Au début du 20ème siècle, le Mexique hérite de la colonisation espagnole un système social fondé sur l’exploitation d’une masse de petits paysans (80% de la population) maintenue dans la misère, l’ignorance et la résignation par une caste de caciques (chefs locaux) et par l’Eglise catholique.
Cependant, le monde connaît un bouleversement économique rapide de 1900 à 1914 avec une mondialisation commerciale et un capitalisme financier de plus en plus envahissants.
Les puissants du Mexique essaient de gagner un marché d’exportation agricole, en particulier vers les USA. Mais la concurrence est rude ; aussi, maîtres des haciendas (grandes propriétés) comme actionnaires poussent sans cesse à exproprier de plus en plus systématiquement les petits paysans, poussent sans cesse à voler ceux-ci de leurs droits collectifs (eau, terres...).
Ici et là, de pauvres villageois s’élèvent contre le non respect permanent de leurs propriétés et de leurs droits. Ils subissent la brutalité et la bêtise de policiers se positionnant par principe et par intérêt au service des hacendados.
Une haine sourde monte des terres mexicaines, du Yucatan au Rio Grande.
Et la révolution mexicaine explose. Aussi puissante qu’inorganisée, aussi déterminée que complexe, aussi violente que candide. Il s’agit d’une révolution paysanne largement alimentée par les haines locales des pauvres contre le bloc des riches bandits, des "élus", de la police, de l’armée et de la justice. Il s’agit d’une levée en masse spontanée, désorganisée, idéologiquement hétérogène, profondément anarchique pendant au moins 3 ans
Mariano Azuela a participé à cette révolution comme médecin militaire dans la troupe de Julian Medina.
Dans son roman Ceux d’en bas, il ne cherche pas du tout à glorifier les révolutionnaires mexicains. Il en fait un portrait peu flatteur, au plus près de ceux qu’il a côtoyés.
Ceux d’en bas commence par le récit d’un fait divers typique du Mexique porfiriste. Des cavaliers de l’armée mexicaine arrivent en pleine nuit dans une ferme, abattent le chien qui aboie, croquent déjà les "joues de la brunette" seule, s’apprêtent à manger les réserves... La ferme brûle ; la mère fuit avec son petit enfant dans les bras pour se réfugier chez son beau-père.
Quant à son mari, Demetrio Macias, héros et antihéros du roman, il part pour la révolution avec son fusil en bandoulière, la montagne pour décor et la solidarité paysanne pour protection principale. Il lui suffit de siffler trois fois dans une corne pour qu’apparaissent rapidement vingt cinq hommes décidés dont :
* Anastasio auquel "les balles font aussi peur que les boules de gomme"
* Pancracio "au dur profil de brute"
* El Meco "un individu qui n’avait de blanc que les dents et les yeux"
* Le Saindoux " un déchet humain... aux yeux torves d’assassin"
* Venancio, anticlérical viscéral, poursuivi pour avoir empoisonné sa fiancée...
Un jeune médecin militaire rejoint ce groupe pour des raisons politiques, "pour la cause des malheureux". " La révolution bénéficie au pauvre, à l’ignorant, à celui qui a été esclave toute sa vie, aux malheureux qui ne savent pas seulement que, s’ils le sont, c’est parce que le riche convertit en or la sueur et le sang des pauvres." Son intégration dans la troupe de Demetrio Macias sera difficile. Mariano Azuela place dans la bouche de Venancio "C’est les gandins (personnes bien habillées) qui ont fait perdre le fruit des révolutions."
Après ce résumé d’une vingtaine de pages du roman, je laisse le lecteur poursuivre lui-même cette épopée d’une bande courageuse de malheureux combattant les armes à la main pour eux-mêmes contre les puissants, faisant une révolution sans le savoir et mourant dignement, toujours les armes à la main, lorsque cette révolution politiquement aveugle laisse place à une contre révolution des riches, bien plus conséquente et bien plus implacable.
Jacques Serieys
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Le roman "Los de Abajo" a été traduit de l’espagnol par Jeanne et Joaquin Maurin (instituteur, dirigeant de la CNT Aragon, délégué aux 1er et 3ème congrès de l’Internationale communiste, fondateur en 1931 du Bloc Ouvrier et Paysan qui sera le noyau du Parti Ouvrier d’Unification Marxiste).
Il est publié aux éditions "Les Fondeurs de Briques" 2007
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