Changement climatique : Intervention de Cuba lors du débat à l’ONU le 24 septembre 2007

mercredi 26 septembre 2007.
 

M. le Président,

Voilà déjà 15 ans que nous nous sommes réunis, comme maintenant, à la Conférence des Nations unies sur l’Environnement et le développement, tenue à Rio de Janeiro. Ce moment fut historique. Nous avons, à cette occasion, pris un engagement qui a été ultérieurement repris à la Convention sur le Changement climatique et ensuite par le Protocole de Kyoto.

Ce jour-là, le Président Fidel Castro a prononcé une allocution brève et médullaire, qui a secoué l’auditoire complet de cette conférence. Il a dit des vérités profondes, débitées une à une depuis une irréductible position éthique et humaniste.

« Une importante espèce biologique court le risque de disparaître à cause de la liquidation rapide et progressive de ses conditions naturelles de vie, cette espèce, est l’homme.

« (...) les sociétés de consommation sont les principales responsables de l’atroce destruction de l’environnement.

« La solution ne peut pas être d’empêcher ceux qui ont le plus besoin de se développer.

« Si l’on veut épargner l’humanité de l’autodestruction, il faut mieux distribuer les richesses et les technologies disponibles dans la planète. Moins de luxe et de gaspillage sur un groupe réduit de pays pour qu’il y ait moins de pauvreté et moins de faim sur une grande partie de la Terre ».

La vérité est qu’après, rien n’a été fait. La situation est maintenant beaucoup plus grave, les dangers sont plus grands et nous disposons de moins de temps.

Les preuves scientifiques sont claires. La constatation pratique est accablante. Seul un irresponsable oserait les mettre en question. Les dix dernières années ont été les plus chaudes. La grosseur de la glace arctique diminue. Les glaciers se rétractent. Le niveau de la mer monte. La fréquence et l’intensité des cyclones augmentent.

L’avenir s’annonce encore plus difficile : 30 p. cent des espèces disparaîtrons si la température de la planète monte entre 1,5 et 2,5 degrés centigrades. De petits états insulaires courent le risque de disparaître sous les eaux.

Pour faire face à ce danger, nous nous sommes mis d’accord sur deux stratégies. La mitigation, soit, la réduction et l’absorption des émissions ; et l’adaptation, soit, des actions pour réduire la vulnérabilité face aux impacts du changement climatique.

Cependant, il est de plus en plus claire, qu’on ne pourra pas parer à cette dramatique situation tant que les actuels modèles de production et de consommation effréné, devenu le rêve à accomplir qu’inculque la permanente campagne publicitaire menée sans scrupules à niveau mondiale et pour laquelle on investit chaque année un billion de dollars.

Nous avons de responsabilités communes mais spécifiques. Les pays développés, responsables de 76 p. cent des émissions de gaz à effet de serre, accumulés depuis 1850, doivent assumer la plus part de la mitigation et en faire l’exemple. Pire encore, leurs émissions ont augmenté de plus de 12 p. cent entre 1990 et 2003, notamment celles des Etats-Unis qui ont enregistré une hausse de plus de 20 p. cent. Dès lors, ils doivent commencer par respecter les très modestes engagements du Protocole de Kyoto et atteindre des objectifs plus ambitieux de réduction des émissions à partir de 2012.

L’achat des quotas des pays pauvres ne réglera pas le problème. C’est plutôt une voie égoïste et inefficace. La transformation des denrées alimentaires en carburants, tel que l’a proposé le président Bush, ne le réglera pas non plus. C’est une idée sinistre. Il faut réussir à des réductions réelles des sources des émissions. Il faut produire une révolution énergétique. Beaucoup de volonté politique et de courage sont nécessaires pour pouvoir livrer cette bataille. L’encourageante expérience de Cuba, couronnée par le succès malgré le blocus et les agressions dont nous souffrons, est la preuve que nous pouvons bien le faire.

Par ailleurs, la lutte contre le changement climatique ne peut constituer une entrave au développement des plus des cents pays qui n’y ont pas encore réussi, et qui ne sont pas, d’ailleurs, les responsables historiques de ce qui s’est passé. Elle doit être compatible avec le développement durable de nos pays. Nous rejetons les pressions exercées sur les pays sous-développés afin qu’ils prennent des engagements contraignants par rapport à la réduction des émissions. Et encore, le quota d’émissions des pays sous-développés, à niveau mondial, doit être augmenté afin de subvenir à leurs besoins de développement économique et social. Les pays développés n’ont pas l’autorité morale pour exiger quoi que ce soit dans ce sens.

Paradoxalement, les pays qui ont le moins contribué au réchauffement de la planète sont les plus vulnérables et menacés. Pour pouvoir mettre en œuvre des politiques d’adaptation il leur faut un accès illimité à des technologies propres et à du financement.

Cependant, les pays développés ont le monopole des technologies et de l’argent. Ils sont, dès lors, les responsables de donner au tiers Monde l’accès à des montant importants de financement frais, plus élevés que ceux de l’Aide officielle au développement, qui sont, en soi, totalement insuffisants. Ils devront aussi assumer le transfert efficace et gratuit de technologies, et la formation des ressources humaines dans nos pays, des questions qui ne seront réglées ni par l’économie de marché, ni par les politiques néolibérales imposées grâce aux pressions et au chantage.

Le plus grand responsable en est, sans aucun doute, le pays qui gaspille le plus, qui pollue le plus, qui a le plus d’argent et de technologies, et qui, en même temps, refuse de ratifier le Protocole de Kyoto, et qui n’a pas fait preuve du moindre engagement envers cette réunion convoquée par le Secrétaire général des Nations unies.

M. le Président,

Cuba espère que la prochaine Conférence de Bali lancera un mandat clair pour que les pays développés réduisent un minimum de 40 p. cent de leurs émissions d’ici 2020, par rapport à celles de 1990, un mandat négocié dans le cadre de la Convention, et pas au sein de petits groupes et conciliabules sélectifs, tel que l’a proposé le gouvernement des Etats-Unis.

Cuba espère aussi qu’un mécanisme garantissant le transfert fluide de technologies propres et dans des conditions préférentielles vers les pays du Sud sera adopté ; un mécanisme qui fasse sa priorité des petits états insulaires et des pays les moins avancés, ceux-là étant les plus vulnérables.

Nous espérons également que de ressources supplémentaires seront allouées, et que de nouveaux mécanismes de soutien financier aux pays sous-développés seront adoptés en vue de la mise en œuvre de nos stratégies d’adaptation. En guise d’exemple, si seule la moitié de l’argent que chaque année nos pays consacrent au paiement de l’onéreux service d’une dette qui ne cesse d’augmenter était destinée à cette fin, nous compterions sur plus de 200 milliards de dollars chaque année. Une autre alternative serait de consacrer à peine un dixième de ce que la seule superpuissance militaire de la planète alloue aux dépenses de guerre et aux armes, il y aurait d’autres 50 milliards de dollars de disponible. De l’argent, il y en a, ce dont on a besoin c’est de la volonté politique.

M. le Président,

Le Secrétaire général des Nations unies nous a convoqués ce jour pour envoyer un message politique puissant à la prochaine Conférence de Bali. Je ne trouve pas de meilleurs propos pour m’exprimer au nom de Cuba que ceux de Fidel prononcés le 12 juin 1992.

« Cesse l’égoïsme, cesse l’hégémonie, cesse l’insensibilité, l’irresponsabilité et le mensonge. Demain sera trop tard pour faire ce qu’on aurait dû faire depuis longtemps ».

Je vous remercie,

ALLOCUTION DE M. FELIPE PÉREZ ROQUE, MINISTRE DES RELATIONS EXTERIEURES DE LA REPUBLIQUE DE CUBA LORS DE LA RÉUNION DE HAUT NIVEAU DE L’ONU SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE LE 24 SEPTEMBRE 2007, NEW YORK


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