Migrants : Mon cœur s’indigne

mercredi 5 janvier 2022.
 

Parce que même en ces temps de fêtes, même au cœur de l’hiver, dans le froid, dans le gel, sur une mer tourmentée et au milieu des montagnes blanchies par la neige, au moment même où j’écris ces lignes, des femmes, des hommes et des enfants sont en exil. Ils fuient un pays qui s’enflamme. Ils risquent la mort pour oser la vie. Ils méritent au moins de ne pas être oubliés.

Mon cœur s’indigne

Quand je veux tendre la main,

Accueillir,

Et que toi tu me demande de juger, de choisir.

Juger qui a le droit ou pas d’entrer chez toi,

Choisir qui a assez souffert,

Comme si traverser la mer

Ne disait pas assez.

Comme si quitter son pays, sa famille, ses amis

En se disant que peut-être

On ne les reverra jamais

Ne suffisait pas à dire

Qu’il était impossible de rester.

Toi qui te pavane dans ton luxe du choix,

Ton luxe de décider qui est assez beau

...ou assez laid ?

Ton luxe de choisir qui ne te fera pas d’ombre,

Qui ne viendra pas troubler tes eaux sombres

Où tous leurs cadavres ont coulé.

Je voulais tendre la main

Et toi tu m’as proposé

De les classer,

De les ficher,

De les compter,

De les tordre assez

Pour qu’ils deviennent des chiffres,

Des statistiques :

« soudanais, afghan, congolais... »

Qui est à la mode aujourd’hui ?

Qui aura droit à tes papiers ?

Qui aura droit à une vie

Qui a déjà été brisée ?

Tu ne m’as pas demandé d’écouter leurs histoires ;

Tu leur as fait me raconter ce qu’ils voulaient oublier,

Tu m’as fait raviver leurs cauchemars

Et réveiller les miens.

Tu ne m’as pas demandé de voir les hommes en eux,

Non, tu m’as demandé de mettre en scène des malheureux,

Des estropiés, des morts-vivants, des torturés.

Tu voulais voir leurs êtres brisés,

Inoffensifs, dociles, transparents,

Pour mieux pouvoir les contrôler.

Tu m’as demandé de les plier

A tes dates, à tes dossiers,

A tes cadres, à tes officiers,

A tes interprètes, à tes claviers,

A tes écrans plats, à tes bureaux froids,

Eux qui connaissaient le chant du vent

Et le souffle chaud du désert,

Tu ne leur as rien laissé.


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