Région d’Almeria : catastrophe sociale et environnementale

jeudi 21 septembre 2006.
 

La région d’Almeria a été longtemps une des plus pauvres de la péninsule ibérique, le climat sec et chaud (quelque 320 jours de soleil par année) n’offrant pas les conditions idéales pour une production agricole performante. Paysage fortement érodé par les vents ou les rares pluies, on y voit peu d’arbres mais surtout des taillis et des herbes folles. Depuis une quinzaine d’années, le vent a tourné ! De pauvre, la région est actuellement l’une des plus riches de l’Espagne... grâce surtout au labeur du personnel agricole sous-payé qui travaille dans les serres à la production maraîchère et au détriment de l’environnement.

La région d’Alméria est devenue la porte d’entrée pour l’immigration des personnes démunies d’Afrique du Nord, d’Amérique du Sud, de l’Est et d’ailleurs. Ces personnes aspirent à un monde meilleur, elles cherchent du travail afin de subvenir aux besoins de leurs familles. Le développement économique est si rapide que cette région a besoin de cette main d’oeuvre. Il y a une interaction entre les pays européens et les pays africains. Il y a mondialisation de l’immigration, qu’ils soient retraités européens attirés, par le climat andalou ou « pauvres » d’Afrique ou d’ailleurs attirés par les possibilités de travail offertes par cette région en pleine croissance économique et démographique. L’Espagne connaît une très forte immigration, dont une majorité d’hommes et l’Andalousie est une terre de transit pour l’immigration extra-européenne.

Les conséquences sociales et écologiques sont graves :

* l’exploitation absolue des quelque 80000 ouvriers et ouvrières travaillant dans des conditions de quasi esclavagisme : le travail sur appel, 9h à 10h de travail avec une pause de 20 min. pour un salaire journalier de 30 à 34 euros, souvent payé partiellement, avec des contrats de travail fictifs ou falsifiés ; des conditions de logement et d’hygiène misérables, les migrant-e-s habitent dans des cabanes de plastique en périphérie des serres ; la santé des employé-e-s est fortement affectée par ces mauvaises conditions de vie et de travail (intoxications dues aux pesticides et chaleur ambiante dans les serres, notamment), l’accès aux soins médicaux est difficile ; il y des menaces contre les syndicalistes, de la xénophobie (98% de la population résidente, selon une enquête) et des agressions régulières contre les migrant-e-s.

* près de 35000 ha de terre arides, aplanies au bulldozer, sont couvertes par des serres en plastiques (dont 10000 ha de serres illégales) ; l’assèchement de la nappe phréatique (nécessité de dessaler l’eau de mer pour l’eau d’arrosage) demande la déviation de cours d’eau, l’usage intensif de pesticides et d’engrais pollue les sols. Cette culture industrielle de légumes est « évacuée » par plus de 1000 camions transportant quotidiennement des milliers de tonnes de légumes et fruits vers le nord de l’Europe (30% en Allemagne, 20% en France, 1 à 2% en Suisse).

Le SOC (Sindicato de Obreros del Campo y del Medio Rural) est un syndicat qui a 30 ans d’existence. Depuis sa création, il se bat pour défendre les intérêts du personnel agricole, demande une réforme agraire, dénonce les subventions à l’agriculture, dénonce le racisme. Le SOC se bat pour une convention de travail agricole, visite les entreprises pour faire appliquer les droits, défend les ouvriers et ouvrières avec ou sans papiers, refuse la compétition entre ouvriers ou ouvrières qui favorise la baisse des salaires. Malgré les nombreuses attaques auxquelles il est confronté, le syndicat SOC a ouvert ce local à El Ejidio et compte en ouvrir un autre à Nijar, à l’est d’Alméria. Ces locaux sont des lieux de rencontre nécessaires pour permettre l’échange d’information, la possibilité de téléphoner aux familles et de se retrouver entre compatriotes. L’augmentation des femmes dans la population migrante est aussi un élément essentiel qui doit prendre sa place au sein du SOC. Les femmes y sont peu représentées, le syndicat veut favoriser leur présence, les hommes doivent inciter leurs sœurs, leurs compagnes et leurs épouses à venir aux réunions.

La Plateforme pour une agriculture socialement durable a participé avec une petite délégation à l’inauguration et aux différents ateliers organisés pour cette manifestation : les membres ont exposé leurs expériences, ils ont parlé de la défense des Sans-Papiers en Suisse et de leur combat pour un revenu décent pour les travailleurs et travailleuses du monde agricole. A plusieurs reprises, l’industrialisation de l’agriculture a été condamnée, car elle ne représente pas de modèle de production permettant des revenus équitables mais débouche sur une concurrence impitoyable qui tue la production. Cette concurrence est néfaste aussi pour les producteurs : les premiers effets de délocalisation se font sentir aujourd’hui à El Ejido, la production de légumes sous serre, grâce entre autre aux frais de transports ridiculement bas, est en train de s’installer au Nord de l’Afrique !

Christine SCHILTER pour le SIT

Philippe SAUVIN pour l’autre syndicat


La Plateforme pour une agriculture socialement durable

La Plateforme pour une agriculture socialement durable regroupe des syndicats (SIT, Unia, l’autre syndicat...), des organisations agricoles (Uniterre, Org. pour le déf. des petits et moyens paysans / VKMB), Jardins de Cocagne GE...), de défense des consommateurs-trices (FRC, ACSI, SKS/FPC) et des immigré-e-s (CEDRI,FCE...) ayant signé un manifeste commun (v. www.solidarites.ch). Elles interviennent auprès du parlement pour l’harmonisation de la législation du travail agricole au niveau suisse et auprès des chaînes de distribution pour les dissuader d’importer des denrées produites dans des conditions sociales et environnementales inacceptables. Pour info : Ph. Sauvin 079 509 31 10 (réd. « Solidarités »)

SCHILTER Christine, SAUVIN Philippe

* Publié dans le journal suisse « Solidarités » n°80 du 10/01/2006.


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