Élèves handicapés : les vilénies de Zemmour, le tollé, et après ?

jeudi 20 janvier 2022.
 

Les adversaires d’Éric Zemmour ont fait part samedi de leur indignation après ses propos sur « l’obsession de l’inclusion » scolaire, qui serait « une mauvaise manière faite aux autres enfants ». Une « obsession » qui manque pourtant cruellement de moyens en France. Et jusque-là, de propositions à la hauteur.

Il aura fallu les propos d’un candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle pour que l’inclusion scolaire, et le handicap en général, deviennent un sujet de campagne pour ses adversaires de tous bords. En visite auprès d’enseignant·es dans le Nord, vendredi 14 janvier, Éric Zemmour a lancé : « Je pense qu’il faut [...] des établissements spécialisés, sauf pour les gens légèrement handicapés évidemment. » Avant de dénoncer « l’obsession de l’inclusion [qui] est une mauvaise manière faite aux autres enfants et à ces enfants-là, qui sont – les pauvres – complètement dépassés par les autres enfants ».

Une déclaration à contre-courant des priorités affichées par le gouvernement qui se félicite depuis cinq ans de construire un « grand service public de l’école inclusive », et complètement à rebours des préconisations de l’ONU qui n’a de cesse de reprocher à la France une politique ségrégationniste en matière de handicap, avec ses multiples institutions spécialisées pour tous les âges de la vie : les instituts médico-éducatifs (IME) pour l’enfance, puis les IMPro pour se former, les ESAT pour travailler, sans oublier toutes les MAS, FAM et autres acronymes du système médicosocial.

Les réactions outrées n’ont pas tardé, Sophie Cluzel en tête. La secrétaire d’État chargée des personnes handicapées s’est dite « très en colère », ajoutant que « c’est vraiment l’honneur de la France de pouvoir scolariser ces enfants avec les autres, au milieu des autres ». Elle a tout de même concédé : « Même si c’est compliqué… »

Jean-Luc Mélenchon a trouvé bon de rappeler que « l’astrophysicien Stephen Hawking était en fauteuil » . Valérie Pécresse a révélé : « Ma priorité : une meilleure inclusion pour les enfants fragiles [sic] », sans rien détailler de concret.

Pour les parents d’élèves en situation de handicap qui subissent le validisme au quotidien, cette soudaine passion pour l’inclusion fait au mieux rire jaune, au pire grincer des dents. Eux vivent, au quotidien, les difficultés à faire simplement appliquer une loi vieille de 17 ans (la loi de 2005), qui a affirmé « le droit pour chacun à une scolarisation en milieu ordinaire au plus près de son domicile, à un parcours scolaire continu et adapté ».

Éric Zemmour (pensant peut-être aux 12 millions de personnes handicapées en France qui, elles aussi, ont ou auront le droit de vote ?) est venu modérer sur Twitter, samedi, ses propos : « Bien sûr, il y a des cas où le fait de les mettre dans un établissement ordinaire est une bonne chose, car ça leur permet de progresser, de se socialiser. Et puis il y a d’autres cas, réels, plus nombreux qu’on ne le dit, où c’est une souffrance pour ces enfants. » Pour les parents de « ces élèves-là », ces mots résonnent très fort. Parce qu’eux savent la réalité de l’école française, en 2022.

En général, l’expression qui revient pour la qualifier est celle d’un « parcours du combattant ». Et les mots de Zemmour ressemblent furieusement à ceux auxquels ces familles sont confrontées à l’école : « Situation compliquée », « souffrance pour l’enfant », « pas les moyens de s’en occuper », « pas de formation », et trop souvent, en conclusion : « Ne serait-il pas mieux dans une institution spécialisée ? »

Les statistiques le montrent : si le nombre d’élèves avec handicap a fortement augmenté ces dix dernières années en élémentaire, il s’effondre avec une belle régularité au collège, au lycée puis dans l’enseignement supérieur. « Entrant moins souvent à l’école maternelle dès trois ans, et moins souvent “à l’heure” au début de l’école élémentaire, une moitié de ces enfants va progressivement passer dans une classe ou un établissement spécialisé », décrivait en 2016 une note d’information de l’éducation nationale.

En réalité, la pensée magique ne fonctionne pas, et on a beau la chanter sur tous les tons : l’inclusion réelle est bien loin des salles de classe françaises. L’école inclusive, elle, doit s’adapter aux besoins de tous les élèves et de chacune et chacun d’entre eux, en prenant en compte les spécificités de chaque parcours. Certes, ces dernières années, le nombre d’AESH (accompagnants d’élèves en situation de handicap) a augmenté. Mais le compte n’y est toujours pas : un adulte pour 2 ou 3 élèves concernés, deux fois moins qu’en Italie, par exemple, qui a fait le choix de l’inclusion depuis quarante ans.

En moyenne, les AESH gagnent 700 euros par mois, avec des contrats à temps partiel et précaires – même si le gouvernement actuel se félicite d’avoir créé des contrats de trois ans renouvelables deux fois, avant d’espérer un CDI. Pas étonnant que les postulant·es ne se bousculent pas au portillon et que la pénurie soit permanente.

Avant d’avoir l’aide d’une AESH, il faut surtout en obtenir le droit : un sésame accordé par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) qui décident, sur dossier d’une vingtaine de pages envoyé tous les un à trois ans par les familles, d’attribuer ou pas un ou une accompagnante à l’élève, selon un nombre d’heures défini. Là encore, c’est un combat sans cesse renouvelé pour les parents.

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