générer d’activité.

Par ailleurs, mieux payé·es, les smicard·es pourront s’acheter une nourriture de meilleure qualité et plus équilibrée, contribuant à augmenter le bien-être et réduire les maladies liées à la malbouffe (et donc à réduire les dépenses de la Sécurité Sociale). Mieux payé·es ils et elles pourront privilégier l’achat de produits fabriqués en France parfois plus chers mais respectant de meilleures normes sociales et environnementales, contribuant à relancer l’emploi et le respect des humains et de la nature.

L’augmentation du SMIC mettra également fin à la logique de dumping social généralisé, car l’ensemble des salaires suivra mécaniquement cette augmentation ainsi que toutes les rémunérations ou prestations liées directement ou indirectement au montant du SMIC (fonctionnaires payés au SMIC, prestations sociales, retraites…).

Enfin la situation des smicard·es ne doit pas faire oublier que près de 2 millions de travailleur·ses hors statut salarié ne touchent même pas le SMIC : travailleur·ses des plateformes, en établissement et service d’aide par le travail (ESAT), en prison, en apprentissage, en service civique… !

Ulysse, juriste en droit du travail

[1] Harris Interactive, juillet 2021

[2] DARES - décembre 2021


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