Parce que même en ces temps de fêtes, même au cœur de l’hiver, dans le froid, dans le gel, sur une mer tourmentée et au milieu des montagnes blanchies par la neige, au moment même où j’écris ces lignes, des femmes, des hommes et des enfants sont en exil. Ils fuient un pays qui s’enflamme. Ils risquent la mort pour oser la vie. Ils méritent au moins de ne pas être oubliés.
Mon cœur s’indigne
Quand je veux tendre la main,
Accueillir,
Et que toi tu me demande de juger, de choisir.
Juger qui a le droit ou pas d’entrer chez toi,
Choisir qui a assez souffert,
Comme si traverser la mer
Ne disait pas assez.
Comme si quitter son pays, sa famille, ses amis
En se disant que peut-être
On ne les reverra jamais
Ne suffisait pas à dire
Qu’il était impossible de rester.
Toi qui te pavane dans ton luxe du choix,
Ton luxe de décider qui est assez beau
...ou assez laid ?
Ton luxe de choisir qui ne te fera pas d’ombre,
Qui ne viendra pas troubler tes eaux sombres
Où tous leurs cadavres ont coulé.
Je voulais tendre la main
Et toi tu m’as proposé
De les classer,
De les ficher,
De les compter,
De les tordre assez
Pour qu’ils deviennent des chiffres,
Des statistiques :
« soudanais, afghan, congolais... »
Qui est à la mode aujourd’hui ?
Qui aura droit à tes papiers ?
Qui aura droit à une vie
Qui a déjà été brisée ?
Tu ne m’as pas demandé d’écouter leurs histoires ;
Tu leur as fait me raconter ce qu’ils voulaient oublier,
Tu m’as fait raviver leurs cauchemars
Et réveiller les miens.
Tu ne m’as pas demandé de voir les hommes en eux,
Non, tu m’as demandé de mettre en scène des malheureux,
Des estropiés, des morts-vivants, des torturés.
Tu voulais voir leurs êtres brisés,
Inoffensifs, dociles, transparents,
Pour mieux pouvoir les contrôler.
Tu m’as demandé de les plier
A tes dates, à tes dossiers,
A tes cadres, à tes officiers,
A tes interprètes, à tes claviers,
A tes écrans plats, à tes bureaux froids,
Eux qui connaissaient le chant du vent
Et le souffle chaud du désert,
Tu ne leur as rien laissé.
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