Une enquête ouverte pour « menaces de mort » après la plainte d’Alexis Corbière et Raquel Garrido

mardi 28 décembre 2021.
 

Le député et l’élue locale, membres de La France insoumise, ont interpellé mardi le ministre de l’intérieur à propos d’une vidéo où des militants pro-Zemmour s’entraînent au tir en citant leurs noms et celui d’Emmanuel Macron.

Par Gilles Rof

C’est depuis le quartier de la Plaine, à Marseille, que le député de La France insoumise (LFI) Alexis Corbière et la conseillère régionale LFI Raquel Garrido, ancienne porte-parole du mouvement, ont annoncé, mardi 21 décembre, avoir déposé une plainte, par le biais de leur avocat parisien, contre les auteurs de vidéos publiées sur les réseaux sociaux pour « menace de mort et provocation à la commission d’un crime ». Dans la foulée, le parquet de Paris a annoncé mercredi 22 décembre l’ouverture d’une enquête par le pôle national de lutte contre la haine en ligne (PNLH), pour « menaces de mort et provocation à la haine raciale ».

Des extraits de ces vidéos avaient été révélés la veille par la Jeune Garde antifasciste. Sur ces images, visiblement tournées dans un stand de tir, deux hommes font successivement feu avec une arme de précision et nomment les cibles qu’ils imaginent prendre, en particulier le président de la République, Emmanuel Macron, et les élus de LFI Raquel Garrido et Alexis Corbière, par ailleurs compagnons.

L’un d’entre eux dit « s’entraîner à chasser du Garrido sauvage », insulte l’élue locale, puis tire à nouveau en évoquant le député. « Deux balles, trois morts, ça a ricoché sur un antifa derrière », ajoute-t-il. A visage découvert face à la caméra, fusil en main, l’autre tireur assure qu’il va « éclater (…) du jeune gaucho, du jeune communiste, du jeune bougnoule mental ».

Fusil en joue, il mime ensuite la surprise – « Ah, Emmanuel Macron ! » – et décoche un nouveau tir. Dans la même séquence, l’homme s’imagine tirer sur des personnes d’origine maghrébine. « Il y a des drapeaux algériens et marocains, j’ai vu là-bas, donc on va s’empresser de tirer », lâche-t-il.

« Contexte politique très facilement identifiable »

Raquel Garrido explique avoir découvert ces vidéos sur le compte Twitter du groupe antifasciste Jeune Garde, lundi 20 décembre. « Il nous a semblé important de réagir pour ne pas laisser l’impression qu’on banalise ce qui ressort d’une menace de mort et d’une incitation à la provocation et à la commission d’un crime », a expliqué la militante, elle-même avocate, lors d’une conférence de presse donnée dans un bar antifasciste de Marseille. « A cet instant, on ne sait pas où sont localisés l’individu et son acolyte, si des services de police [les] recherchent activement, si un parquet s’est saisi des faits pour appréhender ces individus qui sont armés et parlent à visage découvert pour appeler au meurtre », s’étonne-t-elle.

Assurant avoir reçu un message de soutien du président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand (La République en marche), Alexis Corbière a expliqué avoir échangé le matin même avec le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, sans lui demander la mise en place d’une protection spécifique. « Il m’a conseillé de porter plainte mais nous n’avons pas de retour de lui depuis », explique le député, qui se dit « choqué que quelqu’un menace un parlementaire et que l’on reste dans le flou ».

Pour les deux « insoumis », l’apparition de ces extraits vidéo est le fruit d’un « contexte politique très facilement identifiable », lié à la candidature du polémiste d’extrême droite Eric Zemmour à la présidentielle et à leur participation, jeudi 16 décembre, à l’émission « Face à Baba », sur la chaîne C8, dont M. Corbière critique « la production déséquilibrée en faveur d’Eric Zemmour ». Des enquêtes de Libération et de Mediapart ont révélé que les deux tireurs affichaient leur soutien aux idées du candidat et que l’un d’eux était présent à son meeting du 5 décembre, à Villepinte (Seine-Saint-Denis).

Sur le plateau de l’émission animée par Cyril Hanouna, le député s’est accroché à plusieurs reprises avec le candidat d’extrême droite. En coulisse, un violent échange a opposé les deux « insoumis » à des proches de M. Zemmour, dont Stanislas Rigault, président du mouvement de jeunesse Génération Z. Mme Garrido y a été filmée insultant le jeune militant – une vidéo diffusée dès le lendemain sur CNews.

M. Zemmour appelé à « condamner la vidéo »

« Cela fait quatre jours que nous subissons une sorte de harcèlement », assure M. Corbière, évoquant « des centaines de messages d’insultes et de menaces » reçus par différents vecteurs. « Eric Zemmour m’a mis une cible sur le dos », affirme Mme Garrido, avant d’ajouter : « Aujourd’hui, toute la fachosphère en ligne nous cible les uns après les autres, avec un clair risque de passage à l’acte. »

« Nous entrons en campagne présidentielle, ce pays va débattre. Il y a en coulisse une manière de fonctionner de toute une mouvance qui accompagne certains candidats, et en l’occurrence Eric Zemmour, qui vise à intimider quiconque a une parole opposée à eux », s’inquiète le député « insoumis », qui demande au polémiste de « condamner la vidéo » et aux pouvoirs publics « d’envoyer un signal clair » à un peu moins de quatre mois de la présidentielle.

Par ailleurs, l’écologiste Sandrine Rousseau a annoncé, mercredi, sur Twitter son intention de porter plainte après que « des militants de Zemmour ont tambouriné, collé des tracts sur ma porte » dans la nuit de mardi à mercredi. « Un pas de plus a été franchi dans la dénégation de la démocratie, a-t-elle dénoncé. Ces intimidations décuplent mon énergie à porter des discours écologistes, sociaux, féministes et antiracistes. »

Des sympathisants de M. Zemmour avaient déjà fait polémique en novembre : certains membres du groupuscule d’extrême droite La Famille gallicane s’étaient affichés sur les réseaux sociaux en train de tirer sur des caricatures racistes, avait divulgué le site d’informations Streetpress. Le youtubeur d’extrême droite Papacito, qui soutient publiquement la candidature de M. Zemmour à la présidentielle, est également visé par une enquête pour avoir publié en juin une vidéo simulant l’exécution d’un électeur LFI.

Gilles Rof (Marseille, correspondant) (avec AFP)


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