Guillaume Peltier, ex-numéro 2 de LR, se rallie à Éric Zemmour

dimanche 16 janvier 2022.
 

Le député Guillaume Peltier, figure des Républicains, a officialisé ce dimanche son ralliement au candidat d’extrême droite. En novembre, nous avions révélé comment il mettait l’argent public au service de sa petite entreprise politique.

Guillaume Peltier, ancien numéro 2 des Républicains (LR), écarté de la vice-présidence du parti en décembre dernier pour avoir affiché des positions zemmouristes, vient d’officialiser son ralliement au candidat d’extrême droite. Dimanche 9 janvier, sur Europe 1, le député du Loir-et-Cher a en effet annoncé « soutenir Éric Zemmour pour qu’il soit notre prochain président de la République », estimant que « Valérie Pécresse et Emmanuel Macron, c’est la même chose ».

« Je crois qu’au nom de la droite forte que j’ai fondée au sein des Républicains […], j’ai pris la décision de soutenir le seul candidat de la droite, le seul fidèle au RPR, le seul capable de battre Emmanuel Macron, parce que capable de rassembler tous les électeurs de droite. Le seul candidat fondamentalement courageux et lucide sur l’état de la société française », a détaillé celui dont les origines politiques n’ont pourtant rien à voir avec le RPR, puisqu’il était, à l’époque, membre du Front national de la jeunesse (FNJ).

Son ralliement à Éric Zemmour n’a d’ailleurs pas surpris les élus LR, à l’image de la députée Marine Brenier qui a tweeté : « Non événement. Avant d’adhérer à l’UMP Guillaume #Peltier était au FN de Le Pen, puis au MNR de Megret, puis au MPF de De Villiers. En soutenant Zemmour, il retourne à ses premiers amours. Compliqué de se réclamer du RPR quand toute son histoire personnelle est à l’extrême droite. » Christian Jacob, le patron du parti de la rue de Vaugirard, a quant à lui parlé de « retour aux sources » et annoncé l’exclusion de son ancien bras droit.

Fin novembre 2021, Mediapart racontait comment Guillaume Peltier, qui sera bientôt nommé porte-parole du parti d’Éric Zemmour, selon BFM-TV, avait organisé tout un système pour servir son destin personnel, qu’il imagine présidentiel, à l’aide des moyens publics. Nous republions cette enquête.

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Il pourrait être le premier parlementaire Les Républicains d’envergure à basculer dans le camp d’Éric Zemmour. Un changement de plus pour l’ancien numéro 2 de LR, qui a tour à tour été très proche de Philippe de Villiers, Patrick Buisson, Brice Hortefeux. Mais qui, en réalité, selon des documents et témoignages réunis par Mediapart, œuvre avant tout pour lui-même.

C’est qu’il y a le Guillaume Peltier de façade et… son arrière-boutique. Dans le Loir-et-Cher, loin de l’image de gendre idéal qu’il cultive sur les réseaux sociaux et plateaux télé, l’élu de 45 ans a mis en place un système, reposant sur de l’argent public, pour faire tourner des structures servant sa carrière personnelle, selon des documents consultés par Mediapart, recoupés par les témoignages de neuf anciens collaborateurs et collaboratrices.

Ces éléments montrent que le député LR, qui se rêve un destin présidentiel, a fait fonctionner des micro-partis à son service en utilisant un personnel pléthorique payé avec de l’argent public de l’Assemblée nationale ou de la région Centre-Val de Loire. Guillaume Peltier a aussi été financé par de généreux donateurs, à qui il a rendu des services en tant qu’élu. Le tout en épuisant ses équipes, dans une ambiance de travail décrite comme « malsaine » par plusieurs anciennes collaboratrices.

Ce n’est pas la première fois que le mode d’organisation de Guillaume Peltier fait parler de lui. Le 1er juin, une enquête parue dans Le Monde pointait déjà des failles dans l’organisation financière et le management du député. Mais Guillaume Peltier avait su focaliser l’attention ailleurs en exprimant notamment sa sympathie pour le maire d’extrême droite de Béziers, Robert Ménard, deux jours avant la publication de l’article. Ce qui lui avait valu des semaines de polémiques, ponctuées par une rétrogradation de son poste de numéro 2 des Républicains, le 6 juillet.

Cette fois, le député a choisi de ne pas s’exprimer avant la publication. Questionné sur tous les points de notre enquête, Guillaume Peltier a refusé de répondre précisément en dépeignant Mediapart en « pseudo-journal d’extrême gauche qui tente depuis si longtemps de détruire la réputation de ses opposants politiques » (voir notre Boîte noire).

Le député souligne seulement que le bureau de l’Assemblée nationale a rappelé, dans un arrêté du 29 novembre 2017 sur les frais de mandat des députés, que « l’exercice du mandat parlementaire du député est indissociable de son activité politique ». « J’ai, par ailleurs, en main les preuves irréfutables que mes collaborateurs effectuaient les missions que leur contrat de travail commandait », ajoute-t-il.

Guillaume Peltier a fait appel à des collaborateurs payés sur fonds publics dans le cadre de l’exercice de ses différents mandats pour faire tourner ses micro-partis.

Pour organiser sa carrière politique, Guillaume Peltier a misé sur des micro-partis, ces pompes à financement dédiées à un seul représentant. Tout citoyen qui effectue un don à ces partis peut déduire de ses impôts 66 % de la somme injectée, avec un plafond de 7 500 euros par an et par formation. Un avantage fiscal qui n’est pas remis en cause malgré le faible contrôle exercé sur ces structures.

Après avoir animé « La Droite forte » à la suite de la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012, l’élu du Loir-et-Cher a créé deux nouvelles structures, « Les Populaires » (en sommeil depuis 2019) et « Les Amis de Guillaume Peltier », enregistrées auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Or, selon les témoignages et documents consultés par Mediapart (contrats de travail, courriels, conversations WhatsApp, etc.), Guillaume Peltier a fait appel à des collaborateurs payés sur fonds publics dans le cadre de l’exercice de ses différents mandats pour faire tourner ces deux structures. Leur mission : la chasse aux petits adhérents et aux grands donateurs, dans une quête effrénée qui a viré à l’obsession.

« L’équipe était forcée de téléphoner aux gens, faire adhérer, il y avait des tableaux à remplir sur Google Docs. On passait notre vie à faire ça, c’était une usine à gaz, le soir, le week-end… », témoigne ainsi un ancien collaborateur du député.

Lui, payé à plein temps par l’enveloppe permettant de rémunérer les assistants parlementaires de l’Assemblée nationale, déclare avoir dans un premier temps travaillé à « 50 % pour l’Assemblée, et 50 % pour l’association [des Amis de Guillaume Peltier – ndlr] », puis être passé à « près de 80 % pour l’association », pendant près d’un an avant de quitter ses fonctions.

Un collaborateur, dont le contrat de travail était enregistré à la Région, a été mobilisé sur la promotion du livre de Guillaume Peltier.

Les enveloppes pour les collaborateurs n’étant pas extensibles (à l’Assemblée, elle est de 10 581 euros par mois), Guillaume Peltier jongle avec les structures. Une ancienne assistante confirme par exemple avoir basculé – « pendant un mois ou deux, je crois, je ne pourrais même pas vous dire » – sur un contrat avec le groupe d’union de droite et du centre (UDC) que présidait Guillaume Peltier à la région Centre-Val de Loire.

Comme prévu par les textes, le groupe d’opposition dispose d’un crédit d’argent public pour salarier des collaborateurs. Mais ceux-ci sont censés travailler sur les dossiers régionaux. Ce qui n’était pas le cas de cette assistante, qui n’allait même pas sur place et continuait de servir Guillaume Peltier.

« Cela paraît naïf, mais [en passant d’un employeur à un autre – ndlr] votre salaire et vos missions ne sont pas modifiés, et vous ne gérez pas la partie RH, administrative, donc vous vous dites : je ne vais pas faire d’histoire », explique-t-elle aujourd’hui, en rappelant qu’elle était à l’époque jeune et peu expérimentée – un trait commun avec d’autres recrues de l’élu.

« Aurais-je dû dénoncer ? J’y ai beaucoup réfléchi ! Mais comment, à qui ? », interroge une autre ancienne salariée, tout en insistant sur le fait que le procédé est « au bénéfice d’une seule personne » et que « les collaborateurs n’en tirent aucun profit ».

Les exemples de mauvais usage documentés par Mediapart sont légion. Comme avec ce collaborateur, dont le contrat de travail était aussi enregistré à la Région, mobilisé sur la promotion du livre de Guillaume Peltier, Milieu de cordée (éditions Plon), paru en octobre 2019. Ou avec cette salariée payée sur l’enveloppe de l’Assemblée, qui a dû s’occuper de la communication de Constance de Pélichy, maire et conseillère régionale LR, qui dit travailler « bénévolement » avec Guillaume Peltier. Invitée à commenter cette situation, l’élue n’a pas voulu nous répondre.

« Pendant le confinement, ma mission principale était de faire du phoning, d’appeler des gens comme on vend des Freebox mais là, c’était pour vendre du Peltier », confirme aussi une autre collaboratrice du groupe UDC à la région. Et d’ajouter : « C’est un produit Guillaume Peltier, un package : il est propre, jeune premier de la classe, il plaît aux personnes âgées comme aux jeunes femmes. C’est un produit d’avenir qu’il faut vendre. »

À l’époque, alors que les Français sont bloqués chez eux à cause du Covid, un « script de phoning » est envoyé à l’équipe dans l’objectif de récupérer le maximum de « mails et téléphones portables » et faire « adhérer ou réadhérer » en masse à l’association des Amis. Les collaborateurs sont invités à terminer leur coup de fil par ces phrases : « Je sais que votre soutien compte beaucoup pour Guillaume Peltier. Je peux vous envoyer par mail le bulletin d’adhésion ? »

La pression est maximale. « Guillaume souhaite que nous mettions le paquet sur le phoning, il me demande tous les soirs les chiffres de tout le monde », précise à l’époque Constance de Pélichy, dans un message consulté par Mediapart. L’élue récapitule d’ailleurs dans un tableur le nombre d’appels passés par personne.

À côté des milliers de contacts et adhérents, minutieusement répertoriés dans des fichiers (Guillaume Peltier a investi dans un nouveau logiciel de relation client pour ce faire), le député prête aussi une attention particulière aux « grands donateurs », dont les contributions en milliers d’euros font décoller les recettes annuelles.

C’est le cas de Thierry Roussel. Le Monde avait pointé une contribution de ce donateur de 7 500 euros en décembre 2017 aux Populaires. De son côté, Mediapart a trouvé la trace d’un versement de 7 500 euros le 7 juin 2018.

Héritier d’un groupe pharmaceutique, Thierry Roussel réside entre la France et la Suisse, où il a installé son family office, SGFC, dans le canton de Vaud. Thierry Roussel est aussi connu pour son mariage avec Christina Onassis (aujourd’hui décédée), la fille du richissime armateur grec Aristote Onassis, avec laquelle il a eu une fille.

L’homme d’affaires dispose d’une résidence à Villeny, dans le Loir-et-Cher, où il a rencontré Guillaume Peltier avant que celui-ci ne soit élu député en 2017. La relation s’est ensuite renforcée, à la faveur du rachat par SGFC de l’entreprise Girard Sudron, implantée localement et qui fait le choix de se diversifier dans la fourniture d’éclairage public en leds à partir de 2016.

Girard Sudron cherche à l’époque des marchés publics. Cela tombe bien : en 2017, la communauté de communes de la Sologne des Étangs, que préside alors Guillaume Peltier, lance une étude sur « le changement de l’éclairage public par leds afin de réaliser une meilleure efficacité énergétique ». L’objectif ? « Envisager ce changement sur toutes les onze communes [de l’intercommunalité – ndlr] d’ici un an », est-il expliqué, en conseil municipal de Neung-sur-Beuvron, dont Guillaume Peltier est le maire, le 4 février 2017.

« Le marché public doit être effectué par chaque commune de la communauté de communes », précise Guillaume Peltier au conseil municipal suivant, le 2 mai 2017. Ce jour-là, le conseil donne, à l’unanimité, son accord pour que le maire ouvre une consultation.

Nous avons pris contact avec Guillaume Peltier et monté ensemble un dossier qui avance.

Marc Defossé, directeur général de Girard Sudron

Dans la commune voisine de Millançay, le maire Philippe Agulhon, un très proche de Peltier, convie pour sa part les représentants de Girard Sudron à présenter leur projet, lors du conseil du 31 mai 2017. L’offre initiale de l’entreprise, chiffrée à 94 072 euros, est supérieure de près de 20 000 euros à celle d’un concurrent (75 420 euros). Mais, après discussion, Girard Sudron finit par abaisser son offre à 75 400,26 euros pour remporter le marché. Sollicité, Philippe Agulhon nous a indiqué n’avoir aucune « révélation à formuler » au sujet de ce contrat.

Entre-temps, Guillaume Peltier a dû quitter la présidence de la communauté de communes et sa mairie, en raison de son élection en juin 2017 à l’Assemblée et de l’interdiction de cumuler les mandats. Mais la belle histoire de Girard Sudron en Loir-et-Cher se poursuit. Le 7 novembre 2017, le conseil municipal de Neung-sur-Beuvron, dirigé par la successeure de Guillaume Peltier, donne son feu vert à l’opération à l’unanimité.

« Nous avons pris contact avec Guillaume Peltier et monté ensemble un dossier qui avance », se félicite d’ailleurs, début 2018, Marc Defossé, directeur général de Girard Sudron, dans le magazine Europe parlementaire.

En octobre 2018, le député fait aussi venir Thierry Roussel à un « dîner des maires », organisé pour les édiles de la région, dans la commune d’Olivet (Loiret). Après une petite présentation sur les leds, les participants repartiront avec un petit sac « Girard Sudron » et deux ampoules par personne. Une collaboratrice de Guillaume Peltier est ensuite chargée d’envoyer à Girard Sudron un fichier listant les maires absents et leurs coordonnées. Comme si le député était devenu un VRP de l’entreprise.

En dehors des contrats de Neung-sur-Beuvron et Millançay, d’autres marchés sont passés à Romorantin, Saint-Viâtre, La Châtre, Lamotte-Beuvron et Villeny, annonce Marc Defossé, dans La Nouvelle République.

La relation avec Thierry Roussel pose d’autres questions. Le 10 juillet 2020, Guillaume Peltier achète avec sa compagne Adélaïde de Choulot, qui travaille avec lui, une maison à Souvigny-en-Sologne, pour 355 000 euros. La demeure est située au bord de l’étang d’Amont, où le député se prend régulièrement en photo promenant son chien ou pendant des parties de pêche.

Le terrain bordant l’étang n’appartient pas à la propriété. En revanche, il a lui aussi été racheté, le 10 juillet 2020, exactement en même temps que la maison. Une acquisition réalisée pour 120 000 euros par la société suisse Forestville SA, selon des documents consultés par Mediapart. Et en bout de chaîne, Forestville est contrôlée par plusieurs membres du family office de Thierry Roussel, dont sa fille.

Une ex-collaboratrice raconte que l’élu a déjà organisé des cocktails à l’Assemblée, pour « flatter » des donateurs, et « leur offrir un peu de dorure ».

D’autres liens avec de « grands donateurs » interpellent. Il en est ainsi du patron de la PME EasyShower (fabricant de douches sur mesure), Régis Rocton, qui a donné 4 500 euros au micro-parti de Guillaume Peltier « Les Populaires » en décembre 2018. Au début de cette même année, le député lui remettait une médaille de l’Assemblée nationale en tant que « personnalité du territoire ».

En avril 2018, lors d’un déplacement de Laurent Wauquiez dans sa circonscription, Guillaume Peltier avait organisé une visite d’EasyShower, avec des journalistes, pour consacrer ce « symbole de la réussite de nos territoires ». Une ancienne collaboratrice raconte par ailleurs que l’élu a déjà organisé des cocktails à l’Assemblée, pour « flatter » des donateurs, et « leur offrir un peu de dorure ».

Au rang des liens qui interrogent figurent aussi ceux qui unissent le député à Nicolas Mazzesi, propriétaire d’un château à Selles-sur-Cher. Ce dernier avait été choisi comme site d’accueil pour l’édition 2019 du « Forum des entreprises de la Vallée du Cher », événement annuel phare porté par Guillaume Peltier. Sollicité par Mediapart, Nicolas Mazzesi n’a pas répondu. Au Monde, il avait précisé que « le site [avait] été mis à disposition gratuitement pour le forum ».

Sans toutefois dire que le député avait sorti le grand jeu pour soigner son hôte à cette occasion. Guillaume Peltier est en effet intervenu directement à plusieurs reprises auprès des responsables du conseil départemental – alors présidé par Nicolas Perruchot, un de ses proches – afin que la collectivité finance à travers une subvention des travaux de consolidation d’un chemin de terre à l’arrière du château, avant la tenue du forum, selon des témoignages et documents recueillis par Mediapart. Un devis a même été transmis au département par le propriétaire Nicolas Mazzesi, à l’automne 2018, et les discussions se sont poursuivies jusqu’au printemps.

« Je vois avec les services mais ça me paraît compliqué de verser une aide directe à un privé alors que nous n’avons plus la compétence. Je regarde », écrit le président du conseil départemental dans un mail, en octobre 2018.

« Cette voirie était une condition sine qua non à la réalisation du forum », se souvient une collaboratrice de Guillaume Peltier chargée de la logistique de l’événement. « Je suis incapable de vous dire comment ça s’est goupillé mais, lors d’un comité de pilotage, on nous a dit : “On va s’arranger, ce n’est pas un problème.” »

Effectivement, les travaux ont bien eu lieu, mais aucun des acteurs interrogés n’a voulu spécifier comment il avaient été financés. Le forum s’est tenu le 5 mai au château de Selles-sur-Cher. Et le 14 août, le propriétaire faisait un don de 2 980,50 euros aux Amis de Guillaume Peltier. Les grands propriétaires de domaines de chasse sont aussi de grands donateurs

On retrouve aussi parmi les grands donateurs plusieurs capitaines d’industrie, ayant pour point commun de pratiquer la chasse dans des propriétés en Sologne. À l’Assemblée, Guillaume Peltier, qui s’était fait remarquer en déposant des amendements téléguidés par la FNSEA en début du quinquennat, est membre du puissant groupe « Chasse, pêche et territoire ».

En janvier 2021, il a déposé une proposition de loi dans le but de limiter l’« engrillagement » des parcelles privées, un phénomène important en Sologne qui mécontente les habitants et une partie des chasseurs. Le député expliquait alors vouloir éviter « une forme de lutte des classes » au profit d’une « réconciliation » avec les propriétaires de domaines. Simple « coup de pub », a critiqué Raymond Louis, chasseur et président de l’association Les Amis des chemins de Sologne.

Les Amis de Guillaume Peltier et Les Populaires ont par exemple eu pour grands donateurs l’armateur Philippe Louis-Dreyfus, Yves Forestier (groupe Le Petit Forestier) et Marc Senoble (président de l’association Chasse et liberté en Sologne), respectivement 113e, 287e et 452e fortunes de France, selon Challenges. Ou encore Jacques Rafaut, fondateur d’une PME dans l’aéronautique. En janvier 2021, à l’occasion de la célébration du partenariat entre Airbus et l’entreprise Rafaut, Guillaume Peltier n’avait pas manqué de saluer le travail de son « remarquable fondateur », lequel avait donné 7 500 euros (et sa femme, l’équivalent) en 2018.

« Aucun don n’entraîne chez moi une quelconque obligation. Ce n’est pas parce que je reçois des dons que je défends des convictions, c’est parce que je défends des convictions que je reçois des dons », avait déclaré Guillaume Peltier au Monde l’été dernier.

Jean-Paul Soulié, lobbyiste pour le CAC 40 à Doha (Qatar) et propriétaire d’un domaine de chasse en Sologne, a aussi donné 7 500 euros au député après l’avoir rencontré en avril 2017. « Il était candidat à la députation, président de la communauté de communes, mes amis me l’ont présenté comme un jeune homme bien sous tous rapports, jeune, dynamique, voulant faire beaucoup de choses en Sologne, développer des activités pour les PME et dans le domaine de la chasse, pour le traitement du gibier, etc. […] J’ai trouvé que c’était bien d’encourager cette personne », justifie-t-il à Mediapart, en précisant qu’il ne « vote pas en Sologne » et que sa contribution n’a rien à voir avec ses activités professionnelles.

Après avoir fait un don, Jean-Paul Soulié se dit « déçu » par Guillaume Peltier, à la suite d’un rendez-vous organisé dans sa propriété : « Il a tenu des propos pas bien placés sur ses ambitions politiques, il se voyait président. Je me suis dit, c’est la première fois qu’on se parle, vraiment, on ne me raconte pas des choses pareilles… » Le chef d’entreprise rompt les contacts, et fait connaître sa déception. « Si j’avais su, je n’aurais rien fait », ajoute-t-il, en expliquant qu’il reçoit toujours « sa lettre en mailing » : « À chaque fois, ça se termine par : “Faites un don”, etc. Je trouve qu’il pousse le bouchon un peu loin. »

L’argent encaissé par les micropartis de Guillaume Peltier lui sert à organiser des événements publics, à commencer par la « fête de la Violette », rassemblement politique durant lequel le député se met savamment en scène au milieu des ballots de paille depuis 2013. Mais l’association des Amis a aussi rémunéré Adélaïde de Choulot, la compagne du député, comme l’avait révélé Le Monde.

En 2020, année où elle a acheté un bien avec Guillaume Peltier, Adélaïde de Choulot a facturé 2 520 euros TTC par mois à une société lui appartenant, pour des prestations de « gestion de la stratégie de communication », « suivi agenda et logistique », « gestion et suivi des déplacements » et « organisation d’événements ». Ce qui équivaut peu ou prou à la fiche de poste d’un collaborateur parlementaire. Mais Adélaïde de Choulot n’aurait pas pu être embauchée sur crédits de l’Assemblée, l’embauche des conjoints ayant été interdite à la suite de l’affaire Fillon.

Malgré nos relances, Adélaïde de Choulot n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien. Au Monde, Guillaume Peltier avait indiqué qu’elle « n’effectue ni travail législatif ni parlementaire ». « Elle effectue des missions utiles, concrètes et efficaces pour l’association pour une rémunération raisonnable par rapport à son implication », précisait-il, ajoutant que la « loi est ainsi intégralement et parfaitement respectée ».

« Il est absolument faux de dire qu’elle travaillait pour l’association, et pas pour l’Assemblée. Ses tâches étaient de préparer l’agenda, de gérer l’intégration aux fichiers ou encore de suivre les performances newsletter », conteste un ancien collaborateur. Dans plusieurs messages de la boucle WhatsApp « Staff » de Guillaume Peltier, dans laquelle elle est inscrite, Adélaïde de Choulot intervient en effet sur des sujets liés au mandat de député.

L’association des Amis a aussi permis d’acheter en masse, à l’été 2020, des exemplaires du livre du député, Milieu de cordée. Au Leclerc de Romorantin, un assistant du député est ainsi reparti avec un chariot rempli de tous les exemplaires en stock. « Le livre ne se vendait pas. Environ 600 exemplaires, achetés à Paris et Romorantin, ont été stockés dans des cartons dans la permanence. Il fallait ensuite les écouler à chaque fois qu’il faisait des meetings », raconte un ancien collaborateur.

Dans le milieu, quand vous dites que vous bossez pour Guillaume Peltier, les gens vous demandent : “Ça va ?!”

Un ancien collaborateur

D’une manière générale, les ex-collaborateurs et collaboratrices de Guillaume Peltier interrogés par Mediapart dénoncent avoir travaillé et avoir été sollicités jour et nuit, semaine et week-end, non pas au service d’un élu, mais au service d’un homme, de sa notoriété, avec en ligne d’horizon son « destin présidentiel ».

« On nous mettait une pression de dingue, on pensait Guillaume Peltier tout le temps. Je vivais, je respirais Guillaume Peltier », décrit un ancien assistant qui a choisi de démissionner de son équipe, marquée par un turnover impressionnant (une dizaine de départs pour la seule période 2020-2021).

« C’est en travaillant avec d’autres élus que je me suis rendu compte à quel point certains sont des brebis galeuses, ajoute-t-il. D’ailleurs, dans le milieu, quand vous dites que vous bossez pour Guillaume Peltier, les gens vous demandent : “Ça va ?!” »

Au plus dur de la pandémie de Covid-19, au printemps 2020, alors que toute la France était assignée à résidence par un confinement, une collaboratrice s’est ainsi vu contraindre à se rendre à la permanence pour éditer des courriers de remerciements aux donateurs, un motif de déplacement qui ne semblait pourtant pas « impérieux ». « Il nous disait : “Vous avez de la chance de travailler pour moi” », témoigne cette jeune femme.

Une autre, rémunérée par le conseil régional mais réquisitionnée un week-end pour « boîter » la communication du député Peltier sur sa circonscription, a dû fournir un certificat médical pour y couper.

« Il fait travailler les gens 24 heures sur 24 et adore aussi demander des trucs le vendredi soir pour le lundi matin », complète un autre ex-collaborateur.

Mais au-delà, ce sont les relations instaurées par Guillaume Peltier avec ses collaboratrices qui ont pu susciter le malaise.

Une de ses anciennes assistantes, confiant avoir entretenu une relation avec le député, dénonce un « côté hypermalsain ». « Vous avez 23 ans, vous sortez de l’école, vous vous demandez si c’est normal ou pas normal », confie-t-elle. « On en arrive à perdre pied, il vous coupe de tout, plus d’amis et de vie sociale, notre seule boussole est Guillaume Peltier. C’est ce qu’il aime. Chez les hommes comme chez les femmes », ajoute-t-elle.

Une autre de ses ex-collaboratrices décrit la même situation. « J’ai vite compris que je lui avais tapé dans l’œil », affirme la jeune femme, qui évoque des « compliments », des coups de fil « tard le soir » conclus par un « bonne nuit, je vous embrasse ». « Il avait quelque chose d’envoûtant », se souvient-elle.

« Je lui ai dit : “Ce n’est pas sain, vous me faites des avances alors que je travaille avec votre compagne” », relate-t-elle. « Quand il a compris que je ne serai pas sa maîtresse, il m’a traitée comme un chien [...] mon contrat a été arrêté brutalement avant la fin de ma période d’essai. »

Invité à nous donner sa version des faits, Guillaume Peltier n’a pas voulu commenter, là non plus.

De même qu’il n’a pas souhaité s’exprimer sur les accusations d’une autre femme, Christina Brown, ancienne conseillère départementale, qui reproche à Guillaume Peltier d’avoir fermé les yeux sur son témoignage visant un élu du département, qu’elle accuse d’agression sexuelle.

Avec une autre élue, elle a déposé plainte en octobre 2020. Celui qu’elles désignent comme leur agresseur vient d’être mis en examen et placé sous contrôle judiciaire.

Le lendemain de sa première prise de parole publique à ce sujet, Christina Brown avait été limogée de son poste de secrétaire départementale du parti, dont Guillaume Peltier préside les instances départementales.

Sarah Brethes et Antton Rouget


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